Je suis tombé cette fin de semaine sur un article passionnant du Wall Street Journal, intitulé See the analogies, change the world et signé par John Pollack. Ce dernier y présente un condensé de son dernier ouvrage, Shortcut: How analogies reveal connections, spark innovation, and sell our greatest ideas (Barnes & Noble, 2014). Un condensé sous la forme de quatre règles à suivre pour innover suprêmement.
Innover suprêmement? Ça signifie réussir la prouesse de trouver une idée que personne n'a jamais eue auparavant. Une idée révolutionnaire. Une idée, autrement dit, qui est susceptible de changer le monde, à tout le moins de changer la donne dans le milieu dans lequel vous œuvrez.
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Le truc imparable pour innover suprêmement est fort simple, selon M. Pollack : il suffit de recourir à l'analogie. C'est-à-dire qu'il convient de chercher une similitude entre deux choses différentes qui a priori n'ont rien à voir ensemble. Et donc, d'identifier les points de ressemblance entre deux entités distinctes, puis de s'en servir comme points de départ pour voir chacune des entités d'un œil neuf, sachant que seul un regard neuf peut amener à trouver une idée vraiment neuve, pour ne pas dire suprême.
Le procédé vous semble complexe? Pas d'inquiétude, c'est tout à fait normal. Car nous ne sommes pas habitués à réfléchir de la sorte. D'où l'intérêt des quatre règles édictées par M. Pollack et que je vous présente de ce pas…
1. Multipliez les analogies pour pouvoir, un beau jour, en faire une bonne
Il y a de vraies analogies, mais aussi de fausses. L'ennui, c'est que lorsque nous faisons des analogies, nous avons la fâcheuse tendance à trouver avant tout les fausses. Prenons un exemple… Vous roulez sur une route sinueuse, et par association d'idées cela vous rappelle une autre route, tout aussi sinueuse, que vous avez empruntée l'été dernier en Italie. Il ne s'agit pas là d'une analogie, mais d'une simple ressemblance, ce que nous faisons tout le temps. En revanche, si vous roulez sur une route sinueuse et si cela vous fait penser à un serpent, alors là, il s'agit d'une vraie analogie : vous avez identifié une similitude entre deux choses différentes.
Comment faire pour faire de vraies analogies, et non plus des fausses? Par l'exercice. En multipliant les analogies, tout en étant vigilant dans la distinction entre les vraies et les fausses.
«Pendant des siècles, les êtres humains ont tenté de voler dans les airs en imitant le battement des ailes des oiseaux, dit M. Pollack. En vain, parce qu'il ne s'agissait pas là d'une vraie analogie. Un beau jour, les frères Wright ont noté qu'il y avait des similitudes entre ce que les apprentis aviateurs tentaient d'accomplir et un objet sur lequel ils avaient travaillé, eux, des années durant, à savoir… le vélo!
«En effet, l'avion comme le vélo étaient des engins instables, qui nécessitaient une grande maîtrise de l'équilibre et de l'aérodynamique. Et ils entraînaient une chute si jamais on ne leur fournissait pas l'énergie nécessaire pour avancer. Inspirés par ces points de ressemblance qui, jusqu'alors, n'étaient venus à l'esprit de personne, ils sont entrés dans l'Histoire à Kitty Hawk, le 17 décembre 1903.»
2. Explorez plusieurs analogies, en vous méfiant de la plus séduisante
«Il arrive souvent qu'une analogie soit séduisante, au point de se dire qu'on a trouvé une perle rare qui nous permettra d'innover suprêmement, dit M. Pollack. Mais mieux vaut s'en méfier. Car l'analogie la plus séduisante est rarement la meilleure, à savoir celle susceptible de nous amener à une véritable innovation.
«D'où l'intérêt de multiplier les vraies analogies, à partir du moment où on en trouve une bonne. Prenez Charles Darwin, qui a élaboré sa théorie de l'évolution à partir non pas d'une, mais de deux analogies.
«La première analogie découlait d'un parallèle entre la géologie et la biologie. Darwin a noté qu'un cours d'eau était capable de creuser carrément un canyon, si on lui en laissait le temps et si le terrain y était propice. Et il s'est dit qu'il pouvait en être de même pour une plante ou un animal, qui, au fil des générations, pouvait peut-être modifier sa forme et ses facultés pour s'adapter au mieux à son environnement.
«Quant à la seconde analogie, Darwin a perçu un parallèle entre la façon dont les éleveurs effectuaient des sélections d'espèces d'animaux et de plantes et la façon dont la nature effectuait une "sélection naturelle" au sein de la vie sauvage. C'est en mixant les deux analogies qu'il en est arrivé à sa théorie qui a bouleversé notre compréhension du vivant. Ni plus ni moins.»
3. Piquez sans cesse votre curiosité
«L'art de l'analogie découle en grande partie de la recatégorisation de l'information, en particulier de l'information puisée à des sources inhabituelles pour nous. Un exemple lumineux vous permettra de saisir comment vous y prendre concrètement pour y parvenir…
«On attribue l'invention du travail à la chaîne à Henry Ford, à l'occasion de la fabrication de son fameux modèle T. En vérité, l'inventeur du travail à la chaîne est l'un de ses employés, un jeune mécanicien du nom de Bill Klann. Ce dernier avait visité une usine de dépeçage et avait relevé que les travailleurs ne se répartissaient pas les carcasses, mais se passaient les carcasses de l'un à l'autre après avoir, à tour de rôle, effectué une tâche précise, toujours la même. Et il s'est dit que son travail chez Ford pouvait s'en inspirer, en inversant la manœuvre : au lieu de désassembler une carcasse à tour de rôle, eux pourraient assembler une automobile à tour de rôle.
«Fier de son analogie, il est allé en parler à son boss, qui l'a… envoyé bouler! Le boss n'avait rien compris à son idée. Bill Klann a tout de même réussi à convaincre des collègues de la pertinence de son idée, et a proposé une expérience à sa haute direction : ce serait à qui monterait le plus vite un modèle T entre son équipe à lui et une autre, en fait, entre sa technique à lui et la technique habituelle. Résultat? Là où il fallait 12 heures pour fabriquer une automobile (technique habituelle), il ne lui a fallu que 90 minutes (travail à la chaîne)!»
4. Simplifiez, simplifiez, simplifiez
«Steve Jobs aimait à dire : "La simplicité est la sophistication ultime", raconte M. Pollack. Il entendait par là qu'il fallait toujours chercher à simplifier à l'extrême pour espérer atteindre l'excellence. Les analogies fonctionnent suivant le même principe : elles permettent de rendre évident ce qui est pourtant, au départ, complexe. Et ce, en permettant de rendre accessible à tous l'essence de la chose-même. C'est d'ailleurs à cela que l'on reconnaît les bonnes analogies : elles sont simples, mais jamais simplistes.»
L'auteur de Shortcut illustre son propos avec un exemple concret, tiré de l'histoire d'Apple. «C'est en découvrant le Xerox Alto conçu en 1973 par Charles Thacker et les chercheurs du Xerox Palo Alto Research Center – souvent présenté comme l'un des premiers ordinateurs de bureau – que Steve Jobs a eu l'idée de démocratiser l'ordinateur personnel, explique-t-il. Il avait vu en ce prototype un objet susceptible d'intéresser des millions de gens, ce que les propres inventeurs du Xerox Alto n'avaient pas imaginé une seconde. Il s'était dit qu'en simplifiant l'objet, en particulier son design, il saurait séduire un vaste marché de consommateurs.» On connaît la suite…
Voilà. Vous savez à présent comment vous y prendre pour innover suprêmement. Il vous suffit de respecter les 4 règles établies par John Pollack, un ancien journaliste devenu rédacteur de discours pour le président Bill Clinton, puis consultant en communication et en innovation auprès de grandes entreprises. Et donc, de faire une habitude de mieux maîtriser l'art de l'analogie. C'est aussi simple que ça.
En passant, l'écrivain français Victor Hugo a dit dans Océan prose : «Savoir, penser, rêver. Tout est là».
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