BLOGUE. Nous avons tous nos idoles : Nelson Mandela pour le courage, Steve Jobs pour la créativité, Lionel Messi pour la performance, etc. Nous rêvons tous d'être en mesure, un jour, de réaliser des prouesses dignes d'elles, à savoir d'inventer un produit aussi génial que ceux d'Apple ou d'avoir, aux moments cruciaux de notre carrière, la même énergie folle que le numéro 10 du FC Barcelone quand il se rue sur le but adverse, ballon au pied. Et nous nous disons tous alors que… nous rêvons en couleurs. Pas vrai?
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Pourtant, il y a moyen d'exceller tout autant que nos idoles. Du moins, de faire aussi bien que les meilleurs de ceux qui évoluent dans notre environnement, et même mieux que ceux-ci. Oui, nous pouvons faire mieux que les meilleurs!
J'exagère? Pas du tout! Je suis très sérieux en affirmant cela, car je m'appuie sur une étude passionnante, intitulée Benefiting from others in organizational adaptation. Celle-ci est signée par Gianluca Vagnani, professeur de management à la Sapienza Università de Rome (Italie), assisté de Michele Simoni et Peter Moran. Elle met au jour le fait surprenant qu'il existe une méthode toute simple pour dépasser nos idoles…
Ainsi, les trois chercheurs se sont intéressés au phénomène de l'adaptation des entreprises aux nouvelles conditions de marché (l'arrivée d'un nouveau compétiteur, l'écroulement d'un vieux rival, l'apparition inopinée d'une nouvelle technologie changeant radicalement la donne du marché, etc.). Ils se sont demandés, plus précisément, quelle était la meilleure stratégie à adopter lorsqu'une adaptation est devenue nécessaire. Vaut-il mieux, en général, laisser tomber ses cartes désormais obsolètes pour en prendre à la place de nouvelles, sans trop savoir ce qu'elles seront? Changer entièrement son jeu de cartes, et donc décider de se métamorphoser? Ne pas réagir aussitôt et observer les réactions des autres? Au contraire, être le premier à réagir, en se disant que l'important est d'avoir un temps d'avance sur les autres?
Pour y voir un peu plus clair dans tout ça, ils ont mis au point un modèle économétrique permettant de voir ce que ferait une organisation confrontée à une telle situation. Ils ont considéré plusieurs organisations rivalisant dans une sorte d'écosystème fermé, chacune voulant devenir le numéro 1. Toutes ne partent pas sur un pied d'égalité, un palmarès existe déjà. Survient un événement majeur qui impose à chacun de s'adapter, et même plus que cela, d'en profiter pour tenter de dépasser le numéro 1.
Les chercheurs ont imaginé un terrain de jeu dont les cases ont différentes valeurs. Vingt organisations identiques – les pions, si vous voulez – y sont réparties de manière aléatoire, ce qui détermine le palmarès de départ. L'objectif de chacun est de progresser dans le palmarès, en se déplaçant toutes en même temps d'une case à la fois, le but ultime étant d'occuper la meilleure des cases. Et ce, en adoptant l'une des deux stratégies suivantes:
> L'indépendant. Le pion évolue d'une case à l'autre sans tenir compte des mouvements des autres. Il est surtout concentré sur les cases qui jouxtent la sienne pour déterminer son mouvement. Bref, il est un tacticien.
> L'interactif. Le pion tient compte des mouvements des autres. Il a une vision globale du terrain de jeu, et base ses calculs sur l'ensemble des données disponibles. Il est donc un stratège.
Résultats des centaines de coups ainsi joués, dans une multitude de configurations de départ imaginables? Spectaculaires! MM. Vagnani, Simoni et Moran ont découvert une sorte de «loi de l'adaptation» applicable à tous ceux qui entendent devenir calife à la place du calife…
Que dit cette loi? Que la méthode imparable pour finir par dépasser le numéro 1 est… de l'imiter! Oui, il convient de copier chacun de ses faits et gestes jusqu'au moment où l'on réalise que son dernier mouvement n'était pas le mouvement optimal. À la seconde où vous percevez l'une de ses défaillances – et celles-ci surviennent obligatoirement, car tout numéro 1 doit progresser sans cesse dans l'inconnu, sans modèle inspirant –, vous saurez que vous êtes désormais plus fort que lui, et donc que ce n'est plus qu'une question de temps avant que vous ne le surpassiez.
Cette loi de l'adaptation peut être résumée en six points:
1. Adoptez une vision globale de votre écosystème, car ceux qui ont une courte vue sont toujours ceux qui échouent les premiers.
2. Découvrez qui sont ceux qui sont meilleurs que vous pour l'instant, et en particulier lequel est le meilleur.
3. Imitez tout ce que fait le meilleur. C'est-à-dire intéressez-vous à tout ce qui l'intéresse et prenez les mêmes décisions que les siennes, sans avoir honte de votre manque d'originalité (à vouloir faire différent, vous ferez moins bien que lui, et donc creuserez davantage votre retard sur lui…).
4. Mettez-vous dans sa peau. Tentez de devenir son clone, en vous dotant des mêmes caractéristiques et des mêmes pensées. Vous noterez alors que vous dépasserez vos autres concurrents avec une facilité déconcertante.
5. Supplantez-le, le moment venu. À la première grosse erreur de la part du numéro 1, sautez sur l'occasion et dépassez-le.
6. Bonne chance pour la suite, car le numéro 2 vous attend maintenant au tournant.
En passant, Jean-Jacques Rousseau a dit dans l'une de ses lettres : «Proposons-nous de grands exemples à imiter, plutôt que de vains systèmes à suivre»…
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