Avez-vous déjà entendu parler de la codétermination? Probablement pas. Il s'agit d'une forme particulière de direction d'entreprise, dans laquelle les employés ont une véritable "voix".
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En Scandinavie et en Allemagne, toutes les entreprises de taille moyenne ou grande sont dotées d'un conseil de surveillance. Celui-ci est composé de représentants des actionnaires, mais aussi – s'ils le souhaitent – de représentants des employés. Or, ce conseil ne se contente pas d'émettre des avis sur nombre de décisions managériales, il a carrément le droit de veto sur ce que décident les hauts-dirigeants. Autrement dit, si ce que le PDG et ses lieutenants veulent entreprendre ne convient pas aux employés, ceux-ci peuvent les en empêcher. Ni plus ni moins.
Point important à souligner : il ne s'agit pas là d'un levier de pouvoir accordé par l'État aux syndicats. Car tel n'est pas le but de la codétermination : les représentants des employés ne doivent afficher, dans le cas présent, aucune dimension syndicale. Il s'agit, en fait, de simples employés, qui ont à cœur l'avenir de l'entreprise, qui ont envie de s'investir davantage dans les décisions prises, et qui ont un charisme fou, au point de récolter les voix des autres pour se faire élire. Bref, ce sont juste des employés passionnés, sans parti pris.
Maintenant, je vous vois venir, vous pensez sûrement : «OK, c'est bien beau, ça, la codétermination. Mais est-ce que ça marche vraiment? Est-ce que ça ne fait pas que ralentir les prises de décision, et donc nuire à la performance de l'entreprise?». Cette réflexion, je me la suis moi-même faite, en découvrant l'étude intitulée Giving a choice to employees and firm behavior during crises. Une étude signée par : Aleksandra Gregoric et Evis Sinani, toutes deux professeures d'économie et de management à l'École de commerce de Copenhague (Danemark); Marc Steffen Rapp, professeur de gestion des affaires à l'Université Philipps de Marbourg (Allemagne); et Michael Wolff, professeur de management et de gouvernance à l'Université George-Auguste de Göttingen (Allemagne). Et quand j'ai découvert la conclusion de celle-ci, je me suis dit qu'il fallait absolument la partager avec vous.
Les quatre chercheurs se sont intéressé au comportement et à la performance des entreprises scandinaves fonctionnant en codétermination au moment fort de la récession, à savoir en 2008-2009. Ils ont considéré un échantillon de 307 entreprises, dont certaines évoluaient en Finlande, où n'existe pas la codétermination, histoire d'avoir des éléments de comparaison.
Puis, ils ont analysé les faits et gestes de chacune d'entre elles, en regard des résultats que ceux-ci ont donnés. Leur objectif était de répondre à ces interrogations : Quelles décisions ont pris les entreprises en codétermination que n'ont pas pris les autres? Et quelles en ont été les conséquences, heureuses comme malheureuses?
Voici ce qu'ils ont ainsi découvert :
> Plus humaines. Les entreprises en codétermination ont eu nettement moins recours au licenciement que les autres pour faire face à la crise économique.
> Plus sages. Les entreprises en codétermination ont pris des décisions plus prudentes que les autres, en ce sens qu'elles ont pris moins de risques. Ce qui leur a permis d'atténuer le choc de la crise économique. A contrario, leur retour à la croissance a été un peu plus lent que les autres, mais celui-ci s'est effectué sur des bases plus solides que celles des autres.
> Tout aussi bonnes sur le plan financier. Les entreprises en codétermination ont affiché une performance financière tout aussi bonne que les autres. Et ce, tant au niveau de la gestion des investissements que celle des salaires, ou encore des fonds propres.
Par conséquent, il suffit qu'un tiers du conseil de surveillance soit composé d'employés – 34% pour le Danemark, 31% pour la Norvège et 22,5% pour la Suède – pour que l'entreprise soit plus sensible au sort de ses employés et prenne des décisions plus sages, tout en affichant une aussi bonne performance que les autres entreprises. Y compris lorsque l'économie du pays est en pleine tourmente.
Comme quoi, l'on peut être à la fois humain, sage et performant. Ce qui – on s'entend – n'est pas évident pour tout le monde, en particulier pour ceux qui ne jurent que par un capitalisme sauvage…
Les quatre chercheurs ont tenu à s'assurer de la validité de leur trouvaille. Pour ce faire, ils ont effectué un sondage auprès d'une centaine de personnes figurant au sein d'un conseil de surveillance, tant des représentants des actionnaires que des représentants des employés.
Qu'est-ce que celui-ci a donné? Ceci :
> Une vision à long terme. Toutes les personnes interrogées avaient un point en commun. Lequel? Elles avaient toutes en tête une priorité, et une seule : la performance à long terme de l'entreprise. Certains auraient pu croire que les représentants des employés n'agissaient que pour défendre ceux qui les avaient élus, mais non, ils agissaient avant tout pour la santé de l'entreprise, pour que l'activité perdure, et même florisse.
Impressionnant, n'est-ce pas? Quant à moi, j'en tire la leçon suivante, évidente :
> Qui entend voir son équipe, voire son entreprise, florir doit donner une "voix" à ses employés. C'est-à-dire qu'il lui faut davantage écouter – et surtout entendre – ce que ceux-ci ont à dire et à proposer pour aller toujours plus loin, tous ensemble. Car chacun a à cœur de récolter et de partager les fruits de l'arbre commun. Comment s'y prendre? Eh bien, cela peut se faire en créant une cellule spéciale, où des membres de l'équipe, ou de l'entreprise, ont un droit de veto sur certaines décisions. Pour débuter, des décisions accessoires, le temps de s'habituer à la formule; puis, des décisions de plus en plus importantes, à mesure que chacun prend de l'expérience.
En passant, le maréchal de France Blaise de Montluc a dit dans ses Commentaires : «On connaît par les fleurs l'excellence du fruit».
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