Vous rêvez du jour où votre boss vous lâchera les baskets. Où il ne passera plus son temps à épier chacun de vos gestes en regardant par-dessus votre épaule. Où il vous laissera enfin agir à votre guise pour mener à bien la tâche qui vous a été confiée. Pas vrai?
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Et si je vous disais que ce rêve n'en est peut-être plus un, qu'il ne tient en fait qu'à vous de le concrétiser dans votre quotidien au travail… Me croiriez-vous? Je l'espère bien, car c'est justement ce que je compte vous faire découvrir aujourd'hui. Grâce à la magnifique trouvaille que j'ai faite dans une étude intitulée Exploring subsidiary desire for autonomy: A conceptual framework and empirical findings et signée par deux professeurs de marketing de l'Université de Mannheim (Allemagne), Jana-Kristin Prigge et Christian Homburg.
Ainsi, les deux chercheurs allemands ont noté quelque chose de curieux du point de vue du marketing des multinationales :
> Décisions centralisées. Certaines d'entre elles confient l'entièreté de la conception des campagnes publicitaires au seul siège social, tous les autres bureaux nationaux ayant juste la responsabilité de décliner localement ce qui a été décrété au sommet de la pyramide.
> Décisions décentralisées. D'autres, au contraire, chargent chaque bureau implanté à l'étranger de concevoir localement ses campagnes publicitaires, sans droit de regard du siège social, ou presque.
Les approches sont radicalement divergentes. D'où l'interrogation suivante, légitime : laquelle est la meilleure? Oui, laquelle elle la plus performante, tant pour le siège social que pour chacun des bureaux à l'étranger?
Pour s'en faire une idée, Mme Prigge et M. Homburg ont analysé les stratégies de marketing, et les résultats de celles-ci, de 133 binômes de multinationales. Des binômes? Ça correspondait dans le cas présent à des duos composés d'une part du siège social d'une multinationale et d'autre part d'un de ses bureaux à l'étranger.
Puis, ils ont demandé aux hauts-dirigeants tant des sièges sociaux que des bureaux à l'étranger de ces multinationales-là de répondre à des questionnaires détaillés. Ces derniers visaient à évaluer les relations véritables entre les uns et les autres, en particulier le vrai degré d'autonomie dont bénéficiaient les bureaux à l'étranger.
Résultats? Les voici :
> Les bureaux locaux ont soif d'autonomie. Ils rêvent de pouvoir mener eux-mêmes leurs propres campagnes publicitaires, d'autant plus qu'ils sont convaincus qu'eux seuls sont en mesure de faire vibrer les cordes sensibles des habitants du pays dans lequel ils se trouvent. Le hic? C'est qu'en général les sièges sociaux ont du mal à accorder de l'autonomie aux bureaux locaux, si bien que nombre de bureaux locaux ont tendance à agir de leur propre chef, en douce, croient-ils. Or, plus les bureaux locaux s'accordent de l'autonomie, plus les tensions sont vives avec le siège social. Et lorsque les tensions sont tendues, la performance des deux en prend toujours un méchant coup.
> Les bureaux locaux ont soif d'être écoutés. Plus les décisions sont centralisées, plus les bureaux locaux ont soif d'autonomie. Idem, plus les décisions prises par le siège social sont importantes, plus les bureaux locaux ont soif d'autonomie. Autrement dit, moins les bureaux locaux ont droit à la parole pour ce qui les concerne au premier chef, plus ils rêvent de pouvoir s'exprimer, et mieux, d'être écoutés.
> Les bureaux locaux sont capables d'écouter. Les bureaux locaux sont tout à fait disposés à appliquer avec zèle une décision prise par le siège social, mais à une condition. Laquelle? C'est très simple : à condition qu'ils soient convaincus de la pertinence et de la justesse de la décision prise. C'est-à-dire à condition qu'ils soient sûrs et certains de la compétence des hauts-dirigeants du siège social.
Fascinant, n'est-ce pas? Ces résultats permettent d'y voir plus clair quant à la meilleure relation possible entre siège social et bureau à l'étranger, plus précisément en matière de prise de décision lorsque deux parties inégales sont impliquées. Et par suite, pour tout ce qui a trait à l'autonomie des employés d'une même équipe par rapport à leur boss.
On peut en effet en retenir ceci, d'après moi :
> Qui entend devenir plus autonome dans son travail se doit de faire preuve d'initiative avec acuité. Ce qui peut se faire en trois temps :
1. Il lui faut prendre en mains un dossier relativement important dont il sait qu'il lui donnera l'occasion de briller, c'est-à-dire d'exprimer ses talents qui lui sont propres.
2. Il lui faut embarquer avec lui les autres membres de l'équipe pertinents pour mener à bien ce dossier-là.
3. Ill lui faut établir une saine communication avec son boss, à plus forte raison si celui-ci a la fâcheuse tendance de tout contrôler. Une saine communication? Cela signifie un véritable dialogue, où l'écoute se fait dans les deux sens. Ce qui demande à l'employé en question de solliciter les lumières de son boss avec intelligence – le truc, c'est de l'interroger sur les points pour lesquels il est vraiment compétent, et non pas sur les autres – et d'en tenir compte. Et le tour est joué!
En agissant de la sorte, un employé apportera la preuve à son boss qu'accorder un peu plus d'autonomie à ses employés permet d'afficher de meilleurs résultats qu'auparavant. Que cela permet à toute l'équipe d'être encore plus performante. Que cela est tout bonnement win-win tant pour les employés que pour le boss.
Voilà. Il ne vous reste donc plus qu'à vous lancer! Ce qui serait – soit dit en passant – une belle résolution pour 2015…
En passant, le penseur français Jean-Paul Sartre a dit dans Les Mouches : «Est-ce donc nuire aux gens que de leur donner la liberté d'esprit?»
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