À deux, c'est toujours mieux : on a plus d'idées, on est plus motivés, ou encore on ose davantage. Du moins, en théorie. Car qui d'entre nous n'a jamais connu une expérience exécrable de travail en binôme? Vous savez, quand il vous a fallu faire équipe avec le tire-au-flanc de service, ou bien – encore pire – avec le moi-je-sais-tout de service.
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Comment faire pour composer un binôme idéal, compte tenu de votre propre personnalité? Devriez-vous faire équipe avec quelqu'un de similaire à vous? Ou au contraire, avec quelqu'un de dissemblable, et donc de complémentaire à vos talents particuliers? Oui, comment faire en sorte que se produise le fameux 1 + 1 = 3 ?
La réponse se trouve dans une étude intitulée Should birds of a feather flock together? Understanding self-control decisions in dyads. Celle-ci est signée par deux professeures de marketing : Hristina Dzhogleva, de l'École de management Carroll (États-Unis); et Cait Poynor Lamberton, de l'École de commerce Katz (États-Unis). Elle montre que la science du binôme parfait est, en fait, très simple…
Les deux chercheuses ont procédé à sept expériences visant à regarder comment se comportaient différentes sortes de binômes face à des dilemmes. Des dilemmes issus du quotidien, à l'image de celui-ci : deux collègues sortent ensemble le midi pour luncher et se posent inévitablement l'interrogation existentielle suivante «Va-t-on manger santé, ou bien se prendre une bonne grosse poutine?». L'idée était ici de voir comment ils arrivaient à trancher, sachant que chacun devait y trouver son compte.
Dans l'une des expériences, il a été demandé à 240 volontaires de travailler par équipes de deux sur cinq anagrammes complexes, dont l'un était même insoluble. Le but de l'expérience était de voir combien de temps les uns et les autres allaient s'acharner sur ces exercices, sachant qu'il y avait trois sortes de binômes :
> Homogènes à faible self-control. Des binômes étaient composés de deux personnes similaires par le fait qu'elles présentaient un faible self-control, c'est-à-dire une faible maîtrise d'elles-mêmes.
> Mixtes. D'autres binômes étaient composés d'une personne à faible self-control et d'une autre à fort self-control.
> Homogènes à fort self-control. Les autres binômes étaient composés de deux personnes similaires par le fait qu'elles présentaient un fort self-control.
Qu'est-ce que tout ça a donné? Deux choses fort intéressantes :
> Avantage à l'homogénéité. Les plus efficaces – entendre les plus persévérants et les plus performants – ont systématiquement été les binômes homogènes à fort self-control. Ce qui paraît a posteriori logique : quand on demande à deux personnes douées pour leur maîtrise d'elles-mêmes de s'attaquer ensemble à un problème qui nécessite beaucoup de concentration et de perspicacité, il est normal de les voir briller plus que les autres.
> Étrange résultat. Curieusement, les deux autres sortes de binômes ont affiché grosso modo la même efficacité. C'est-à-dire que les duos mixes et les duos homogènes à faible self-control ont été aussi persévérants et performants les uns que les autres. Pourtant, on aurait pu s'attendre à ce que les duos mixtes se révèlent plus efficaces, vu la présence d'une personne à fort self-control, mais ce n'est pas ce qui s'est produit.
Intriguées, les deux chercheuses ont voulu connaître la raison de cet étrange résultat. Comment se faisait-il que la personne à fort self-control n'influence pas positivement son partenaire? Et voici l'explication qu'elles ont trouvée, après avoir analysé en profondeur leurs données :
> Perte d'influence. Dans les binômes mixtes, la personne à fort self-control s'adapte aux capacités de l'autre, quitte à ne pas user du don dont elle dispose. Autrement dit, la mixité, dans ce cas-là, amène à tirer l'efficacité du binôme vers le bas; et non vers le haut, comme on aurait pu s'y attendre a priori.
Mmes Hristina Dzhogleva et Cait Poynor Lamberton ont, bien entendu, regardé s'il n'y avait pas moyen de contrer cet effet négatif de la mixité. Et elles en ont trouvé deux :
> Agir sur l'un. Un binôme mixte peut voir son efficacité croître si une intervention externe est effectuée, visant à inciter la personne à faible self-control à davantage écouter son partenaire à fort self-control et à davantage accepter ses suggestions. Pourquoi? Parce qu'ainsi son influence négative sur son partenaire sera amoindrie.
> Agir sur l'autre. Un binôme mixte peut voir son efficacité croître si une intervention externe est effectuée, visant à inciter la personne à fort self-control à atteindre un objectif ambitieux. Pourquoi? Parce qu'elle réalisera que le but est loin d'être évident à viser, qu'il va donc lui falloir redoubler d'efforts, et par suite, tirer son partenaire vers le haut, et non pas se laisser tirer vers le bas par celui-ci.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Binôme idéal. Si vous voulez former un binôme idéal, associez-vous à un collègue aussi brillant que vous. Car à vous deux, vous ferez des étincelles comme jamais. Oui, vous pourrez concrétiser le 1 + 1 = 3.
> Si vous êtes le plus doué des deux. Si vous vous retrouvez en duo avec quelqu'un de moins doué que vous, sachez que tout n'est pas perdu pour autant. En effet, vous pourrez tout de même enregistrer une belle performance à condition d'agir sur vous comme sur lui. Comment? Par exemple, en vous imposant des conditions de travail particulières. Exemples : pour lui, obligation de se plier sans discuter à votre choix, de manière périodique; pour vous, obligation de vous fixer un objectif plus ambitieux que celui visé originellement.
> Si vous êtes le moins doué des deux. Si vous vous retrouvez en duo avec quelqu'un de plus doué que vous, imposez-vous de la même manière différents impératifs. Exemples : pour vous, obligation de vous plier sans discuter à son choix, de manière périodique; pour lui, obligation de se fixer un objectif plus ambitieux que celui visé originellement.
> Si aucun des deux n'est doué. Ayez la sagesse de confier le dossier en question à d'autres. Pour le bienfait de tous.
En passant, l'écrivain français François-René de Chateaubriand a dit dans ses Mémoires d'outre-tombe : «Le ciel fait rarement naître ensemble l'homme qui veut et l'homme qui peut».
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