BLOGUE. La routine. On l'aime et on la déteste à la fois. On l'aime parce qu'elle est douce et réconfortante. On la déteste parce qu'elle est forte et ennuyante. Et on finit toujours par la fuir pour mieux la retrouver peu après, parée de nouveaux atours.
Découvrez mes précédents billets
Rejoignez-moi sur Facebook et sur Twitter
Pourquoi est-il s'y difficile de s'en défaire une bonne fois pour toutes? Soyons honnêtes, surtout par peur de l'inconnu. Car lorsqu'on change moindrement ses habitudes, on se dit que l'on va évoluer en de nouvelles terres, des terres peut-être même hostiles, et que, par la force des choses, nous serons dès lors moins efficaces, voire paralysés par le danger. Oui, nous craignons l'échec.
D'où la question suivante, évidente : comment être performant lorsqu'on sort de sa routine? Une réponse intéressante se trouve, je pense, dans une étude intitulée Comparing conscious and unconscious conflict adaptation. Celle-ci est le fruit du travail d'Eva van den Bussche, professeure de psychologie à l'Université Vrije de Bruxelles (Belgique), assistée de deux de ses étudiants, Kobe Desender et Elke van Lierde.
Ainsi, les trois chercheurs ont demandé à 65 volontaires de se prêter à un exercice on ne peut plus simple. Il s'agissait pour chacun d'eux de s'installer devant un ordinateur et d'appuyer de l'index de la main gauche sur la touche "L" dès qu'ils voyaient apparaître le chiffre 1 et de l'index de la main droite sur la touche "P" dès qu'ils voyaient apparaître le chiffre 9.
La difficulté? Elle résidait dans les conditions dans lesquelles apparaissaient ces chiffres :
> Un signe farfelu était affiché à l'écran durant 480 millisecondes, du genre «#$#».
> Un chiffre apparaissait, de manière aléatoire, durant 33 millisecondes. Disons «1».
> Un nouvel écran apparaissait – soit avec un nouveau signe farfelu, du genre «$#$», soit avec un écran blanc –, durant 67 millisecondes.
> Un dernier écran permettait de faire apparaître la réponse du participant. S'il tapait alors sur la touche «L», ça faisait apparaître la réponse «1» (la bonne, dans notre exemple). S'il tapait sur la touche «P», ça inscrivait «9» (la mauvaise réponse, dans notre exemple).
Et ainsi de suite, sans s'arrêter, 40 fois d'affilée. Les participants avaient pour instruction de répondre le plus vite possible, sans se tromper.
Quelques explications sont nécessaires pour comprendre l'intérêt que présente cette expérience a priori un peu bêta. La subtilité réside, en fait, dans l'écran qui apparaît juste après le chiffre : celui-ci est, vous l'avez peut-être noté, parfois doté d'un signe farfelu, parfois vide.
L'air de rien, ce détail a une importance considérable pour notre cerveau :
> Quand c'est un signe farfelu, notre inconscient entre en action pour fournir la bonne réponse le plus vite possible. Car notre conscience est occupée dans l'immédiat à déchiffrer ce signe incohérent.
> Quand c'est un écran vide, notre conscience entre en action pour fournir la bonne réponse le plus vite possible. Car elle n'est préoccupée par aucun parasite.
L'objectif des trois chercheurs consistait à regarder si un mécanisme cérébral particulier qui s'enclenche lorsque nous entendons être performant – le contrôle cognitif – fonctionnait aussi bien de manière consciente qu'inconsciente. Et pour le savoir, ils se sont intéressé à ce qu'on appelle l'effet Gratton.
L'effet Gratton? Il survient lorsque nos commettons une erreur dans un exercice difficile : dès lors que nous réalisons nous être trompé, le risque que l'on se trompe la fois suivante est moindre que si l'on n'avait pas remarqué notre erreur. De fait, notre contrôle cognitif s'ajuste aussitôt pour nous éviter de faire erreur sur erreur. La question était donc de savoir si cet effet se produisait, ou non, lorsqu'on agit de manière inconsciente.
Résultat? Il est sans équivoque :
> L'effet Gratton s'exprime dans tous les cas de figure. Que ce soit lorsque notre inconscient agit ou lorsque notre conscience prend les rênes.
Qu'est-ce à dire? C'est très simple…
Lorsque nous sortons de notre routine, nous passons automatiquement en mode contrôle cognitif, afin de rester le plus performant possible. Nous avons alors le réflexe d'être tous sens en alerte, croyant que plus nous sommes conscients de notre environnement et de nos agissements, meilleure sera noter performance. Le hic? Nous nous épuisons vite à ce petit jeu-là, et nous finissons par commettre des bourdes. Des bourdes qu'en temps normal nous ne ferions jamais. Et nous commençons à regretter d'être sortis de notre chère petite routine.
Or, nous nous trompons en voulant rester le plus vigilant possible. Nous serions tout aussi performants si nous nous reposions davantage sur notre inconscient, c'est-à-dire sur nos acquis et nos façons habituelles de faire les choses. Ce n'est pas parce que nous évoluons, tout à coup, en terrain inconnu qu'il ne faut plus avoir confiance en soi. Au contraire. En se faisant confiance, on permet à notre inconscient de s'exprimer, et on peut donc se sortir d'une nouvelle tâche tout aussi bien que si on avait redoublé d'attention.
D'où cette règle à suivre à l'avenir :
> Vous sortez de votre routine? Rassurez-vous, vous serez tout aussi efficace que d'habitude si vous avez confiance en vous. Les choses changent peut-être autour de vous, mais pas vous. Et en ayant confiance en vos forces, vous serez à même de briller tout autant qu'auparavant.
En passant, l'écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe a dit dans Faust : «Aie confiance en toi-même, et tu sauras vivre».
Découvrez mes précédents billets