BLOGUE. J'ai découvert ce week-end un livre remarquable : Entretiens de Confucius… version manga! Cette bande dessinée en format de poche éditée par Soleil Manga raconte l'histoire de jeunes étudiants confrontés à l'arrivée d'une professeure remplaçante pour le moins originale : il s'agit d'une vache. Une vache qui, de surcroît, connaît sur le bout des sabots la pensée confucéenne.
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L'intérêt? La pensée de Confucius, ce sage qui a marqué la civilisation chinoise d'une empreinte indélébile depuis la dynastie Han (206 av. JC – 220 ap. JC), devient lumineuse, alors que, brute, elle peut parfois sembler hermétique à nos cerveaux occidentaux. Le lecteur y découvre la vision de Confucius de différentes vertus, comme le discernement, le respect et autres bienséance.
L'une de ces vertus est la bienveillance, que l'on assimile souvent de nos jours à un terme plus en vogue, à savoir l'empathie. L'empathie? C'est précisément la faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent. C'est aussi l'objet d'une étude passionnante d'un professeur de management de l'Université du Brunei (Brunei), Patrick Low Kim Cheng, intitulée Being empathetic, the way of Confucius.
Les fans finis du blogue «En Tête» se souviendront que j'ai déjà parlé du travail de ce chercheur, en juillet dernier, dans un billet titré «Et si vous vous inspiriez de Confucius». Celui-ci visait à indiquer les qualités que se devait d'avoir tout leader digne de ce nom, d'après le sage chinois. Ici, Patrick Low Kim Cheng ne s'est intéressé qu'à un point particulier, l'empathie dont doit faire preuve un leader.
Le professeur de management a, comme l'autre fois avec son collègue Ang Sik-Liong, mené un sondage auprès de 43 managers évoluant au Brunei, en Malaisie et à Singapour. L'objectif? Voir dans quelle mesure leur vision de l'empathie s'approche de celle de Confucius. Il a appris que :
> 100% des managers interrogés considèrent que pour être empathique, il faut avant tout bien se connaître soi-même;
> 91%, qu'il faut être à l'écoute d'autrui;
> 91%, qu'il faut chercher à connaître autrui;
> 88%, qu'il faut savoir se mettre à la place d'autrui;
> 82%, qu'il faut tenter de découvrir et de combler les besoins d'autrui;
> 82%, qu'il faut être sensible aux propos d'autrui;
> 76%, qu'il faut être patient;
> 73%, qu'il faut savoir faire preuve de compassion.
Or, ces huit points correspondent aux principaux enseignements des Entretiens, si l'on en croit Patrick Low Kim Cheng. Principaux enseignements que l'on peut résumer comme suit :
1. Se connaître soi-même. Confucius disait : «Se regarder scrupuleusement soi-même ; ne regarder que discrètement les autres».
2. Être à l'écoute d'autrui. Confucius disait : «On peut connaître la vertu d'un homme en observant ses défauts».
3. Se mettre à la place d'autrui. Confucius disait : «Ne vous affligez pas de ce que les hommes ne vous connaissent pas ; affligez-vous de ne pas connaître les hommes».
4. Combler les besoins d'autrui. Confucius disait : «Plutôt que de maudire les ténèbres, allumons une chandelle, si petite soit-elle».
5. Être patient et compatissant. Confucius disait : «Une petite impatience ruine tout grand projet». Confucius disait également : «L'homme sage n'est pas comme un vase ou un instrument qui n'a qu'un usage ; il est apte à tout».
Dans la version manga, la scène est terrible. Un élève menace de se suicider en se jetant du haut du toit de l'école. Son père n'est nul autre que le directeur de l'école, qui mène la vie dure à son fils pour qu'il soit toujours le premier à tous les examens. Jamais cet homme n'avait imaginé que son intransigeance et sa froideur puisse déboucher sur un tel drame. Arrivé sur le toit, il tente de raisonner son fils, et finit par découvrir que le meilleur moyen de s'y prendre, c'est de découvrir – pour la première fois de sa vie – les bienfaits de l'empathie.
Ainsi, pour la première fois, il se met à écouter ce que son fils a à lui dire, et donc à se taire. Puis, pour la première fois encore, il se met à la place de son fils, et comprend l'enfer qu'est son quotidien, tant au foyer qu'à l'école. Il saisit dès lors, toujours pour la première fois, ses torts, et se découvre lui-même sous un tout nouveau jour. Enfin, pour la première fois, il tend une main secourable à son fils, et accepte par le fait-même de changer du tout au tout. Oui, il lui ouvre son cœur, pour la toute première fois.
Et la scène de mettre en avant une citation de Maître Kong, à l'adresse de tout "faux" leader : «Les discours étudiés et les attitudes apprêtées ne sont pas souvent signe de vertu».
Voilà. L'étude du confucianisme montre qu'un leader vraiment empathique se doit d'œuvrer en fonction de cinq critères principaux : la connaissance de soi, l'écoute, l'altruisme, l'appui et la patience empreinte de compassion. Cinq critères unis par un unique postulat : mettre l'être humain au centre de toutes les préoccupations.
En passant, une dernière citation de Confucius : «Ne te crois pas si important que les autres te paraissent insignifiants».
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