Les équipes vraiment efficaces ont toutes un point en commun : il y règne un véritable esprit de coopération. Chacun œuvre non pas pour lui, mais pour le bien de tous. Comme dans une équipe d'aviron, où l'individu se doit de s'effacer au profit du collectif, sans quoi c'est la pagaille assurée.
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Maintenant, comment s'y prendre pour rendre chacun coopératif? Car, on le sait bien, chacun a sa personnalité, qui entre plus ou moins en conflit avec celles des autres; chacun a aussi ses talents propres, qui sont plus ou moins mis en valeur au sein de l'équipe, ce qui peut susciter nombre de frustrations; chacun a encore ses objectifs de carrière personnels, ce qui amène à chercher, parfois, à tirer la couverture à soi.
Des éléments de réponse à cette interrogation se trouvent, à mon avis, dans une étude intitulée Incentive contracts for teams: Experimental evidence. Celle-ci est signée par : Claudia Landeo, professeure d'économie à l'Université de l'Alberta à Edmonton (Canada); et Kathryn Spier, professeure de droit à Harvard (États-Unis). Elle montre qu'il existe trois astuces permettant de dynamiser l'esprit de coopération. Trois astuces ultrasimples.
Ainsi, il a été demandé à 230 étudiants de Harvard de se prêter à une petite expérience pour laquelle chacun était rémunéré en fonction de sa performance. Il s'agissait d'intégrer une équipe composée de trois personnes, sachant que l'une d'elles était désignée par les expérimentateurs comme le leader. Dans un premier temps, le leader déterminait seul le partage des éventuels gains à venir, entre les deux autres et lui : par exemple, il pouvait décider que tout gain enregistré lui reviendrait à hauteur de 50%, et à hauteur égale de 25% pour chacun des deux autres.
Dans un second temps, chacun des deux autres devait décider en secret s'il allait contribuer "fortement" ou "faiblement" à l'effort commun pour engranger des gains, sachant que l'effort effectué individuellement avait un "coût" pour l'individu concerné, lequel diminuait d'autant son éventuel gain ultérieur. On le voit bien, il est dès lors gagnant de fournir un effort minimal, à condition que l'autre travaille, lui, fortement. Mais le risque est à ce moment-là que chacun en fasse le minimum, et qu'à la clé personne n'enregistre le moindre gain. Il convient donc de jouer en fin stratège…
Ce n'est pas tout! Les deux chercheuses ont ajouté d'autres conditions particulières, histoire de pimenter davantage le jeu. Elles ont notamment :
- imposé aux membres de certaines équipes de ne pas communiquer entre eux;
- imposé à certaines équipes de ne jouer qu'une seule partie, alors que d'autres pouvaient en jouer tant qu'ils enregistraient un gain.
Résultats? Passionnants, comme vous allez le voir :
> L'importance fondamentale du long terme. Quand les membres de l'équipe ne peuvent pas communiquer entre eux, la coopération voit tout de même le jour à une et une seule condition : si chacun sait que l'équipe peut durer dans le temps. En effet, dès lors qu'une équipe n'a aucune communication en son sein et qu'elle sait qu'elle n'a un objectif qu'à court terme (elle ne joue qu'une partie), chacun réagit en mercenaire et ne cherche que son propre profit, ce qui nuit automatiquement au résultat commun. À l'inverse, si chacun vise un objectif à long terme, il est poussé à coopérer, même si la communication est nulle au sein de l'équipe.
> L'importance fondamentale de la communication. Quand les membres de l'équipe ne visent qu'un objectif à court terme (ils ne jouent qu'une partie), il y a un moyen pour qu'ils ne se comportent pas en mercenaires : la communication. De fait, plus la communication est bonne entre eux, plus les résultats communs sont bons.
> L'importance fondamentale de l'équité. Une chose peut nuire grandement à la performance d'une équipe évoluant dans des conditions favorables – objectifs à long terme et bonne communication interne. Laquelle? La cupidité du leader. Si ce dernier n'effectue pas un partage des gains jugé "équitable" par tous, alors les autres membres de l'équipe vont avoir tendance à ne plus mettre l'épaule à la roue. C'est qu'ils savent qu'en agissant de la sorte ils vont certes se nuire à eux-mêmes, mais ils savent aussi qu'ils vont ainsi nuire au leader "injuste", ce qui va leur procurer une certaine forme de "satisfaction". Oui, le simple fait de savoir que les bénéfices du leader vont chuter en raison de leur défection va les motiver à se comporter de manière négative pour l'équipe.
Que retenir de tout ça? Trois trucs pratiques pour booster la coopération au sein de votre équipe :
1. Visez le long terme. En fixant un ou plusieurs objectifs à moyen ou long terme, le leader s'assure de motiver les membres de son équipe dans la durée. Ces objectifs-là se doivent, bien entendu, d'être réalistes, mais ambitieux aussi. Car cela permettra à chacun de saisir qu'ils ne seront atteints que si tout le monde s'y attaque ensemble, et donc que l'apport de chacun est crucial. Chacun sera amené à se dire : «Nous avons un défi ambitieux et trippant à relever. Nous n'y parviendrons qu'ensemble, et donc que si mes propres talents sont mis à contribution. J'embarque!».
2. Communiquez, communiquez, communiquez. Meilleure est la communication, meilleurs sont les résultats de l'équipe. C'est aussi simple que ça. À vous, par conséquent, de vous montrer efficace dans vos communications avec chacun des membres de l'équipe. De faire preuve non seulement de transparence, mais aussi de pertinence, l'idée étant de fournir à chacun les éléments dont il a besoin pour apporter adéquatement sa pierre à l'édifice commun.
3. Montrez-vous juste. Rien de pire qu'un leader qui se la joue "perso". Car les membres de son équipe le sentent immédiatement, et se mettent, avec raison, à freiner aussitôt des quatre fers. D'où la nécessité vitale pour lui de se montrer juste envers chacun, en s'assurant, entre autres, d'un partage équitable des gains enregistrés grâce à l'effort commun.
Voilà. J'imagine que nombre d'entre vous aviez déjà conscience de l'importance de ces trois points, mais combien, en toute honnêteté, savaient qu'en combinant ces trois seuls points on pouvait réellement booster la coopération au sein d'une équipe? Pas grand monde, je pense. À vous, donc, d'en tirer maintenant partie.
En passant, le philosophe français Michel de Montaigne disait dans ses Essais : «C'est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble».
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