BLOGUE. Vous venez de renforcer votre équipe d'un nouveau venu. Tant mieux! Cela va vous permettre, entre autres, de viser des objectifs encore plus audacieux – et palpitants – que les précédents. Mais voilà, cette arrivée vient nécessairement avec quelques interrogations, dont la suivante : «La recrue est-elle vraiment motivée? Oui, est-elle prête à donner son 110% pour l'équipe en place?»
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Comme toujours, vous vous donnez une fenêtre de temps de trois mois pour en juger. Et pour ensuite aviser, le cas échéant. Le hic? Trois mois, c'est long, et vous ne disposez probablement de tout ce temps-là pour vous faire une idée au sujet de la recrue.
Comment faire pour trancher plus vite (sans se tromper, bien sûr)? Mission : Impossible? Eh bien non, c'est tout à fait possible. En trois semaines ou un mois, il y a moyen de savoir si la recrue est réellement motivée par le travail au sein de votre équipe.
C'est ce que j'ai découvert dans une étude intitulée Paid to quit. Celle-ci est signée par deux professeurs d'économie de l'Université Érasme à Rotterdam (Pays-Bas), Robert Dur et Heiner Schmittdiel. Elle montre qu'il existe un truc ultrasimple pour y parvenir…
Ainsi, les deux chercheurs se sont intéressé à la politique managériale de Zappos, une firme spécialisée dans la vente de chaussures en ligne qui connaît un succès spectaculaire, envers ses recrues. Cette politique, vous en avez sûrement déjà entendu parler : au bout de quatre semaines de travail, une offre pour le moins originale est faite aux personnes nouvellement embauchées. Laquelle? Soit vous restez avec nous parce que le travail et l'équipe vous plaît, soit vous partez maintenant et on vous donne, en prime, 4 000 dollars.
Oui, vous avez bien lu : une prime au départ de 4 000 dollars après seulement un mois de travail. L'objectif visé est évident : ceux qui ont le cran de refuser cette somme sont ceux qui se plaisent vraiment chez Zappos, et donc ceux qui vont donner par la suite leur 110%; et ceux qui sautent sur l'occasion sont ceux qui n'auraient jamais donné leur 110%.
Tony Hsieh, le PDG de Zappos, a déjà expliqué que cette idée lui était venue pour s'assurer d'embaucher les bonnes personnes, sachant que le cœur de son activité réside dans le service à la clientèle. «Il faut que les gens qui nous contactent, par téléphone ou par courriel, sentent que la personne qui leur répond est heureuse dans son travail, et donc heureuse de leur rendre service. Car ça fait toute la différence», m'a-t-il expliqué, le jour où nous nous sommes croisés à New York.
M. Hsieh est convaincu que cette politique de recrutement est efficace. De leur côté, MM. Dur et Schmittdiel ont voulu le vérifier. C'est pourquoi ils ont élaboré un modèle de calcul économétrique visant à déterminer la réaction la plus logique d'une recrue et de son employeur dans un tel cas de figure.
Plus précisément, les deux chercheurs ont considéré deux périodes de temps :
> Temps 1 : la période de temps suivant l'embauche de la recrue, soit celle où elle découvre si le travail et l'équipe lui plaisent, ou pas.
> Temps 2 : la période de temps suivant le Temps 1, soit celle où elle sait si le travail et l'équipe lui plaisent, ou pas.
Puis, ils ont tenu compte de trois variables liées à la recrue, des variables secrètes, en ce sens que l'employeur n'en a aucune connaissance :
> Goût pour le travail. C'est-à-dire le goût réel de la recrue envers le travail en général;
> Opportunités professionnelles. C'est-à-dire les opportunités professionnelles externes qui se présentent à la recrue pendant qu'elle fait ses premiers pas au sein de l'équipe;
> Motivation. C'est-à-dire les éléments qui motivent réellement la recrue à accomplir les tâches demandées par son nouvel employeur.
Enfin, une dernière variable entrait en ligne de compte :
> Prime au départ. C'est-à-dire l'offre de prime au départ, dont le montant pouvait varier, tout comme le moment où elle était présentée.
MM. Dur et Schmittdiel ont alors inséré leur modèle de calcul dans un ordinateur et regardé ce qui se passait dans tous les scénarios imaginables. Résultats? Il y en a deux, fascinants l'un comme l'autre :
> Une politique managériale qui vise juste. Ce qui pousse vraiment la recrue à accepter la prime, ce n'est pas le fait qu'elle n'aime pas, en général, travailler, ni même qu'elle songe à saisir une opportunité professionnelle soudainement apparue sur son radar. C'est en réalité un élément de son cadre de travail qui lui déplaît, au point de nuire à sa motivation. Un élément que ne soupçonne pas l'employeur, car il est bien souvent personnel (ex.: pour l'un, c'est l'ambiance de travail trop sérieuse, pour l'autre, c'est l'ambiance de travail trop délurée; etc.).
> Une condition : l'effet de surprise. Pour être efficace, l'offre doit être une surprise pour la recrue. Si elle sait que l'employeur propose systématiquement, un mois après le premier jour d'embauche, une somme d'argent fixe pour inciter au départ, l'effet visé par l'employeur sera raté. Car des petits malins se mettront à postuler – et décrocher des emplois – juste dans l'optique d'empocher, disons, 4 000 dollars en l'espace d'un mois de travail.
Autrement dit, M. Hsieh a raison de faire une telle offre à ses nouveaux employés, car cela lui permet bel et bien de séparer le bon grain de l'ivraie. L'ennui, c'est que le jour où sa politique managériale sera connue du grand public, elle ne pourra plus fonctionner aussi bien. Car les candidatures "bidons" se mettront à pleuvoir.
«Pour l'instant, tel n'est pas le cas pour Zappos. D'autant plus que la firme a eu la sagesse de ne pas faire figurer cette offre dans les contrats qu'elle fait signer aux nouveaux employés. Mais, peut-être, à l'avenir, cela changera-t-il…», disent les deux professeurs d'économie dans leur étude.
D'où le conseil pratique du jour :
> Qui entend détecter les recrues vraiment motivées doit leur proposer une prime au départ conséquente. Les personnes prêtes à donner leur 110% la refuseront. Et les autres sauteront sur l'aubaine.
En passant, le constructeur automobile américain Henry Ford disait : «L'enthousiasme est la base de tout progrès».
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