Le stress. C’est notre lot quotidien, c’est parfois même notre souffrance quotidienne. À tel point que nous rêvons tous de trouver le moyen d’en atténuer les effets de manière drastique. Pas vrai?
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J’ai une belle nouvelle à vous annoncer, aujourd’hui : j’ai mis la main sur une nouvelle façon de s’y prendre pour lutter contre le stress lié au travail. Si, si, vous allez voir.
Je suis en effet tombé sur une étude intitulée The (un)bearable lightness of nuclear energy in Finland, signée par Vincent Ialenti, étudiant en anthropologie à l’Université Cornell (États-Unis). Et celle-ci décortique une manière originale d’enlever du stress à des personnes évoluant dans un milieu de travail hyperstressant…
Ainsi, le chercheur s’est intéressé à une communauté de personnes très particulière, à savoir les jeunes employés de l’industrie nucléaire finlandaise. Il a vécu parmi eux trois années durant, en tant qu’anthropologue, afin d’être en mesure d’analyser leurs us et coutumes avec exactitude.
Il a tout d’abord noté, sans surprise, que ce travail était on ne peut plus stressant : la moindre erreur, et c’est la catastrophe, une catastrophe qui peut prendre une allure apocalyptique! Il n’est donc pas question, pour ces jeunes employés, de prendre leur travail à la légère, ni de relâcher leur effort ne serait-ce qu’une minute.
Il a ensuite découvert une drôle d’habitude qu’avaient ces employés-là : chaque été, les jeunes membres de la Suomen Atomiteknillinen Seura (L’Association du nucléaire finlandais, en français) se réunissent pour un événement à nul autre pareil, la… Journée de la Déconnade!
De quoi s’agit-Il? Eh bien, d’une journée où chacun est invité à rivaliser de teekkarihuumori, ce qui peut se traduire par “humour de techie” ou par “humour de nerd”. «C’est une forme d’humour un peu potache, qui est prisée des matheux et qui est très en vogue à l’université. Il s’agit la plupart du temps de tourner en dérision ce qui fait le sérieux de la discipline étudiée, en recourant, entre autres, au sarcasme et à l’autodérision», explique M. Ialenti dans son étude.
En 2013, la Journée de la Déconnade a eu lieu à Mikkeli, distante de 210 km de la capitale Helsinki. S’y sont retrouvés quelque 700 membres de l’Association âgés de moins de 35 ans, issus de toutes sortes d’entreprises en lien avec l’industrie nucléaire : des producteurs d’énergie comme Teollisuuden Voima Oyj (TVO), des firmes de gestion des déchets radioactifs comme Posiva Oy, etc.
L’objectif de ce rassemblement annuel est double. Il vise d’une part à rapprocher entre eux les membres de la relève de cette industrie, vu que les uns et les autres sont finalement peu souvent en contact réel (les entreprises du secteur nucléaire sont disséminées un peu partout en Finlande). Il entend d’autre part aider chacun à décompresser du quotidien, qui est une source de stress phénoménale.
Et le truc pour y parvenir est simple : rigoler tous ensemble. Comment? En participant à des activités rigolotes.
Maintenant, vous me demanderez ce qu’est une activité rigolote. Pour les ingénieurs et autres programmeurs de l’industrie nucléaire, ça consiste en des activités leur permettant de rire de ce qui les stresse tant au travail, jour après jour.
Prenons un exemple… Des groupes de participants étaient munis d’un matériel expérimental à la fine pointe technologique et devaient, à l’aide de celui-ci, trouver l’endroit précis d’un sauna où était caché un produit radioactif. Les gagnants étaient ceux qui y parvenaient le plus vite. Une tâche ardue, car cela leur demandait de programmer, pour l’occasion, une application spéciale, utilisable sur un cellulaire Nokia. L’humour, dans tout ça? Il résidait dans le fait qu’il devenait un jeu palpitant de détecter un produit potentiellement mortel.
Autre exemple, tiré d’une Journée de la Déconnade antérieure… Des groupes de participants s’amusaient à être des terroristes qui tentaient de fracasser une centrale nucléaire (symbolisée sous la forme d’une caisse en bois) à l’aide de balles en mousse et de lance-pierre géants dignes du jeu vidéo Angry Birds.
Bon. Je suis sûr que certains ne trouvent pas cela drôle. Mais il faut se mettre à leur place : l’idée d’une attaque terroriste sur une centrale nucléaire donne froid dans le dos à tout le monde, mais surtout aux principaux concernés, ceux qui gèrent l’énergie nucléaire d’un pays. On peut dès lors comprendre le bien fou que cela peut procurer d’en rire, l’espace d’une journée. Tenez, pensez aux dernier spectacle d’humour auquel vous avez assisté : ce qui vous a fait éclater de rire, n’est-ce pas ce qui touchait le plus à votre vie privée, plus précisément à ce qui vous stresse de manière récurrente? Vous voyez, il est bon, même sain, d’exorciser nos angoisses…
Le chercheur a justement demandé à des participants quel était le bien fondé de ces jeux-là. Il a obtenu ceci :
> Énergisant. Ces activités leur permettent de tourner en ridicule leurs peurs, en se tournant en ridicule eux-mêmes. Ce qui leur procure un immense bien-être, et par suite une énergie à tout rompre.
> Rafraîchissant. Ces activités leur permettent de ne plus prendre au sérieux, l’espace d’une journée, ce qui est pourtant si lourd et sérieux. Ce qui les aide à voir leur travail autrement, et par suite à avoir sur celui-cu un regard neuf.
> Rajeunissant. Ces activités leur permettent enfin de se comporter comme des gamins, c’est-à-dire comme des personnes dénuées de toute responsabilité. Ce qui est le contre-pied de leur quotidien au travail, où les responsabilités sont écrasantes.
On le voit bien, les bienfaits sont multiples. Et logiques, quand on y pense bien. On gagne donc, semble-t-il, à organiser de telles activités, de temps à autres.
Un point important à souligner, par ailleurs : les jeunes membres de l’Association ont trouvé un moyen astucieux de résoudre un paradoxe lié à ce type d’événement. On a vu que l’un des buts poursuivis consistait à rapprocher des gens qui, d’habitude, se cotoient peu. Mais voilà, comment s’y prendre au mieux?
> Convient-il de former des groupes composés de personnes provenant de différentes entreprises? Le hic, c’est alors que les collègues habituels font figure d’adversaires, ce qui est peu propice à renforcer les liens avec eux.
> Ou convient-il de former des groupes composés de personnes provenant de la même entreprise? Le hic, bien entendu, c’est dès lors que ceux qui évoluent dans les autres entreprises font figure d’adversaires, ce qui est peu propice au tissage de nouveaux liens.
La solution? Elle est subtile :
> Il suffit de former des groupes composés de personnes issues de différentes entreprises. Car ça favorise l’apparition de nouveaux liens. Et une fois l’activité terminée, de ne pas faire un classement par groupe, mais, à l’aide d’une formule de calcul spécifique, d’évaluer le nombre de points remporté par chacun des participants, puis d’additionner tous les points obtenus par chaque entreprise. Du coup, il est possible de faire un palmarès en fonction des entreprises! Ce qui renforce l’esprit d’équipe propre à chaque entreprise : chacun, quel que soit le groupe dans lequel il figure, travaille en fait non pas pour ce groupe-là, mais pour l’ensemble de ses collègues habituels. Génial, n’est-ce pas?
Voilà. Que retenir de tout cela? Un simple conseil :
> Qui entend retirer du stress à son équipe d’un seul coup, et de manière durable, peut organiser une Journée de la Déconnade. Ou à tout le moins une activité de team building axée sur l’humour, en particulier sur l’autodérision. Car chacun en ressortira réénergisé, rafraîchi et rajeuni.
En passant, le penseur allemand Karl Otto Schmidt disait : «Les enfants peuvent être ici nos guides; voyez comme le rire succède chez eux aux larmes».
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