BLOGUE. C'est aujourd'hui une évidence, nous sommes en pleine guerre des talents. Les entreprises voient partir les baby-boomers par vagues successives et peinent à trouver les jeunes qui sauront les remplacer au pied levé. D'où la ruée sur les personnes talentueuses qui ont déjà un peu d'expérience et qui ne songent pas encore vraiment à la retraite. Le hic? Ces personnes-là sont une denrée rare. Ce qui suscite la convoitise, voire les hostilités.
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Maintenant, comment faire pour réussir à débaucher la perle rare de votre concurrent? En doublant son salaire? En lui accordant deux semaines de congé par an de plus? En lui offrant une splendide voiture de fonction? Pas facile à dire… Et pourtant, si!
Oui, séduire la perle rare est tout à fait possible, sans pour autant lui promettre monts et merveilles. C'est ce qu'ont découvert Peter Cappelli, professeur de management à Wharton (États-Unis), et Monika Hamori, professeure de management à l'École de commerce IE de Madrid (Espagne), dans le cadre de leur étude intitulée Who says Yes when the headhunter calls? Understanding executive job search behavior.
Ainsi, les deux chercheurs ont eu accès la base de données d'une grande firme de chasseurs de têtes – dont l'identité n'a pas été divulguée dans l'étude –, qui détient le profil détaillé de tous les hauts-dirigeants œuvrant aujourd'hui à New York dans le milieu de la finance. Celle-ci est composée de quelque 14 000 fiches, ce qui représente 2% de l'ensemble des employés de ce milieu-là.
De toutes ces fiches, M. Cappelli et Mme Hamori n'en ont retenu que 2 000, tirées au sort. Elles leur permettaient de connaître, entre autres, le poste occupé actuellement par chacun des hauts-dirigeants, leur poste précédent, leur cursus universitaire et leur expérience à l'international.
Puis, les deux chercheurs ont établi des variables à partir de toutes ces informations personnelles. Quelles variables? Par exemple, la réputation de chacun des hauts-dirigeants, laquelle était déterminée dans le cas présent à partir de deux autres variables, soit le Meilleur employeur (déterminé en fonction du classement de l'employeur dans le palmarès annuel du magazine Fortune des 100 meilleures entreprises où il fait bon travailler) et L'Employeur le plus admiré (en fonction d'un autre palmarès de Fortune, celui des entreprises les plus admirées aux États-Unis). Idem, ils ont tenu compte de variables comme la rémunération et l'étendue de la carrière.
Le but de l'opération? Identifier la ou les hypothétiques variables qui indiqueraient à coup sûr qu'un haut-dirigeant est prêt à dire «Oui» dès le premier appel d'un chasseur de têtes demandant simplement s'il serait disposé à en savoir plus sur une offre que voudrait lui faire une entreprise concurrente à la sienne. Et ce, tout bonnement en analysant comment ont réagi chacun des 2 000 hauts-dirigeants considérés, sachant que 875 d'entre eux avaient répondu «Oui» lorsque cette proposition leur avait été effectivement faite.
Résultats? Forts intéressants…
> Aversion pour l'incertitude. Plus la situation financière et économique que connaît son entreprise actuelle est empreinte d'incertitudes, plus un haut-dirigeant est disposé à en savoir davantage sur une offre d'emploi venue d'un concurrent.
> Besoin de nouveaux horizons. Plus il a occupé de postes différents durant sa carrière, plus un haut-dirigeant est disposé à en savoir davantage sur une offre d'emploi venue d'un concurrent. Et il l'est tout particulièrement s'il a occupé ces différents postes au sein de la même entreprise (autrement dit, il meurt alors d'envie de voir si l'herbe est plus verte ailleurs!).
Que retenir de tout cela? C'est très simple. Si vous souhaitez débaucher la perle rare de votre concurrent, vous pourrez aisément le faire pourvu que deux conditions soient réunies :
1. Il faut que la personne en question connaisse une période de flottement professionnel. Par exemple, la dernière mission qui lui a été confiée ne connaît pas le succès escompté, ou encore son entreprise elle-même connaît quelques difficultés passagères. Il suffira dès lors de lui faire comprendre que vous lui offrez un environnement de travail plus stable, et donc plus prompt à faire briller son talent, pour qu'elle ait une oreille attentive à ce que vous lui allez lui proposer.
2. Il faut aussi que la personne en question ait pris l'habitude de bouger sur le plan professionnel, et surtout pas de s'encroûter des années durant à un même poste, aussi prestigieux soit-il. Et si jamais cette personne a longtemps évolué au sein de la même entreprise, toutes les chances sont de votre côté pour qu'elle soit avide de la nouvelle expérience que vous allez lui proposer.
Voilà. Deux trucs ultrasimples pour toucher les cordes sensibles de la perle rare que vous convoitez. Deux trucs efficaces, c'est garanti. À vous donc de jouer, tout en ayant en tête que, passé l'embauche, il vous faudra continuer vos efforts de séduction si vous ne souhaitez pas voir votre nouvelle recrue voler vers d'autres horizons sous peu.
En passant, Molière a dit dans Dom Juan : «Les commencements ont des charmes inexprimables».
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