Les employés toxiques. Ceux qui font du harcèlement sexuel. Ceux qui font des pressions physiques ou morales. Ceux qui fraudent. Ou encore, ceux qui sapent le moral des autres, qui répandent des rumeurs et qui parlent dans le dos des autres. Bref, tous ceux qui, l'air de rien, sèment la pagaille partout où ils passent, et ne laissent derrière eux que cendres et larmes. Comment pourrions-nous mettre un terme, une bonne fois pour toutes, à leurs agissements?
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Cette interrogation, nous nous la posons tous, et rêvons d'y avoir, un beau jour, une réponse qui tient la route. Pas vrai? Parfait, asseyez-vous bien, car, cette réponse-là, je crois bien l'avoir dénichée! Si, si... Dans une étude sobrement intitulée Toxic workers et signée par : Michael Housman, directeur, analyse data, du cabinet-conseil en management Cornerstone OnDemand; et Dylan Minor, professeur en économie managériale et en science de la décision, à l'École de management Kellogg à Evanston (États-Unis). Voici de quoi il s'agit...
Les deux chercheurs ont eu accès aux bases de données fouillées dont disposent 11 entreprises américaines à propos de leurs employés. Ils se sont plongé dans les dossiers bourrés d'informations de très exactement 58.542 employés, permettant de tout savoir sur eux : leur sexe, leur âge, leur poste, leur salaire, l'équipe dans laquelle ils évoluent, leur productivité, etc. Des dossiers, je le souligne, qui fourmillent vraiment de détails, car ils concernent des employés qui sont en première ligne, c'est-à-dire qui sont en contact direct avec la clientèle, si bien que chacun de leurs faits et gestes sont connus, et même enregistrés.
MM. Housman et Minor disposaient ainsi de données assez riches pour - tenez-vous bien ! - identifier les employés qui, partout où ils oeuvraient, laissaient des séquelles à ceux qui les avaient côtoyés. Et ce, à l'aide de détails statistiquement étranges, comme le fait, par exemple, que dans chaque équipe dans laquelle ils oeuvrent, la productivité d'un ou plusieurs collègues immédiats se met à fléchir d'un coup. Ce faisant, ils étaient en mesure de mettre au jour les caractéristiques précises de la toxicité de ces employés-là.
Fabuleux, n'est-ce pas? On est d'accord. Bon, j'arrête tout de suite de faire bouillir votre patience, et vous présente de but en blanc les résultats :
> Les employés toxiques ont trois points communs. Ils sont :
- Überconfiants. C'est-à-dire qu'ils sont excessivement confiants en leurs talents professionnels.
- Indifférents aux objectifs visés. C'est-à-dire qu'ils ne sont pas du tout motivés par l'atteinte des buts à atteindre pour l'équipe ou l'entreprise, mais par le profit personnel qu'ils peuvent, ce faisant, en retirer.
- Convaincus de toujours bien faire. C'est-à-dire qu'ils sont persuadés - aussi curieux que cela puisse paraître - que ce qu'ils font, ils le font toujours bien. Plus fort encore, qu'ils le font en respectant les règles établies! (À leurs yeux, s'il leur arrive de franchir "certaines limites", ce n'est pas de leur faute : ce sont les autres, ou une situation très particulière, qui les y ont poussés...)
«Note importante : si tous les employés toxiques partagent ces trois points communs-là, ce n'est pas pour autant qu'une personne qui présente ces trois caractéristiques est forcément un employé toxique. Quelqu'un peut en effet avoir très confiance en elle, être peu motivée par la mission à remplir et être scrupuleuse quant au règlement sans agir nécessairement de manière toxique au travail. Encore faut-il qu'une étincelle déclenche un tel comportement...», disent les deux chercheurs dans leur étude.
> Les employés toxiques ne voient pas le jour partout. Ils ne se mettent à sévir que si certaines conditions sont réunies, des conditions liées à leur environnement de travail. Lesquelles, au juste? MM. Houseman et Minor en ont identifié deux principales : d'une part, il faut que l'employé en question occupe «un poste particulier», à savoir soit avec des responsabilités (ex.: un chef de rayon qui truque ses chiffres de vente), soit dépourvu de responsabilités (ex.: un chef de rayon convaincu qu'il ferait un excellent directeur de magasin, et qui, frustré, se venge en médisant sur son boss) ; d'autre part, il faut qu'il ne soit pas en contact direct avec un ou des employés plus toxiques que lui (puisque le mal qu'il serait capable de faire autour de lui serait inférieur à celui qui est déjà commis par autrui, et pourrait même se retourner directement contre lui).
> Les employés toxiques sont faussement performants. À première vue, les employés toxiques affichent une productivité remarquable, pour ne pas dire exceptionnelle. Car celle-ci dépasse nettement, de façon quasi systématique, la productivité du commun des mortels. «C'est d'ailleurs ce qui explique fort probablement leur longévité au sein des organisations dans lesquelles ils sévissent», notent-ils au passage.
Mais quand on regarde un peu mieux leur performance professionnelle, on découvre vite qu'il y a anguille sous roche : la quantité est là, mais pas la qualité. «Par exemple, ils achèvent leurs tâches beaucoup plus rapidement que les autres, mais toujours au détriment de la qualité. Ce qui, en vérité, représente une nuisance considérable pour leurs équipe et entreprise», illustrent-ils.
Voilà. Vous en savez maintenant un peu plus sur les employés toxiques. Sur ce qui les pousse à sévir. Et sur ce qui fait leur force.
Allons à présent un peu plus loin. Les deux chercheurs ont en effet eu la curiosité de regarder ce qui faisait qu'un employé toxique arrêtait, un beau jour, de sévir. Et la bonne nouvelle du jour, c'est qu'ils ont trouvé quelque chose de fort intéressant à ce sujet. Oui, ils ont bel et bien trouvé un remède! Plus précisément, deux :
> Les virer sans tarder, comme le faisait Jack Welch. L'ex-PDG de la multinationale GE est devenu célèbre à la fin du XXe siècle pour sa politique de licenciement systématique de ceux qu'il considérait comme les maillons faibles de l'entreprise. Cela lui a d'ailleurs valu le surnom de Neutron Jack, en raison de son aisance à licencier massivement sans pour autant occasionner de graves dégâts immédiats aux entreprises concernées, à l'image d'une bombe à neutrons. «D'après sa façon de cataloguer les employés, ceux qui sont toxiques entrent dans la catégorie 'Type 4', soit ceux qui livrent les livrables, mais sans respecter les valeurs de l'entreprise. Et pour ce type-là de personnes, M. Welch n'avait aucune pitié : 'Je les saquais aussi sec, au motif qu'ils n'avaient pas les bonnes valeurs. Les chiffres liés à leur performance perdaient dès lors toute importance à mes yeux', avait-il expliqué dans une entrevue accordée en 2005», disent les deux chercheurs.
Comment ont-ils vérifié que cette approche fonctionnait bien? En analysant leurs données, bien entendu. Mais ce n'est pas tout. Ils ont également considéré le cas des entreprises qui, face à une baisse inexpliquée de la productivité d'une équipe, ont le réflexe d'embaucher une 'star', dans l'espoir que celle-ci parviendra à redresser la barre. Un réflexe, croyez-moi, qui est fréquent.
Résultat? Ce réflexe est, en général, désastreux. Parce que les gains financiers enregistrés à la suite de l'arrivée de la star sont «deux fois moindres en valeur absolue» que les dégâts occasionnés par les employés toxiques, qui n'en poursuivent pas moins leur travail de sape. Bref, parce que les espoirs ainsi créés sont voués à être déçus. Ce qui est dramatique.
En conséquence, l'idéal est bel et bien d'identifier les fautifs, et de s'en séparer sans discuter.
> Nouer de meilleures connexions au sein de l'équipe et de l'entreprise. On l'a vu, les employés toxiques passent à l'acte seulement lorsque leur environnement de travail s'y prête. La conclusion est simple : il faut lutter à tout prix contre les facteurs environnementaux propices à la toxicité. Comment? Une façon efficace consiste à regarder l'équipe intoxiquée sous la forme d'un réseau de connexions nouées entre chacun de ses éléments. Comme suit :
1. Dresser avec papier et crayon le schéma de ce réseau de connexions.
2. Repérer les connexions manquantes, à savoir celles qui font que le réseau n'est pas harmonieux.
3. Trouver le moyen de nouer les connexions manquantes.
Pourquoi ça? Tout bonnement parce que l'employé toxique qui s'y dissimule va dès lors se retrouver dans une situation où il ne pourra plus agir à sa guise, dans l'ombre. Et par suite, parce qu'il n'y trouvera plus son compte.
C'est tout. J'espère du fond du coeur que tout cela vous permettra de mettre fin aux agissements des éventuels collègues toxiques qui sévissent dans votre entourage. Et surtout, de bientôt vous retrouver dans un écosystème nettement plus sain.
En passant, l'écrivain français Paul Valéry a dit dans ses Cahiers : «Le mélange du vrai et du faux est énormément plus toxique que le faux pur».
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