BLOGUE. Au travail, il est fréquent de travailler à deux sur un projet. Parfois, la chimie prend et le binôme ainsi constitué fonctionne à merveille. Parfois, la communication entre les deux collègues ne passe pas, et les chances de succès s'annoncent fort minces.
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La question saute aux yeux : y a-t-il un moyen de savoir à l'avance si un binôme nouvellement formé va faire des étincelles, ou pas? Plus précisément, existe-t-il un truc pour créer, à chaque fois, le binôme idéal?
L'étude intitulée Whom to choose as team mate? A lab experiment about in-group favouritism apporte une réponse intéressante à ces interrogations. Elle est le fruit du travail de : Andrea Hammermann, doctorante à l'Université technique de Rhénanie-Westphalie d'Aix-la-Chapelle (Allemagne); Alwine Mohnen, professeure de management à l'École de management de l'Université technique de Munich (Allemagne); et Petra Nieken, chercheuse en économie comportementale à l'Institut de microéconomie appliquée de l'Université de Bonn (Allemagne).
Ainsi, les trois chercheuses ont demandé à 136 étudiants de l'Université technique de Rhénanie-Westphalie de se prêter à une petite expérience permettant d'empocher un peu d'argent. Dans un premier temps, ils étaient répartis par groupes de quatre et ont dû se livrer individuellement à un test de rapidité : il s'agissait de cliquer durant deux minutes sur le plus de points possible qui apparaissaient ici et là sur un écran d'ordinateur. Chacun découvrait à la toute fin le score des trois autres, sans pour autant connaître le sien
Une fois cet échauffement effectué, il leur fallait relever un autre défi : faire glisser des barres décalées sur une ligne graduée de 1 à 100 afin que le milieu de chaque barre soit positionné pile sur le 50. Et ce, durant huit minutes. Chaque barre bien placée permettait de gagner 5 cents.
Cela fait, chaque participant devait se choisir un partenaire pour la suite des opérations. Deux informations leur permettaient de faire leur choix :
> Chacun connaissait la performance enregistrée par les trois autres lors des deux tests.
> Chacun connaissait le degré d'affinité qu'il avait avec les autres. Car les groupes de quatre avaient une particularité, à savoir qu'ils étaient systématiquement composés de deux étudiants issus de la branche d'ingénierie industrielle de l'Université et deux autres, de la branche d'économie de la même Université.
Du coup, chaque participant devait la plupart du temps trancher entre s'allier à un participant performant et s'unir à un participant avec lequel il avait une certaine affinité de part son cursus universitaire. Un dilemme, soit dit en passant, que l'on retrouve souvent lors du recrutement d'un nouvel employé : «Dois-je embaucher celui qui semble le plus performant sur le papier, ou bien celui avec qui j'aurais a priori le plus de facilité à travailler parce qu'on est issus de la même université?».
Puis, les binômes ont dû effectuer une nouvelle série de tests qui nécessitaient, pour un succès optimal, une bonne intelligence entre les deux. À noter que les trois chercheuses allemandes ont introduit, chemin faisant, un élément supplémentaire dans leur expérience :
> Pour la moitié des binômes, la somme d'argent gagnée par les deux était divisée équitablement à la toute fin des tests.
> Pour l'autre moitié, la somme d'argent gagnée était répartie en fonction du mérite de chacun.
Qu'est-ce que tout cela a donné? Des choses fort intéressantes…
> Autant par affinité que par calcul. On dit souvent que l'amitié prend fin dès qu'entre en ligne de compte une question d'argent. Or, cela ne s'est pas vérifié dans le cas présent. En effet, les participants n'ont pas eu particulièrement tendance à choisir comme partenaire le participant le plus performant lorsqu'ils savaient que leur gain final dépendrait de ce que celui-ci réussirait à accomplir ; ils ont alors tout autant choisi par affinité que par calcul.
> Une même performance. Les gains empochés par les binômes ont finalement été sensiblement les mêmes (environ 16 euros par participant), qu'ils aient été formés par affinité ou par calcul.
Autrement dit, peu importe la manière dont est formé un binôme, par affinité ou par calcul, le résultat final serait quasiment le même. Sauf, bien entendu, s'il y a une franche incompatibilité entre les deux personnes concernées. Pourvu que l'un comme l'autre est motivé par le défi à relever, le binôme donnera le meilleur de lui-même.
«Les entreprises et leurs managers n'ont par conséquent pas trop à se soucier de la façon dont se forment les binômes en son sein, car la procédure de formation n'a pas vraiment d'impact sur leur performance. Un manager peut ainsi très bien faire du "favoritisme" en recrutant de préférence un candidat intéressant issu de la même université que lui, sans que cela nuise à l'entreprise», indiquent les trois chercheuses allemandes dans leur étude.
En passant, l'économiste américain Milton Friedman a dit dans La Liberté du choix : «Ceux qui croient agir en fonction de l'intérêt général sont en réalité conduits à favoriser des intérêts particuliers qui ne font pas partie de leurs intentions».
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