Nous connaissons tous le Quotient Intellectuel (QI). La plupart d'entre nous avons déjà entendu parler du Quotient Émotionnel (QE). Deux quotients aujourd'hui cruciaux au travail, comme en atteste cette récente déclaration de Gregory Giangrande, vice-président et dirigeant principal, ressources humaines, de Time : «Rien ne saurait remplacer la combinaison gagnante constituée du QI et du QE. C'est que nous voulons embaucher des personnes brillantes qui sont également sensibles à l'écosystème dans lequel elles évoluent», a-t-il confié au magazine Forbes.
Bien. Mais voilà, le QI et le QE sont-ils vraiment suffisants, de nos jours, pour déterminer si un employé, voire une équipe, est à même de briller dans son travail, ou pas? La réponse est claire et nette : non. Cela ne suffit pas. Il manque ce qu'on peut appeler le Quotient d'Adaptation (QA).
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Le quoi? Le Quotient d'Adaptation, à savoir notre capacité à anticiper les mutations de notre environnement social, culturel et économique et à interagir en conséquence avec les principaux acteurs de ces changements continuels. Bref, notre faculté innée à agir comme l'eau, qui ne se heurte jamais de front à un obstacle, mais s'adapte à celui-ci pour continuer son chemin.
J'ai pris conscience de l'importance du QA à la lecture d'une étude intitulée Quotient d'Agilité : Développer les compétences de l'avenir du cabinet-conseil en ressources humaines Randstad. Son principe est simple : mettre au jour les talents que chacun de nous devra maîtriser pour briller demain au travail; puis, indiquer comment s'y prendre pour y parvenir. La conclusion? On ne peut plus simple : chacun de nous doit au plus vite se mettre à cultiver son QA, afin d'être en mesure de développer les talents clés de demain. Explications.
L'étude de Randstatd est partie des résultats d'un autre rapport, intitulé Future Skills 2020 et signé par l'Institute for the Future. (J'ai parlé de celui-ci l'an dernier, dans un précédent billet, Les 9 talents que vous devrez avoir au travail en 2020). Ce rapport indiquait que les talents à avoir sont les suivants :
> L'intelligence du sens. «La création de sens est la capacité à établir des liens pour formuler des idées. Et ce, comme l'explique Maria Popova dans son blogue Brain Pickings : "Afin que nous puissions faire preuve de créativité et contribuer de façon concrète à notre monde, nous devons être capables d'établir une quantité infinie de liens, d'échanger des idées provenant d'une variété de disciplines afin de combiner, et de recombiner, ces pièces pour bâtir de nouvelles structures».»
> L'intelligence sociale. «C'est la capacité à comprendre les déclencheurs émotionnels des autres. C'est donc beaucoup plus que le simple fait d'être aimable avec ceux qui nous entourent (même si le fait d'être aimable favorise évidemment le développement de bonnes relations). Ça correspond à la faculté d'adopter une approche plus humaine de faire des affaires, d'établir des liens avec autrui, de s'engager sur le plan personnel, de poser les bonnes questions.»
> La pensée adaptative. «Ceux qui souhaitent demeurer pertinents sur le marché du travail doivent continuer à apprendre, à penser à l'avenir et à comprendre les nouvelles réalités d'un monde en perpétuel changement s'ils souhaitent continuer de créer de la valeur.»
> La pensée média. «Blogues, Twitter, podcasts... Il ne fait aucun doute que la maîtrise des nouveaux médias est devenue essentielle dans le monde d'aujourd'hui. Et a fortiori, celui de demain.»
> La transdisciplinarité. «C'est la capacité à adopter une variété de points de vue différents. Et ce, afin de recueillir des idées provenant de différentes sources et d'être capable d'analyser un problème dans une perspective plus large.»
> La pensée design. «Elle recourt à notre capacité à apporter des ajustements à nos configurations de travail et à optimiser nos processus pour accomplir les tâches qui nous incombent. Un exemple frappant : une étude a révélé que la hauteur du plafond peut encourager l'ouverture d'esprit et la pensée novatrice.»
> L'ouverture d'esprit. «Elle correspond au fait de pouvoir adapter notre façon de travailler et notre approche en matière de communication, compte tenu surtout de la diversité croissante de la main-d'oeuvre.»
> La pensée data. Elle est la combinaison de deux talents : la pensée informatique et la gestion de la charge cognitive. «D'une part, la pensée informatique est la capacité à dégager des informations pertinentes d'un flux de données, puis à traduire ces informations en tendances propres à faciliter la prise de décision. D'autre part, la gestion de la charge cognitive est ce qui nous permet de filtrer et de prioriser l'information, en choisissant les canaux et les plateformes les plus propices pour consommer et diffuser des données, gérer les distractions et les interruptions, et reconnaître le moment propice pour se déconnecter.»
> La collaboration virtuelle. «Skype, Google Drive, Basecamp... Le fait de pouvoir travailler et collaborer efficacement dans un environnement virtuel constitue d'ores et déjà une partie essentielle du quotidien de chaque travailleur.»
Les auteurs de l'étude de Randstad se sont posé une question : «De tous ces talents, y en aura-t-il qui seront demain plus importants que les autres?» Pour s'en faire une idée, ils ont tout bonnement procédé à un sondage au Canada auprès d'un millier de personnes employées ou à la recherche d'un emploi. Résultats? Les voici :
> Les 3 talents de demain les plus importants
1. La pensée adaptative, 61%
2. L'intelligence sociale, 55%
3. L'intelligence du sens, 55%
> Les 3 talents de demain qui sont sont aujourd'hui les plus défaillants, au Québec
1. La pensée adaptative, 52%
2. L'intelligence du sens, 43%
3. L'intelligence sociale, 39%
Autrement dit, ceux qui brilleront demain au travail seront ceux qui auront développé leur pensée adaptative, leur intelligence sociale et leur intelligence du sens. C'est-à-dire ceux qui sauront vite voir les changements autour d'eux, pressentir la tournure que vont prendre les choses, puis mobiliser leur réseau de connexions pour en tirer collectivement profit.
Le hic? C'est qu'il semble que ces trois talents-là soient justement ceux que l'on maîtrise aujourd'hui le moins, en particulier au Québec. Du coup, il va nous falloir rapidement développer chacune de ces trois facultés si nous voulons avoir l'espoir de demeurer pertinents dans le marché du travail à venir.
Comment y parvenir? Comment nous positionner dès à présent sur la vague naissante, laquelle préfigure une véritable déferlante? Eh bien, avant de s'aventurer à une réponse tranchée, il convient de se pencher davantage sur les résultats de l'étude. De fait, on y découvre, entre autres, que :
> La génération montante va miser avant tout sur l'intelligence sociale. La génération Z - celle des personnes nées depuis 1995 - présente la particularité de considérer que le talent crucial de demain sera l'intelligence sociale (69%). Un talent suivi, loin derrière, par l'intelligence du sens (38%) et la pensée adaptative (37%). Ce qui signifie que la relève est en train d'apporter avec elle une toute nouvelle approche du travail, puisqu'elle aura le réflexe de recourir au collectif pour surmonter les difficultés rencontrées, et par suite agira à l'inverse des baby-boomers et de la génération X pour qui le premier réflexe consiste à recourir à la pensée adaptative, et donc à la capacité de l'individu de faire face à l'adversité. Oui, on passera de l'individuel au collectif. Une vraie révolution. Ni plus ni moins.
> Les talents de demain ne seront pas tous les mêmes partout. Bien que les Canadiens de tous les secteurs d'activités s'entendent sur les compétences générales à posséder demain au travail, ils ne s'accordent pas tout à fait sur leur importance. Pour preuve, voice le palmarès des talents principaux pour chaque secteur d'activité :
- Vente et commerce de détail : l'intelligence sociale, 62%
- Bureautique et administration : la pensée adaptative, 64%
- Service à la clientèle et centres d'appels : la pensée adaptative, 66%
- Production et logistique : l'intelligence du sens, 63%
- Technologies et génie : la pensée adaptative, 66%
- Sciences et mathématiques : la pensée adaptative, 74%
- Ressources humaines : la pensée adaptative, 85%
- Finances et comptabilité : l'intelligence du sens, 67%
- Marketing : l'intelligence du sens, 85%
On le voit bien, chacun de nous se doit d'affiner le dosage de ses efforts dans l'acquisition et le développement des talents qu'il lui faudra maîtriser dans les prochaines années au travail. Et ce, en fonction notamment de la tranche d'âges dans laquelle il se trouve, dans laquelle se situe la majorité de ses collègues ainsi que du secteur d'activités dans lequel il évolue (ou entend évoluer à l'avenir).
Cela étant, les experts de Randstad estiment qu'il y a, à leurs yeux, 5 bonnes façons de développer concrètement le QA des employés. Et donc, de les aider à s'épanouir aujourd'hui et surtout demain au travail. Les voici :
> Donner une vue d'ensemble. «Assurez-vous que vos employés comprennent les buts de leur organisation dans leur ensemble et la façon dont ils peuvent les atteindre. Nous nous préoccupons souvent du "quoi", du "quand" et du "combien/comment", mais nous oublions régulièrement le "pourquoi". Assurez-vous d'expliquer les raisons qui font que l'organisation prend telle ou telle direction. Un exemple concret : la chaîne de librairies Indigo a bâti une communauté virtuelle nommée Galileo comportant une section appelée "Galileo Ideas", laquelle est consacrée au partage de pratiques exemplaires, de rapports réguliers sur le rendement et d'idées novatrices.»
> Offrir un véritable coaching. «Donner seulement du feedback ici et là ne suffit pas. Prenez le temps de discuter avec vos employés, y compris de la façon dont ils aimeraient être coachés (fréquence, durée des rencontres, en solo, en groupe, etc.). Donnez-leur des exercices à faire, et mentionnez clairement vos attentes à cet égard. Et assurez-vous de donner régulièrement une rétroaction constructive, histoire de les aider à progresser.»
> Diversifier les programmes de formation. «Exemple : des programmes d'échanges de postes ou de formation croisée (polyvalente), où vos employés assistent aux réunions d'autres services ou sont formés dans d'autres services de votre entreprise; avec cet avantage que cela facilitera la cohésion entre les équipes et l'établissement de relations entre différents services.»
> Encourager la pensée critique. «Les managers ont l'habitude de fournir rapidement des solutions lorsqu'un problème ou une question se présente. Ce qui présente un grave désavantage : cela n'aide pas les employés à se forger leurs propres opinions et à évaluer tous les aspects d'un problème, dans l'optique de trouver leur propre solution. D'où l'intérêt de poser régulièrement des questions du genre : "Que feriez-vous si vous étiez à ma place?", et autres "Qu'arriverait-il si on choisissait l'option B au lieu de l'option A?". Et d'agir en conséquence par la suite.»
> Favoriser une culture d'innovation. «Nous sommes aujourd'hui tenus de livrer des résultats dans un délai toujours plus court. Ce qui nous empêche de voir plus loin que le bout de notre nez, et notamment de proposer des idées originales, dont la réalisation freinera a priori la cadence. D'où l'intérêt de créer à l'occasion des équipes de projet, ou ne serait-ce que des groupes de réflexion, en veillant à ce qu'elles soient pluridisciplinaires. Leur mission : identifier des idées neuves, voire les moyens à mettre en oeuvre pour mener à bien le projet en question. De cette manière, vous favoriserez l'engagement, tout en amenant vos employés à considérer plusieurs points de vue lors de leur réflexion commune.»
Voilà. Il ne vous reste maintenant plus qu'à passer à l'action, si vous avez à coeur d'acquérir collectivement les talents qui vous permettront de voler demain de succès en succès. Et d'ainsi vous doter d'un Quotient d'Agilité étincellant.
En passant, le compositeur français Hector Berlioz aimait à dire, sourire en coin : «Ah! Quel talent je vais avoir demain».
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