BLOGUE. Qui, en ce début de 2013, n'a pas fait figurer le terme «créativité» dans ses résolutions du nouvel an? Personne, je suis prêt à en mettre ma main au feu. Car, en cette période de crise économique et d'incertitude en matière d'emploi, tout le monde se dit que la survie passe par la créativité, cette magnifique faculté que nous avons tous – plus ou moins – d'attraper des idées neuves au vol et de les rendre concrètes.
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Mais voilà, on en revient toujours au même problème dès qu'il s'agit d'innover : comment s'y prendre pour faire mieux, et même mieux que les autres? Les trucs pullulent, sur le Web, dans les livres, dans les magazines, plus ou moins fiables. Il y en a même tellement qu'on peut en perdre la tête.
C'est pourquoi, aujourd'hui, je vous propose de se calmer un peu, de prendre le temps d'une grande respiration, et de découvrir tranquillement une astuce toute simple, qui devrait vous permettre de booster d'un coup votre créativité au travail. Sans farce.
Cette astuce, je l'ai trouvée dans une étude intitulée Goal orientation and innovative performance: The mediating roles of knowledge sharing and perceived autonomy. Celle-ci est le fruit du travail de trois professeurs de management : Lin Lu, de l'Université Jiao-Tong de Shanghai (Chine); Xiaowan Lin, de l'Université de Macao (Chine); et Kwok Leung, de l'Université de Hong Kong (Chine). Elle recèle, à mon avis, une trouvaille inestimable…
Les trois chercheurs chinois ont noté qu'au travail les employés avaient en général deux buts professionnels : progresser à leurs yeux (learning goal orientation, en anglais) et progresser aux yeux des autres (performance goal orientation). C'est-à-dire que l'on cherche sans cesse d'une part à développer nos compétences professionnelles, voire à en acquérir de nouvelles, et d'autre part, à atteindre les objectifs qui nous sont fixés. Certains éprouvent plus de plaisir à travailler lorsqu'ils sentent qu'ils apprennent de nouvelles choses; et d'autres, quand ils voient leur boss sourire à la découverte de leurs résultats personnels. Ça dépend de la nature profonde de chacun.
Or, de récentes études ont montré que les employés qui cherchaient surtout à progresser à leurs yeux étaient souvent des personnes particulièrement créatives au travail (Gong, Huang & Farh, 2009; Hirst, Van Knippenberg & Zhou, 2009; etc.). Pourquoi ça? Aucune réponse probante n'avait, à ce jour, été avancée, d'après les trois chercheurs. D'où leur idée de s'aventurer en ce terrain encore inexploré.
Lin Lu, Xiaowan Lin et Kwok Leung ont donc demandé à 310 étudiants en MBA à Shanghai de participer à une petite expérience très simple, qui consistait à remplir des questionnaires :
> La moitié des participants devaient remplir le questionnaire en tant qu'employé, et non en tant que manager (en MBA, les étudiants ont en général plusieurs années d'expérience professionnelle au poste de manager);
> L'autre moitié devaient le remplir aussi, mais cette fois-ci en tant que manager.
Les questionnaires visaient à évaluer différentes facettes des participants, en particulier : leurs motivations profondes; leurs habitudes en matière de partage des connaissances; leur perception de l'autonomie dont ils disposent au travail; ou encore, leur créativité. Et ce, à l'aide de phrases du genre «Je préfère faire ce que je maîtrise déjà plutôt que des tâches nouvelles pour moi», auxquelles il fallait mettre une note de 1 ("Pas du tout d'accord") à 7 ("Tout à fait d'accord").
Résultats? Trois découvertes intéressantes…
1. Ceux qui veulent avant tout briller à leurs propres yeux sont, de fait, des personnes particulièrement créatives, et de surcroît des personnes qui aiment bien partager leurs connaissances avec leurs collègues.
2. Ceux qui aiment bien partager leur savoir avec les autres et ceux qui se sentent autonomes dans leur travail sont – eux aussi, mais dans une moindre mesure – doués pour innover.
3. Ceux qui veulent surtout briller par leur performance se sentent en général peu autonomes dans leur travail, ce qui ne les empêche toutefois pas d'être complètement dénués de créativité, ni dépourvus de l'envie de partager leurs connaissances avec leurs collègues.
De ces résultats bruts se dégagent, à bien y regarder, des trouvailles fascinantes…
> Avantage aux curieux. Les plus créatifs au travail sont ceux qui veulent toujours apprendre de nouvelles choses, pas ceux qui visent, tête baissée, un but précis.
> Le goût du partage. Un trait de personnalité est révélateur de ce qui semble a priori un "don" pour la créativité : le goût de partager ce que l'on sait avec autrui.
> Une fausse croyance. En revanche, contrairement à ce que l'on pourrait croire a priori, le fait de se sentir libre de ses mouvements au travail, sans avoir les yeux du boss continuellement braqués sur son dos, n'amène pas à être plus créatif. Autrement dit, l'absence relative de pression n'est pas forcément bénéfique en matière de créativité.
Par conséquent, si vous souhaitez booster votre créativité au travail, il vous suffit de procéder en trois étapes :
1. Identifiez les domaines de votre travail où vous avez encore beaucoup de choses à apprendre.
2. Sautez sur chaque occasion où il vous est possible d'en apprendre davantage dans ces domaines-là.
3. Partagez tout ce que vous apprenez ainsi avec vos collègues, lesquels ne manqueront pas de vous en apprendre encore plus et de vous motiver dans vos efforts (en vous suggérant de lire un livre qu'ils ont aimé, en vous invitant à contacter une personne qui adore justement le domaine qui vous intéresse, etc.).
Et vous verrez dès lors, comme par magie, que les idées neuves se mettront à tourbillonner dans votre tête. C'est garanti!
Enfin, vu sous un autre angle, il existe un moyen ultrasimple de booster la créativité des employés au sein d'une équipe, quand on en est le manager :
> Qui entend voir son équipe davantage innover doit veiller à ce que chacun de ses membres partage régulièrement ses informations et ses connaissances avec les autres.
C'est aussi bête que ça. Maintenant, à vous de jouer.
En passant, George Bernard Shaw, le cofondateur de la London School of Economics, aimait à dire : «Si tu as une pomme, que j'ai une pomme, et que l'on échange nos pommes, nous aurons chacun une pomme. Mais si tu as une idée, que j'ai une idée, et que l'on échange nos idées, nous aurons chacun deux idées».
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