BLOGUE. Vous souvenez-vous de la dernière fois où votre boss vous a lancé : «Bon, il vient ce rapport?». Ou la fois où, vous-même, vous vous êtes mis une pression terrible en réalisant qu'il ne vous restait qu'une minuscule demi-heure pour terminer ce que vous aviez entrepris? Comment avez-vous dès lors réagi? Vraisemblablement en vous donnant un coup de fouet, en faisant battre votre cœur à tout rompre, en déclenchant une vague de sueurs froides dans votre dos, et en tremblant de tous vos membres. Au bord de la panique. Pas vrai?
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La question est évidente : «Comment faire pour, dans ces cas-là, garder son sang froid et se montrer efficace comme jamais?» Et vous serez tenté de me dire que si la réponse existait, on la connaîtrait déjà. Faux! Elle existe et on la connaît depuis peu. Elle se trouve dans une étude intitulée Decision making with information search contraints: A process tracing study, signée par Kazuhisa Takemura, professeur de psychologie sociale à l'Université Waseda de Tokyo (Japon), et Marcus Selart, professeur de management à l'École norvégienne d'économie et de gestion des affaires de Bergen (Norvège). Celle-ci montre que tout se joue dans le cerveau…
Ainsi, il a été demandé à 78 étudiants de l'Université japonaise de Tsukuba de remplir une tâche complexe, à savoir identifier l'appartement à louer le plus intéressant parmi les six présentés. Six informations précises étaient données à propos des appartements : le loyer mensuel; la localisation; la dimension des pièces; les possibilités de stationnement; les caractéristiques des toilettes et de la salle de bains; et la luminosité de chacune des pièces.
Ce que les participants ne savaient pas, c'était qu'ils se trouvaient placés dans des conditions de réflexion différentes. Trois groupes ont été formés à leur insu :
> Grosse pression. Les membres de ce groupe ne pouvaient consulter chaque information qu'une seule fois.
> Pression moyenne. Les membres de ce groupe devaient consulter chaque information au moins deux fois.
> Aucune pression. Les membres de ce groupe pouvaient consulter toutes les informations qu'ils voulaient autant de fois qu'ils le désiraient.
La pression ne portait donc pas sur le temps – comme c'est souvent le cas au travail –, mais sur l'accès à l'information. Pourquoi les chercheurs ont-ils choisi une telle approche? Parce qu'elle leur permettait de voir comment les participants réfléchissaient. Si, si, vous allez voir, c'est subtil.
MM. Takemura et Selart ont, en effet, eu l'idée de mener l'expérience à l'aide d'ordinateurs, si bien qu'il était possible de savoir exactement ce sur quoi les participants cliquaient et le temps que cela leur prenait de prendre la moindre décision. Mieux, en enregistrant le cheminement de la flèche sur l'écran et ce sur quoi elle s'arrêtait, il leur était possible d'interpréter le cheminement des pensées de chacun.
Le principe était simple et valable pour chaque groupe : toutes les informations sur les appartements étaient présentées dans des grilles, et il fallait cliquer sur chaque case pour découvrir l'information qu'elle contenait, sachant qu'une seule information était affichée à l'écran, jamais deux ou trois à la fois.
Par exemple, ceux qui étaient sous une "grosse pression" ne pouvaient cliquer qu'une seule fois sur chaque petite case de la grille contenant toutes les informations sur chaque appartement. Au premier clic, l'information apparaissait ; au clic suivant, n'importe où sur l'écran, elle disparaissait et il était impossible, par la suite, de la revoir, même si l'on tentait de cliquer plein de fois dessus.
Enfin, les deux chercheurs ont fait remplir aux participants un questionnaire, à la toute fin de l'expérience. Celui-ci visait grosso modo à indiquer l'humeur dans laquelle chaque personne se trouvait (confiant d'avoir fait le bon choix, stressé, etc.).
Résultats? Il y en a trois principaux :
1. Ceux sous "grosse pression" qui ont fait de bons choix ont pris beaucoup plus de temps que les autres à se décider et ont eu le réflexe de se simplifier la tâche.
2. Ceux sous "grosse pression" ont pris plus de temps que les autres parce qu'ils ne pouvaient user de la méthode utilisée par les membres des autres groupes, soit la double vérification des informations récoltées. De fait, il ne leur était autorisé qu'un clic par information, si bien qu'il leur fallait faire davantage travailler leur mémoire que les autres.
3. Pour se simplifier la tâche, ceux sous "grosse pression" se sont en général contentés de comparer quelques-unes des mêmes informations des différents appartements. En revanche, ils n'ont pas vraiment cherché à regarder les différentes caractéristiques d'un même appartement, dans l'espoir d'y déceler un défaut tel que cela aurait permis d'éliminer l'appartement en question – ce qu'ont plutôt fait, eux, les membres des deux autres groupes.
Autrement dit, quand on est sous pression, notre cerveau se met à fonctionner d'une toute autre manière que celle utilisée en temps normal. Celle-ci tient en deux mots d'ordre :
1. Calmons-nous!
2. Simplifions-nous la tâche!
C'est aussi simple que ça. Dès que vous réalisez qu'il y a une urgence au travail, le mieux est de se répéter ces deux mots d'ordre. Prenez tout d'abord une grande respiration, en vous disant «Du calme!». Puis, donnez-vous comme priorité de vous simplifier la tâche, d'aller à l'essentiel sans vous préoccuper des détails : vous pourrez toujours expliquer aux autres que vous avez manqué de temps pour présenter un résultat parfait, ce qui est en général une excuse que tout le monde accepte et comprend bien.
En passant, l'écrivain français Jules Renard a dit dans son Journal : «L'idéal du calme est dans le chat assis».
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