Vous est-il déjà arrivé, au travail, d’avoir des pensées à votre sujet comme «Non mais qu’est-ce que je viens de faire ? C’est pas possible d’être aussi crétin !» et autres, plus directs, «quel gland !». Et cela vous arrive-t-il de manière récurrente, disons plusieurs fois par semaine, voire plusieurs fois par jour ? Il se pourrait bien que oui…
Découvrez mes précédents billets
Ma page Facebook
Mon compte Twitter
Dommage ! Car ce dont vous ne vous doutez pas – et ce dont je ne me doutais pas moi-même – c’est à quel point ce type de pensées sont dévastatrices. Oui, dévastatrices, je pèse mes mots. Je l’ai appris grâce à une étude intitulée Making sense in misfortune : Deservingness, self-esteem, and patterns of self-defeat et signée par : Mitchell Callan, professeur de psychologie à l’Université de l’Essex à Colchester (Grande-Bretagne); Aaron Kay, professeur de management à l’École de commerce Fuqua à Durham (Etats-Unis); et Rael Dawtry, chercheur en psychologie à l’Université du Kent à Canterbury (Grande-Bretagne). Une étude qui va vous faire écarquiller les yeux, je pense…
Ainsi, les trois chercheurs ont noté que nous faisons à peu près tous le même raccourci mental en cas d’échec : «Ben voilà, c’est arrivé par ma faute, parce que je n’ai pas fait ce qui aurait dû être fait, parce que, au fond, c’est ce qui devait m’arriver». Autrement dit, nous nous accusons – en notre for intérieur – de tous les torts, et allons même parfois jusqu’à en rendre responsable notre incompétence, ou à tout le moins notre ‘fâcheuse manie de faire foirer tout ce qui est important’. Et ce, même si plus d’un a, ensuite, le réflexe de faire porter le chapeau à d’autres, histoire d’éviter autant que possible de subir les foudres de la haute-direction. Nous avons tous déjà vu ça, n’est-ce pas ?
Et ils se sont posé une question fort intéressante : «D’où vient cette tendance que nous avons, pour la plupart, à nous autodéprécier en cas d’échec ?» ; puis «Y aurait-il moyen d’arrêter cette spirale infernale qui, à bien y penser, ne nous apporte pas grand-chose ?». Pour s’en faire une idée, ils ont procédé à une dizaine d’expériences visant à déterminer les différents impacts psychologiques que peuvent avoir un échec sur nous. Une dizaine d’expériences plus captivantes les unes que les autres, dont je vais vous épargner les détails pour sauter directement au plus important, à savoir les résultats :
> Une autodévalorisation instantanée. Les participants qui ont été placés en situation d’échec, ou même qui ont été amené à se souvenir d’un échec, se sont aussitôt mis à se dévaloriser à leurs propres yeux. Et ce, peu importe que l’échec en question soit le fruit d’une erreur personnelle ou de la malchance.
> Un échec jugé inéluctable. Plus les participants se dévalorisaient à leurs propres yeux, plus ils étaient prompts à penser que ce qui leur était arrivé devait de toutes façons leur arriver. Que c’était leur destin que d’échouer. Que l’échec était inéluctable.
> Des pensées et des comportements autodestructeurs. Plus les participants pensaient que l’échec était inévitable, plus ils étaient prompts à adopter par la suite des pensées et des comportements autodestructeurs. Par exemple, ils se mettaient eux-mêmes des bâtons dans les roues lors d’un test de compétence, en se compliquant la tâche pour rien ; chose, soulignons-le, que ne faisaient pas ceux qui ne s’étaient pas dévalorisés à leurs propres yeux auparavant. Autre exemple : ils se mettaient à aller chercher la confirmation de leur ‘incompétence’ – en vérité, de leur autodévalorisation – auprès de personnes qui ne les appréciaient pas beaucoup, exprès. Autre exemple encore : ils se mettaient à n’écouter que les commentaires négatifs, et à être sourds aux positifs, lors d’un feedback.
Voilà. Nous sommes là en présence d’une véritable spirale infernale. Il suffit de connaître un échec pour que nous nous mettions à nous dévaloriser à nos propres yeux, y compris si l’échec est dû à la malchance. Puis, nous nous mettons à penser que l’échec était inéluctable. Et nous finissons par agir, inconsciemment, de telle sorte que les échecs s’accumulent, comme pour valider l’inéluctabilité du premier échec : nous nous mettons des bâtons dans les roues, nous ne voyons plus que ce qui ne va pas, etc.
Bon. Mais comment s’extirper d’une telle spirale ? C’est là que l’étude de MM. Callan, Kay et Dawtry se révèle on ne peut plus précieuse : elle montre qu’il existe un moyen efficace de ne plus être aspiré vers les abysses, et mieux, d’en jaillir transformé. Lequel ? C’est simple, il suffit de remonter la spirale en sens inverse ! Petite explication…
«À partir du moment où une personne comprend qu’elle est dans une spirale infernale, et que celle-ci a vu le jour non pas à cause de faits, mais de croyances de sa part, alors il est envisageable de l’arrêter, voire d’en faire un puissant levier de motivation», indiquent les auteurs dans leur étude. Comment, au juste ? En quatre temps :
1. Relevez vos pensées et comportements autodestructeurs. Prenez le temps de noter sur une feuille de papier les moments où, au travail, vous pensez n’avoir pas agi à la hauteur de votre talent. Plus précisément, où vous avez été assailli par des pensées et des comportements négatifs à votre sujet, alors même qu’il vous fallait briller.
2. Reconsidérez votre jugement à votre égard. Prenez le temps de noter sur une feuille de papier quelques réflexions concernant vos pensées et comportements négatifs à ces moments précis, en général : étaient-ils appropriés ? Étaient-ils judicieux ? Vous ont-ils apporté quoi que ce soit de constructif ? Etc.
3. Analysez l’autodévalorisation qui a résulté de votre dernier échec. Prenez le temps de décrire sur une feuille de papier la dernière fois où vous avez connu un revers au travail. Puis, les pensées et comportements négatifs qui en ont découlé. Enfin, ce que ceux-ci vous ont apporté. Une fois cela fait, prenez un peu de recul et analysez froidement les causes réelles de l’échec en question : celui-ci était-il si inéluctable que ça ? Un coup du sort aurait-il permis de le transformer en succès ? Ou bien, un geste différent de votre part aurait-il permis d’en faire un succès ? Etc.
4. Revalorisez-vous à vos propres yeux. Poursuivez la réflexion concernant votre dernier échec, en vous demandant à présent quel talent vous avez et qui, s’il avait été bien utilisé, aurait permis de faire toute une différence. Bref, identifiez ce que vous auriez pu faire – mais n’avez malheureusement pas pu faire à ce moment-là – et que vous pourriez, donc, faire, la prochaine fois. Et découvrez, du même coup, que vous venez de sortir la tête de l’eau, ou si vous préférez, de vous extraire de la spirale infernale, forts d’une toute nouvelle motivation.
Et c’est comme ça qu’il vous sera possible de sortir grandi de vos habituelles mauvaises expériences professionnelles. La clé étant, on le voit bien, de prendre le temps de réfléchir à l’un de vos cuisants échecs, et surtout, d’avoir le cran d’y penser froidement.
En passant, l’écrivaine française Delphine de Girardin aimait à dire : «On ne réussit dans le monde que par ses défauts».
Découvrez mes précédents billets
Ma page Facebook
Mon compte Twitter