C'est plus fort que nous, nous nous comparons sans cesse aux autres. On jalouse les meilleurs que nous, et on rit sous cape des moins bons, voire des nuls. Pas vrai?
Cela se vérifie surtout à l'échelle de l'équipe de travail, pour ne pas dire de l'entreprise. Car la compétition est permanente : il importe de ne pas se laisser distancer par le ou les meilleurs, mais surtout de ne pas se faire rattraper par les moins bons. Oui, il est vraiment crucial à nos yeux de ne pas se faire doubler. D'où l'importance vitale, croyons-nous, d'avoir toujours un plus petit que soi à proximité.
Découvrez mes précédents billets
Ma toute nouvelle page Facebook
Mon compte Twitter
Et mon livre : Le Cheval et l'Âne au bureau
Mais voilà, cela est-il si vrai que ça? Avons-nous réellement besoin d'un plus petit que nous-même pour évoluer au mieux dans notre écosystème? Une réponse brillante se trouve, je pense, dans une étude intitulée Permission to exist. Celle-ci est signée par : Martin Byford, professeur d'économie à l'Université RMIT à Melbourne (Australie); et Joshua Gans, professeur de management stratégique à l'École de management Rotman à Toronto (Canada).
Les deux chercheurs se sont penché sur les travaux de Chad Syverson, professeur d'économie à l'École de commerce Booth à Chicago (États-Unis), en particulier une étude intitulée What determines productivity? (2011). Cette dernière mettait en évidence le fait que les différences de performance entre entreprises évoluant dans un même marché perduraient forcément si deux conditions étaient réunies, soit :
– Lorsque la taille maximale des entreprises est limitée;
– Lorsque la possibilité pour les nouveaux acteurs d'entrer sur ce marché est mince.
Et ils se sont demandé ce qui se passait, au juste, si l'une des conditions sautait, notamment la seconde. C'est-à-dire si l'accès au marché était relativement aisé pour les nouveaux acteurs.
Pour le savoir, ils ont concocté un modèle de calcul économétrique, lequel visait à analyser les différentes stratégies envisageables pour les entreprises évoluant dans un même marché. Tant pour la meilleure que pour les autres. L'idée, en arrière de tout cela, était de voir s'il existait une situation d'équilibre, où chacun des acteurs évoluait de manière optimale, sans nuire aux autres.
Résultat? Le voici :
> Avantage à la bienveillance. Le meilleur a tout intérêt à se montrer bienveillant envers les moins bons que lui. Pourquoi? Parce que son intérêt premier, c'est de demeurer le meilleur, et donc de veiller à ce qu'aucun événement surprise ne survienne pour tout changer, ce qui a le plus de chances de se produire avec l'arrivée d'un nouveau joueur. Or, comment peut-il s'y prendre pour éviter qu'un nouveau joueur ne pénètre dans le marché? En donnant l'impression à ceux qui seraient tentés de venir que le marché est déjà saturé, en ce sens qu'il y a déjà beaucoup d'acteurs de taille conséquence. Le calcul est désormais très simple : il lui faut atténuer l'intensité de la guerre des prix pour ne pas faire "mourir" les plus petits du marché afin de permettre à ceux-ci de vivre, et même de grandir un peu, sans pour autant leur donner une vraie possibilité de le challenger. Subtil, n'est-ce pas?
«Le mieux qu'ait à faire le meilleur, c'est de dire à ses concurrents immédiats : "Adoucissons la rivalité entre nous, en particulier la guerre des prix, parce qu'ainsi vous allez pouvoir être assez forts pour résister à la venue d'un éventuel nouvel acteur. C'est à votre avantage, et aussi au mien, c'est vrai, parce que ça ne ferait pas mon affaire de voir débouler un nouveau qui risquerait de tout chambouler"», soulignent les deux chercheurs dans leur étude.
Ainsi, le meilleur gagne à moyen et à long terme à faire preuve de bienveillance, même si cela lui occasionne un coût à court terme. Quel coût? Eh bien, il faudrait plutôt parler d'un manque à gagner, soit la somme qu'il aurait pu immédiatement empocher s'il avait renforcé la guerre des prix au point d'écraser la plupart de ses concurrents immédiats.
Que retenir de cette étude? Ceci, à mon avis :
> Qui entend demeurer devant les autres ne doit non pas chercher à creuser l'écart avec eux, mais à le diminuer! Il se doit en effet de faire preuve de bienveillance envers les plus petits que lui-même. Car c'est la seule façon pour lui de s'assurer qu'un nouveau venu ne perturbe pas d'un seul coup l'ordre établi.
En passant, le penseur chinois Mencius disait : «La bienveillance est sur le chemin du devoir».
Découvrez mes précédents billets
Ma toute nouvelle page Facebook
Mon compte Twitter
Et mon livre : Le Cheval et l'Âne au bureau