BLOGUE. D'après vous, à quoi reconnaît-on un leader? À son autorité? À sa taille? À son calme en toute situation? À son aura, peut-être? À autre chose encore? Difficile à déterminer, me direz-vous. C'est pourquoi j'ai une autre question pour vous, plus précise : peut-on reconnaître un leader rien qu'à sa voix?
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Je crois avoir trouvé la réponse dans une étude intitulée Preference for leaders with masculine voices holds in the case of feminine leadership roles. Celle-ci est signée par Rindy Anderson, professeure de biologie à l'Université Duke à Durham (États-Unis), et Casey Klofstad, professeur de science politique à l'Université de Miami (États-Unis). Elle indique qu'un certain type de voix caractérise les leaders.
Les deux chercheurs ont tout d'abord demandé à 10 hommes et à 10 femmes d'enregistrer un message vocal, en lui donnant un ton convaincu et convainquant. Ce message tenait en une phrase : «Je compte sur vous pour voter pour moi aux élections qui auront lieu en décembre». C'est tout. L'important, c'était que les personnes choisies avaient des voix différentes les unes des autres, couvrant une large gamme entre les plus aigus et les plus graves.
Puis, ils ont couplé les voix par deux, celles d'un homme et d'une femme, dans une grande multitude de combinaisons : deux voix graves; deux voix aigues; une voix très grave et une voix très aigues; etc.
Enfin, ils ont fait écouter un grand nombre de ces voix couplées à 35 hommes et à 36 femmes, en leur demandant à chaque fois de dire pour laquelle ils voteraient, s'il leur fallait choisir entre les deux. Et ce, dans deux cas de figure différents : parfois pour un poste élevé au sein de la Commission scolaire de leur ville; parfois pour celui de président de la Parent Teachers Organization, une structure qui permet aux parents de davantage s'impliquer dans la gestion de l'école de leurs enfants. À noter que ces deux postes sont, aux États-Unis, majoritairement occupés par des femmes.
Qu'ont remarqué de particulier les deux chercheurs grâce à cette expérience? Des choses fort intéressantes…
> Les préférences des hommes. Quel que soit le poste en question, les hommes ont largement eu tendance à choisir comme leader une femme à la voix grave. Et quand il n'y en avait pas en lice, ils votaient de préférence pour un homme à la voix grave.
> Les préférences des femmes. Quel que soit le poste en question, les femmes ont largement eu tendance à choisir comme leader une femme à la voix grave. Et quand il n'y en avait pas en lice, elles n'avaient aucune préférence particulière entre un homme à la voix grave ou à la voix aigue.
Pourquoi hommes comme femmes ont-il un tel faible pour les leaders à la voix grave? Une précédente étude des deux mêmes chercheurs apporte un élément de réponse, celle intitulée Sounds like a winner: Voice pitch influences perception of leadership capacity in both men and women. Cette dernière montre en effet que nous associons les voix graves à :
> La compétence professionnelle;
> La puissance;
> L'intégrité.
Autrement dit, dès que nous entendons parler quelqu'un à la voix grave, nous lui attribuons les caractéristiques fondamentales du leadership que sont la compétence, la puissance et l'intégrité. C'est plus fort que nous, nous voyons cette personne comme un leader sans même la connaître.
Maintenant, on peut se demander pourquoi les femmes sont subitement indifférentes au ton de la voix d'un homme lorsque celui-ci entend obtenir un poste de direction traditionnellement occupé par des femmes. Mme Anderson et M. Klofstad n'ont pas de réponse tranchée à cela, mais une hypothèse tout de même : elles attendraient des qualités "féminines" de la part du leader qui occuperait un tel poste, si bien qu'exceptionnellement elles verraient d'un bon œil l'élection d'un homme à la voix aigue, tout en gardant un faible, bien sûr, pour un homme à la voix grave; bref, elles seraient tiraillées entre les deux s'il leur fallait vraiment faire un tel choix.
Que retenir de tout cela? Une chose très simple, à mon avis :
> Mesdames et messieurs, prêtez une attention toute particulière à votre voix lorsque vous avez des visées sur un poste de direction. Au besoin, apprenez à forcer un peu votre voix dans les graves lorsque vous vous adressez aux personnes dont dépend la décision finale.
En passant, l'écrivain français André Suarès a dit dans ses Remarques : «La voix ne trompe pas, même si les paroles trompent».
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