Aujourd'hui, on parle de "capital humain" au lieu du vieux "ressources humaines", de "marque employeur" au lieu de "recruteur", ou encore de "gestion de soi-même" au lieu de "carrière". Ça, vous l'avez sûrement déjà noté, comme moi, avec peut-être même un petit sourire sarcastique en coin à force de se demander à quoi cela pouvait bien rimer.
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Effet de mode? Ou au contraire, nuances de taille? Je me suis sérieusement posé la question, et j'en suis arrivé à me dire que tout cela n'était pas innocent. Ces variations linguistiques révèlent, en fait, une évolution de taille, même si elle est encore difficilement perceptible. Laquelle? Eh bien, l'air de rien, nous sommes tous, vous comme moi, en train de devenir… des marques!
J'ai eu la confirmation de cette intuition à la lecture d'une étude intitulée The company they keep: How human brand managers and their social nertworks shape job market outcomes. Une étude qui est le fruit du travail de trois professeurs de marketing : César Zamudio, de l'Université d'État de Kent (États-Unis); Julie Guidry Moulard, de l'Université Louisiana Tech à Ruston (États-Unis); et Angeline Close, de l'Université du Texas à Austin (États-Unis).
Les trois chercheurs– spécialisés en marketing, notez-le bien – se sont demandé ce que l'on verrait au juste si l'on regardait les personnes sur le marché du travail non pas comme des individus quelconques, mais plutôt comme des marques individuelles. Cette idée a priori surprenante leur est venue après avoir remarqué combien les vedettes actuelles (cinéma, sport, etc.) étaient devenues non plus des personnes, mais des marques ambulantes.
Prenons un exemple. Il me suffit de vous dire "Brad" ou "Angelina" pour envoyer une série de codes et de références préétablies à votre cerveau, bien malgré vous. Et ce, tout comme je peux le faire en vous disant "Apple" ou "Nespresso". Pas vrai? Du coup, les trois chercheurs se sont dit que ce qui se produisait pour les vedettes pourrait bien se produire, à plus petite échelle, pour chacun de nous, dès lors que nous nous affichons sur le marché du travail. Et ils ont tenu à le vérifier.
Pour ce faire, M. Zamudio et Mmes Guidry Moulard et Close se sont penché sur plusieurs bases de données concernant l'entrée sur le marché du travail de jeunes diplômés en marketing, du début des années 1970 à la fin des années 2000. Des bases de données richement fournies, permettant d'identifier les différents facteurs ayant permis à chacun de percer, ou pas.
Un point particulier leur a aussitôt sauté aux yeux : les jeunes diplômés ne peuvent être perçus comme une marque attrayante pour un employeur sans une chose, à savoir sans l'appui actif de ce qu'ils ont dénommé un "manager de marque individuelle".
Un manager de marque individuelle? Il s'agit d'une personne qui planifie et coordonne les activités d'autrui dans l'optique de booster sa carrière, d'après eux. Pensons au cinéma, les stars ont toutes un imprésario, qui leur permet de décrocher et de négocier de juteux contrats, tout en donnant une logique à leur carrière. Pensons encore au sport, les champions font tous appel à un agent, histoire de s'ouvrir les portes des grands clubs ou des grandes compétitions. Idem pour les jeunes diplômés, ne percent que ceux qui disposent d'un coach particulier, en l'occurrence un manager de marque individuelle.
Bon. Je vois d'ici vos sourcils se froncer : «Quoi?! Depuis quand de jeunes diplômés disposent-ils des services d'un coach? C'est n'importe quoi, ça». Attendez une minute et regardons tout ça un peu mieux.
En vérité, il y a bel et bien une personne qui a le potentiel d'agir comme un coach auprès de chaque jeune diplômé. C'est le professeur qui a pris chacun d'eux sous son aile, le temps qu'ils décrochent, par exemple, leur doctorat. Car celui-ci est en mesure de leur donner un sacré coup de main en début de carrière, même s'ils ne le réalisent pas toujours.
Comment? Les trois chercheurs ont fait une belle trouvaille à ce sujet. Les professeurs des jeunes diplômés qui ont connu le meilleur départ et la meilleure trajectoire de carrière par la suite avaient tous un point commun : ils avaient un réseau de contacts professionnels riche et varié. Mieux, il y avait un lien direct entre le réseau de contacts du professeur et l'appréciation de la marque individuelle des jeunes diplômés ayant percé avec brio sur le plan professionnel.
Autrement dit, les jeunes diplômés qui ont volé de succès en succès ont été ceux qui avaient pour manager de marque individuelle quelqu'un qui disposait d'un réseau de contacts impressionnant. C'est surtout cela qui a fait la différence avec les autres, et rien d'autre, contrairement à ce que nous croyons tous a priori : qui d'entre nous n'est pas convaincu que ce qui compte avant tout, c'est le talent? Ou encore, que c'est son propre réseau de contacts? Hein?
De tout cela, il convient de retenir deux choses, selon moi :
> D'une part, qui entend booster sa carrière a tout intérêt à prendre conscience qu'il est plus qu'un individu, c'est-à-dire qu'il est une marque individuelle. (Que cela vous plaise, ou non.)
> D'autre part, qui entend booster sa carrière a tout intérêt à faire appel aux services d'un manager de marque individuelle.
Attention : il est ici question de manager de marque individuelle. Et de rien d'autre.
Qu'est-ce à dire? Que je ne parle pas de mentor. Car un mentor est l'image de Mentor, le personnage de la mythologie grecque qui était le percepteur de Télémaque, fils d'Ulysse : celui-ci éduquait le jeune prince et le guidait dans ses choix, en l'absence de son père parti à la guerre de Troie. Car un mentor se contente grosso modo d'éclairer la meilleure voie à emprunter. Sans plus.
Qu'est-ce à dire encore? Que je ne parle pas non plus de coach. Car un coach professionnel vise essentiellement à aider la personne coachée à améliorer sa performance au travail et à s'épanouir dans ses activités quotidiennes. Sans plus.
Je parle, en effet, de manager de marque individuelle, c'est-à-dire de quelqu'un qui combine à la fois le mentorat et le coaching. De quelqu'un qui se dévoue à l'autre pour l'aiguiller vers la bonne voie ainsi que pour l'aider à s'y propulser d'elle-même. De quelqu'un qui veille à ce que tout au long du parcours il y ait des petits anges, ici et là, qui lui donnent des coups de pouce, en toute gentillesse. Bref, de quelqu'un qui aime l'autre au point de lui donner le meilleur de lui-même. Et ce, sans aucune attente en retour.
D'après les trois chercheurs, les managers de marque individuelle présentent trois caractéristiques :
> Leur propre choix. Ils choisissent eux-mêmes la personne qu'ils vont aider. Ce qui signifie qu'on ne peut pas recruter des tels managers : c'est eux qui font ce choix, pas l'inverse.
> Un dévouement extraordinaire. Ils s'attachent à ce que le talent de la personne qu'ils prennent sous leur aile se déploie au maximum. Et ce, en mettant tout – absolument tout – en œuvre pour cela.
> Des créateurs de connexions. Ils favorisent le développement de leur protégé en créant des connexions dans la tête de celui-ci (apprentissage) ainsi qu'en créant des connexions tout autour de lui (réseautage).
Ce genre de manager existe-t-il vraiment, me direz-vous? La réponse est sans ambiguïté : «oui». Je peux me montrer aussi catégorique parce que j'ai un bon truc pour vous permettre d'identifier celui ou celle qui est appelé(e) à devenir votre propre manager de marque individuelle. Un truc ultrasimple :
> Devenez vous-mêmes un manager de marque individuelle! Oui, regardez autour de vous s'il n'y a pas une personne qui pourrait vraiment briller grâce à vous. Grâce à votre dévouement total et grâce à votre faculté à créer des connexions. Et une fois cette personne identifiée, lancez-vous! Je le répète : prenez votre courage à deux mains et osez lui proposer vos services. Car peu importe qu'elle accepte votre offre, ou pas. L'important, c'est que vous serez désormais en mesure de sentir si les personnes que vous côtoyez – même à un simple cocktail – pourraient être un bon manager de marque individuelle pour vous, ou pas. Et la chimie passera aussitôt, sans même que cela passe par des mots. Comme disait Montaigne : «Parce que c'était lui, parce que c'était moi».
Voilà, À vous donc de jouer!
En passant, l'écrivaine française Sylvie Germain a dit dans Éclats de sel : «On ne devrait jamais sortir indemne d'une rencontre, quelle qu'elle soit, ou du moins en sortir inchangé».
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