La question qui tue. Qui tue vraiment. La voilà donc posée. Vous voici maintenant au pied du mur.
Alors? Travaillez-vous vraiment juste pour votre chèque de paie? C'est-à-dire pour payer vos dettes, vous distraire de temps à autres et assurer l'avenir de vos bambins? Ou bien, travaillez-vous avant tout parce que cela vous donne du fun? Oui, parce que vous avez besoin de votre dose quotidien de rigolade avec vos collègues, parce que vous sentez que vous contribuez à une œuvre grandiose, ou je ne sais quoi d'autre? Ou encore, occupez-vous le poste que vous occupez aujourd'hui parce que c'était le vœu le plus profond de vos parents, bref travaillez-vous pour répondre aux attentes d'autrui, quitte à mourir d'ennui jour après jour?
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Pas facile à dire, tout ça, n'est-ce pas? Surtout que ce genre de réflexion, si elle est menée sérieusement, fait froid dans le dos a priori? Car, qui sait la conclusion à laquelle cela vous amènera? Hein?
Bon. Vous êtes maintenant sûrement d'accord avec moi : il est grand temps d'affronter la réalité en face! Là, tout de suite, sans plus attendre! Chiche!
Comment? Grâce à une étude fabuleuse, intitulée Why do we work? Empirical evidence on work motivation and the effects of management control system design on work motivation. Une étude signée par deux professeurs de comptabilité de l'Université d'Illinois à Urbana-Champaign (États-Unis) : Clara Xiaoling Chen et Thomas Vance, assistés de leur étudiant Jeremy Lill. Une étude qui montre que les moteurs de la motivation au travail sont plus subtils qu'on ne l'imagine…
Les trois chercheurs ont procédé le plus simplement du monde, en demandant à 592 salariés de bien vouloir répondre à un questionnaire détaillé portant sur leur motivation au travail. Leur objectif était de mettre au jour ce qui les poussait vraiment à travailler : le chèque de paye? le sentiment d'accomplissement? la reconnaissance du boss? quelque chose d'autre encore?
Pour s'en faire une idée, ils se sont appuyé sur quatre types de motivation jouant potentiellement un rôle dans ce qui nous pousse à donner la meilleure de nous-mêmes dans notre travail :
> Motivation intrinsèque. Elle résulte du fait que le travail lui-même procure de la satisfaction. Par exemple, quelqu'un qui est passionné de sport et qui aime interagir avec les enfants sera naturellement heureux au travail s'il est, disons, professeur de sport à l'école.
> Motivation par identification. Elle résulte du fait qu'on accomplit des tâches correspondant à nos valeurs ou à nos objectifs dans la vie. Par exemple, on peut penser à quelqu'un qui se soucie de la pauvreté et qui œuvrerait au sein d'un organisme de bienfaisance venant en aide aux personnes défavorisées.
> Motivation par introjection. Elle résulte du fait qu'on accomplit des tâches permettant d'obtenir une reconnaissance sociale. On peut penser, dans ce cas-ci, à quelqu'un qui occuperait un poste pour le prestige que cela lui procure.
> Motivation externe. Elle résulte du fait qu'on accomplit des tâches pour décrocher des récompenses. Exemple : une personne qui redouble d'ardeur au travail dans l'optique de décrocher une prime.
Je vais m'attarder un peu sur ces quatre types de motivation, car ça en vaut la peine. Cela vous aidera, je pense, à y voir plus clair en vous-mêmes sur ce qui vous incite à travailler fort (ou au contraire, sur ce qui vous freine dans votre élan…). Je vous invite donc à cocher les phrases pour lesquelles vous êtes d'accord à 100% :
Motivation intrinsèque
> Je travaille pour le plaisir que me procurent mes tâches quotidiennes.
> Je travaille parce que j'apprends chaque jour de nouvelles choses.
> Je travaille parce que j'ai le contrôle sur ce que je fais, ce que j'apprécie grandement.
> Je travaille parce que j'ai du plaisir à relever les défis qui me sont proposés.
Motivation par identification
> Je travaille parce que je pense qu'il est important que le travail à faire soit bien fait.
> Je travaille parce que je sens que mon travail est important.
> Je travaille parce que je suis convaincu que mon travail fait œuvre utile.
> Je travaille parce que les tâches que je dois accomplir sont en droite ligne avec mes valeurs.
Motivation par introjection
> Je travaille pour ne pas décevoir mon boss.
> Je travaille pour me sentir bien avec moi-même.
> Je travaille parce que je sens qu'ainsi je suis quelqu'un qui compte.
> Je travaille parce que je me sentirais coupable de ne pas travailler là où je suis.
Motivation externe
> Je travaille parce que je me dois de gagner de plus en plus d'argent.
> Je travaille parce que j'ai du plaisir à décrocher des primes/promotions.
> Je travaille pour avoir une carrière admirable.
> Je travaille pour que les autres voient à quel point j'excelle dans mon travail.
C'est fait? Parfait. Vous avez à présent une petite idée de ce qui vous motive dans votre quotidien au travail. Je précise : il ne s'agit que d'une "petite idée", car ce ne sont pas quatre affirmations par type de motivation qui peuvent vous assurer de l'importance de l'une par rapport aux autres pour vous-même. Néanmoins, cette petite idée est, j'en suis sûr, révélatrice.
Poursuivons… Les trois chercheurs ont analysé les réponses fournies par les participants à leur étude, et ont fait de splendides trouvailles :
> La motivation, ça s'additionne. Les personnes les plus motivées au travail sont celles qui appuient leur motivation sur non pas un, deux ou trois types de motivation, mais sur les quatre. Autrement dit, ce sont celles qui ont approuvé presque toutes les affirmations du mini-test que je viens de vous présenter.
> Les motivations intrinsèques et par identification sont les plus importantes. Et la moins importante, c'est la motivation par introjection. Pourquoi? Parce que les deux premières sont les plus efficaces, en ce sens qu'elles sont les plus faciles à faire jouer au travail; contrairement à la dernière.
– Faire jouer la motivation intrinsèque.
Quelqu'un qui est sensible aux motivations intrinsèques est surtout sensible : aux évaluations de performance effectuées par leur supérieur immédiat; aux rémunérations liées à la performance; aux valeurs véhiculées par l'entreprise. Par conséquent, tout manager digne de ce nom peut jouer ces trois atouts pour gonfler à bloc le moral d'un employé particulièrement sensible à la satisfaction que peut lui procurer son travail.
– Faire jouer la motivation par identification.
Ceux qui sont sensibles aux motivations par identification sont, eux, surtout attentifs : aux procédures en vigueur au sein de l'entreprise; aux évaluations de performance effectuées par leur supérieur immédiat; aux récompenses non-monétaires; aux contrats basés sur des pénalités en cas de contre-performance; aux valeurs véhiculées par l'entreprise. Idem, tout manager digne de ce nom peut donc jouer ces cinq atouts-là pour gonfler à bloc le moral d'un employé soucieux avant tout de vivre, tant au travail que dans la vie, selon ses croyances et ses valeurs profondes.
> À chaque type de motivation correspond certaines attitudes. Lorsqu'une personne est surtout motivée par un type de motivation, il s'ensuit qu'elle a tendance à adopter certains comportements au travail, et pas d'autres. Voici de quoi il s'agit pour les deux types de motivation les plus importants :
– Motivation intrinsèque. Quelqu'un qui travaille surtout pour des raisons intrinsèques a tendance à : se montrer créatif; avoir l'esprit d'équipe; se comporter en collègue modèle; et bien s'auto-évaluer.
– Motivation par identification. Quelqu'un qui travaille poussé par ses valeurs profondes a tendance à : avoir l'esprit d'équipe; se comporter en collègue modèle; aimer travailler de son propre chef; rester fidèle à son employeur.
Voilà. Que retenir alors de tout cela? Ceci, d'après moi :
> Qui entend être plus motivé que jamais dans son travail se doit d'agir en trois temps. Tout d'abord, il lui faut déterminer ce qui le motive le plus dans son quotidien au travail. Ensuite, il lui faut davantage accomplir des tâches en lien avec ce qui le motive le plus. Enfin, il lui faut mettre en marche des moteurs de la motivation qui lui sont inhabituels, puisque «la motivation, ça s'additionne». Et le tour est joué!
En passant, Adam Mickiewicz a dit dans son Chant des Philarètes : «Mesure tes forces d'après tes aspirations, et non tes aspirations d'après tes forces».
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