BLOGUE. À votre avis, un boss a-t-il toujours un impact positif sur les membres de son équipe? Certains penseront deux secondes à leur enfer quotidien au travail, et diront qu'il en est le principal responsable, puis concluront que tout irait mieux s'il n'était plus là. D'autres penseront qu'il passe ses journées à buller dans son bureau fermé – dont «la porte est toujours ouverte, les gars!» –, et décréteront que l'entreprise pourrait faire de sacrées économies en lui montrant... la porte.
D'autres encore estimeront que leur boss n'est certes pas parfait – qui l'est, d'ailleurs? –, mais que ce qu'il fait, il le fait bien et même mieux que d'autres, et donc que sans lui, les choses tourneraient mal.
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Qui a raison? Qui a tort? Difficile à dire, croyez-vous peut-être. Eh bien non, c'est beaucoup plus facile à dire que vous ne le croyez. Votre boss, en dépit de ses défauts irritants, vous est très très utile! Oui, beaucoup plus que vous ne l'imaginez. C'est du moins ce que montre une étude sobrement intitulée The value of bosses, signée par Edward Lazear, un professeur d'économie de Stanford qui a été conseiller économique du président George W. Bush, Kathryn Shaw, une autre professeure d'économie de Stanford, et Christopher Stanton, un professeur de finance de l'École de commerce David-Eccles (États-Unis).
Ainsi, les trois chercheurs américains se sont étonnés du fait que les études sur le management et le leadership pullulent de nos jours, et tendent quasiment toutes à apporter la preuve de l'utilité des managers et autres leaders, mais sans en apporter vraiment la preuve. La preuve? Ils entendent par là des chiffres incontestables démontrant l'impact réel des managers sur la performance d'une équipe, ou si vous préférez, de la productivité de celle-ci. À leur connaissance, aucune étude sérieuse n'avait fourni cette fameuse preuve à ce jour. Ils se sont donc retroussés les manches, et attelés à la tâche…
Comment ont-ils procédé? Ils ont eu l'idée de regarder du côté des entreprises qui sont en mesure de savoir exactement ce que font chacun de leurs employés et de leurs bosses, à chaque minute, pour ne pas dire à chaque seconde, de leur journée de travail. Ces entreprises sont celles qui s'appuient sur la technologie, plus précisément dont les salariés sont rivés à un ordinateur. On peut penser aux personnes qui œuvrent dans une équipe de TI, dans un centre d'appels téléphoniques, à l'enregistrement des bagages à l'aéroport, etc.
Une idée judicieuse, puisqu'ils ont réussi à mettre la main sur la base de données d'une grande entreprise de service, dont l'identité n'a pas été dévoilée dans l'étude. Cette base comportait chacun des faits et gestes de 23 878 employés et de 1 940 managers, et ce, sur une durée de quatre années, de juin 2006 à mai 2010. Elle leur a permis d'évaluer la productivité de chacun au fil du temps, et de voir si les agissements du manager de chacun d'eux avait la moindre incidence sur celle-ci.
Résultats? Les voici :
1. L'impact des managers est très variable. Il y en a qui boostent littéralement leur équipe, et d'autres qui la freinent. Les meilleurs (ceux qui font partie du Top 10 si l'on considère l'ensemble des managers comme faisant partie d'un groupe de 100 personnes) permettent à chacun des membres de leur équipe d'être 1,3 fois plus productif que ceux qui ont pour boss un manager qui occupe la cave. Un écart considérable : un excellent boss dirigeant 9 personnes permet à son équipe d'être 10 fois plus productive qu'un piètre manager pilotant le même nombre de personnes.
2. Les managers sont en général plus productifs que les employés. Les trois chercheurs ont effectué «une opération de normalisation conservatrice», visant à permettre la comparaison entre les deux. Et ils ont trouvé de la sorte qu'en moyenne un manager est 1,75 fois plus productif qu'un employé "standard". «Cet écart correspond d'ailleurs grosso modo à l'écart salarial entre les deux», soulignent-ils dans leur étude.
3. Qu'elle est la principale utilité du manager pour les membres de son équipe? MM. Lazear et Stanton et Mme Shaw ont découvert que les meilleurs bosses étaient ceux qui permettaient aux autres d'acquérir des «compétences durables». Et que – contrairement à ce que l'on croit souvent a priori – leur rôle de motivateur est «secondaire».
4. Les mauvais bosses ont une faible durée de vie. En moyenne, elle est d'une année, guère plus. C'est bien simple, ceux qui occupent la cave courent 67% plus de risques d'être virés au bout d'un an que ceux qui figurent dans le Top 10.
5. Les meilleurs managers devraient toujours être mis à la tête des meilleures équipes. En effet, c'est là qu'ils se montrent les plus performants et que leur apport est le plus fructueux. Et leur confier la direction d'une "mauvaise équipe" ne sert pas à grand-chose, car ils auront beau se démener, ils ne réussiront pas franchement à améliorer la performance globale de celle-ci.
Instructif, n'est-ce pas? L'image que vous aviez de votre boss vient peut-être de changer, maintenant. Du moins, je l'espère…
En passant, Paul Masson a dit dans ses Notes parues en 1896 dans La Plume : «Les médiocres sont très utiles, pourvu qu'ils sachent se tenir dans l'ombre, tels les zéros placés derrière les vrais chiffres».
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