C'est plus fort que nous, nous voulons toujours ce qu'il y a de mieux. Si par exemple nous avons le choix entre deux produits vendus à peu près le même prix, nous allons inévitablement les comparer dans l'espoir d'identifier le meilleur des débuts. Même si l'on sait que la différence est minime. Et cela se vérifie tout le temps : quand nous hésitons entre deux offres d'emploi, quand deux partenaires d'affaires se présentent à nous, etc.
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Mais voilà, on peut raisonnablement se demander s'il ne s'agit pas là d'un gaspillage de temps et d'énergie. En effet, sommes-nous si gagnants que ça à comparer deux boîtes de céréales ou deux tubes de dentifrice? Ou encore à comparer la pertinence de telle ou telle formule de politesse qui accompagne chacun de nos courriels? Notre vie ne serait-elle pas plus simple et légère – et donc plus belle – si nous ne nous attardions pas à de telles futilités?
Neal Roese, professeur de marketing à l'École de management Kellogg à Evanston (États-Unis), et l'une de ses étudiantes, Jingjing Ma, se le sont justement demandé. Et ils ont apporté à cette interrogation existentielle une réponse passionnante, dans le cadre de leur étude intitulée The maximizing mind-set.
Les deux chercheurs ont procédé à sept expériences visant à évaluer l'impact psychologique qu'avait sur nous cette volonté tenace de toujours vouloir ce qu'il y a de mieux. Décrire la première d'entre elles me suffira pour vous montrer comment ils s'y sont pris.
Il a été ainsi demandé à 76 volontaires de se prêter à un petit jeu dénommé Best Deal (Le Meilleur choix, en anglais). Celui-ci consistait à identifier la meilleure offre d'achat parmi les trois présentées. Un exemple : «Vous devez acheter trois briques de lait. Quelle est la meilleure offre? A. 3$ l'unité, achetez-en deux et obtenez-en une gratuite; B. 3$ l'unité, achetez-en trois et obtenez un rabais de 30%; C. 6,20$ le lot de trois». Pas évident, n'est-ce pas? Et il leur fallait répondre à cinq reprises, pour des choix distincts.
À leur insu, les participants avaient été placés au préalable dans des conditions différentes. Certains avaient été conditionnés pour avoir en tête la farouche volonté d'obtenir le meilleur de ce qu'on leur proposerait, après avoir dû indiquer par écrit les meilleurs choix qu'ils avaient fait dans leur vie dans plusieurs domaines (le meilleur poste occupé, la meilleure émission de télévision regardée, etc.). Et les autres n'avaient pas été ainsi conditionnés, histoire de pouvoir faire des comparaisons entre les deux groupes de personnes.
Une fois le jeu terminé, les bonnes réponses ont été indiquées aux participants. Puis, chacun a dû répondre à un questionnaire visant à dévoiler l'humeur dans laquelle ils se trouvaient au moment-même.
Résultat? Fort simple :
> Les plus sensibles aux déceptions. Ceux qui avaient en tête l'idée d'absolument trouver la meilleure offre ont été ceux qui ont eu le plus de regrets à l'issue du test. C'est-à-dire que cet état d'esprit particulier nous amène à ressentir plus fortement les déceptions.
Maintenant, sautons directement aux principaux résultats des autres expériences, lesquelles visaient à affiner la conclusion de la toute première expérience :
> Les plus comparateurs. Ceux qui avaient en tête l'idée d'absolument trouver la meilleure offre ont été ceux qui ont eu le plus tendance à comparer ce qui, pourtant, ne mériterait pas d'effort intellectuel tant le choix était simple à faire. C'est-à-dire qu'ils comparaissaient, comparaissaient et comparaissaient tant et tant qu'ils en venaient à gaspiller temps et énergie.
> Les plus touchés. Ceux qui avaient en tête l'idée d'absolument trouver la meilleure offre ont été ceux pour qui la déception a été la plus persistante. C'est-à-dire que leurs regrets ont perduré plus longtemps que les autres, et se sont même répercuté sur les autres choix faits par la suite.
> Les plus insatisfaits. Ceux qui avaient en tête l'idée d'absolument trouver la meilleure offre ont été ceux qui ont été les plus tristes d'avoir opté pour un produit défectueux, et les plus prompts à le retourner au vendeur.
À noter que les deux chercheurs ont fait une découverte intéressante, au détour d'une des expériences :
> Une nuance de taille. Il y a un moyen d'annuler toute forme de déception chez ceux qui ont en tête l'idée d'absolument trouver la meilleure offre, et donc tout impact négatif. Lequel? Il suffit pour cela que ces personnes-là soient convaincues d'avoir fait le meilleur choix (même si ce n'est pas le cas!). L'important, c'est qu'elles le croient.
Que retenir de tout ça? Ça me semble évident :
> La vie gâchée. À force de vouloir sans cesse ce qu'il y a de mieux, nous allons de déception en déception. Même lorsque nous obtenons quelque chose d'excellent, nous en sommes vite insatisfaits, si jamais nous découvrons qu'il y a encore mieux. Du coup, nous ne cessons de comparer tout et rien, en pure perte de temps et d'énergie. Bref, nous gâchons notre vie à réfléchir de la sorte.
Le remède? C'est simple :
> Changez de mentalité en toute simplicité. La solution, c'est de sortir le plus souvent possible du mode mental de la comparaison. Lorsque du premier coup d'œil nous notons que les deux choix possibles sont grosso modo similaires, empêchez-vous aussitôt de chercher plus de détails au sujet de l'un et de l'autre et faites votre choix "à l'aveugle". Ou plutôt, le cœur léger. Car vous en sortirez forcément gagnant : votre moral ne sera plus miné par la déception et vous ne vous en porterez que mieux.
Voilà. C'est aussi simple que ça.
En passant, le tragédien grec Euripide a dit dans Hippolyte : «Dans la vie, des principes rigoureux donnent, dit-on, plus de déceptions que de joies».
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