BLOGUE. Soyons honnêtes, les tentations sont innombrables au bureau. La tentation de naviguer sur eBay ou sur Amazon, à ses "moments perdus". La tentation de passer "quelques minutes" sur sa page Facebook, histoire de partager un vidéo rigolo avec ses amis. La tentation même de faire discrètement la sieste dans un coin reculé, après la pause de midi. Bref, la tentation de prendre de petits breaks, par-ci par-là, au lieu de travailler. Pas vrai?
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Certains managers laissent faire, tant que cela ne devient pas une mauvaise habitude. D'autres partent systématiquement à la chasse aux tire-au-flanc, dans le secret espoir de trouver le motif qui leur permettra de les radier de leur équipe. La question saute aux yeux : quelle est la meilleure attitude à adopter face aux tentations et à ceux qui leur cèdent? Vaut-il mieux les combattre, ou en faire des alliés?
La réponse se trouve dans une étude intitulée Temptation at work. Cette dernière est signée par trois professeurs d'économie : Alessandro Bucciol, de l'Université de Vérone (Italie); Daniel Houser, de l'Université George-Mason de Fairfax (États-Unis); et Marco Piovesan, de l'Université de Copenhague (Danemark). Elle montre combien résister à une tentation peut avoir de graves conséquences…
Les trois chercheurs ont procédé à une expérience très simple. Ils ont demandé à 60 étudiants, dans un premier temps, de regarder trois vidéos dans lesquels huit personnes s'échangeaient des balles de différentes couleurs, en ayant à chaque fois pour mission de compter le nombre de fois où une balle d'une certaine couleur (la verte, par exemple) changeait de mains. La tâche était complexe, car un grand nombre de balles circulaient à l'écran.
Dans un deuxième temps, une partie des participants devait regarder un vidéo rigolo sur le même écran, tandis que l'autre partie, elle, voyait apparaître un fond noir sur lequel figurait un bouton rouge sur lequel il était écrit «vidéo». Ainsi, les premiers étaient appelés à se distraire un peu, tandis que les autres étaient soumis à la tentation : ils ne voyaient pas l'image, mais entendaient le son du vidéo.
Si jamais l'un de ceux qui étaient soumis à la tentation y cédait, un message apparaissait à l'écran : «Il vous est interdit d'appuyer sur ce bouton». Et si la même personne appuyait encore une fois sur le bouton rouge, alors le vidéo lui devenait visible, mais elle était alors écartée de l'expérience. De fait, le but de l'opération était de voir ce qu'il advenait de ceux qui résistent à une tentation, pas de ceux qui y cèdent.
Enfin, dans un dernier temps, tous les participants devaient accomplir 10 autres décomptes d'échanges de balles de couleurs. Une tâche, je le répète, assez ardue.
Résultat? Fascinant…
> Ceux qui ont résisté à la tentation se sont mis à faire nettement plus d'erreurs que les autres.
Pourquoi cela, au juste? D'après MM. Bucciol, Houser et Piovesan, deux phénomènes ont pu jouer :
1. Ceux qui ont résisté à la tentation ont ressenti une frustration et ont dû dépenser une certaine énergie à combattre leur envie d'appuyer sur le bouton rouge. Du coup, quand il leur a fallu se remettre au travail et suivre les balles passer de mains en mains, ils avaient moins la tête à ça, et ont donc commis plus d'erreurs que les autres.
2. Ceux qui ont pris un break en rigolant un bon coup se sont libérés de la tension due au travail, et avaient donc une bonne disposition d'esprit quand il leur a fallu s'y remettre. En conséquence, ils ont commis moins d'erreurs que les autres.
D'où le conseil suivant prodigué par les trois chercheurs à l'attention des managers :
> Supprimez les tentations. Pour ce faire, il suffit d'autoriser ce qui semble a priori interdit. Par exemple, vous pouvez convenir avec les membres de votre équipe que chacun a droit à 5 ou 10 minutes de Web perso par heure de travail, tout au long de la journée. Autre exemple : si un employé exprime le besoin de faire une petite sieste après avoir mangé, accordez-lui une pause d'un quart d'heure. Pourquoi? Parce que la productivité de chacun en bénéficiera grandement.
En passant, l'écrivain français Julien Gracq aimait à dire : «Le monde fleurit par ceux qui cèdent à la tentation».
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