Avez-vous remarqué, comme moi, que lorsque quelque chose ne tourne pas rond, c'est toujours la faute des autres? Ou de la malchance? Ou de la météo?
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Un exemple frappant… Chaque fois que Walmart et autres Target n'atteignent pas les objectifs financiers trimestriels attendus par les investisseurs boursiers, leur PDG glisse au passage que la météo n'était pas elle-même au rendez-vous, ce qui, d'après lui, explique en grande partie la déconvenue de leur entreprise. Prêtez-y attention la prochaine, vous verrez; cela vous fera sourire, j'en suis sûr.
Bon. Ce réflexe est humain. Nous avons tous du mal à assumer la pleine responsabilité de nos échecs collectifs, et nous avons tous la fâcheuse tendance à blâmer des forces contraires, sur lesquelles nous n'avons aucune prise. Comme la crise économique. La météo. Ou encore l'infortune (quand on n'a vraiment rien trouvé d'autre!).
Mais voilà, est-ce là la bonne attitude à avoir? Est-il bon de blâmer, disons, les dieux? Ou vaudrait-il mieux s'en abstenir, et en rester aux faits indéniables, sans chercher à blâmer qui ou quoi que ce soit?
Dexin Zhou, doctorant en finance à l'École de commerce Goizueta à Atlanta (États-Unis), a voulu en avoir le cœur net. Et ce qu'il a trouvé dans le cadre de son étude intitulée The blame game est on ne peut plus riche en enseignements…
Le chercheur s'est plongé dans quelque 70 000 transcriptions de conférences téléphoniques données durant la dernière décennie. Des conférences données par des PDG de grandes entreprises américaines à l'attention des investisseurs, à l'occasion de la divulgation des résultats financiers trimestriels. M. Zhou y a traqué une seule chose : les blâmes. Oui, toutes les fois où le PDG mettait la contre-performance de son entreprise sur le dos de quelque chose hors de son contrôle. Et il a regardé si cela portait à conséquence, ou pas…
Résultats? Tenez-vous bien, ils sont sidérants :
> Un véritable réflexe. Plus la contre-performance de l'entreprise est importante, plus le PDG a tendance à porter le blâme sur des événements hors de son contrôle. Et inversement.
> Un impact négatif pour l'entreprise. Quand le PDG blâme fortement, comme j'aime à le dire, les dieux, cela a pour effet de freiner la progression du cours du titre boursier de son entreprise. Sur une année, ce coup de frein est évalué à une performance en Bourse inférieure de 7% par rapport à une entreprise en tout point similaire dont le PDG, lui, s'est abstenu de blâmer tout et n'importe quoi au moment de présenter ses mauvais résultats aux investisseurs.
> Un curieux anesthésiant. Plus un PDG blâme les dieux, moins les investisseurs vont avoir à tendance à inverser leur recommandation concernant l'entreprise qu'il dirige. Et inversement.
> Un impact positif pour le PDG. Quand le PDG blâme fortement les dieux, il risque moins de se faire remercier par le conseil d'administration dans l'année qui suit que celui qui, lui, s'en est abstenu. Idem, quand il agit de la sorte, il risque moins d'être pénalisé sur le plan financier (ex.: prime de fin d'année,…) que celui qui s'est abstenu de blâmer à tort et à travers.
«Autrement dit, plus un PDG se met à blâmer, moins les investisseurs et les membres du conseil d'administration se montrent sensibles à la contre-performance de l'entreprise. C'est un peu comme si cela les anesthésiait, sur le coup, aux nouvelles douloureuses», souligne M. Zhou dans son étude. Et d'ajouter : «Toutefois, cette attitude du PDG a des conséquences pour l'entreprise, puisque ça pénalise directement sa performance en Bourse dans l'année qui suit».
Voilà pourquoi blâmer est un jeu dangereux. Car ce petit parapluie permet certes au PDG d'éviter de prendre une douche froide, mais pas de se retrouver trempé, de toute façon.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Rien ne sert de blâmer. Surtout si l'on s'en prend aux dieux. Pourquoi? Parce que les dieux finissent toujours par nous en faire payer le prix, tôt ou tard. Mieux vaut avoir le cran de regarder la vérité en face, et s'y tenir. Même si, sur l'instant, c'est une expérience douloureuse.
En passant, le poète français Jean Cocteau a dit dans La Démarche du poète : «Ce qui caractérise notre époque, c'est la crainte d'avoir l'air bête en décernant une louange, et la certitude d'avoir l'air intelligent en décernant un blâme».
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