BLOGUE. Rien qu'à l'idée de parler en public, vous sentez vos jambes trembler, des sueurs froides couler dans votre dos et votre respiration se mettre à haleter. Vous imaginez tous ces regards braqués sur vous, impitoyables, pour ne pas dire féroces. Et tous ces êtres, tapis dans l'obscurité, prêts à vous lapider à coups de de questions sournoises et de remarques acerbes. Pas vrai?
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Eh bien rassurez-vous, c'est normal! Tout le monde est comme ça. Y compris ceux qui semblent parfaitement à l'aise de prendre la parole devant tout le monde, à moins qu'ils ne fassent partie du groupuscule des "beaux parleurs", vous savez, ceux qui aiment tant monopoliser l'attention, mais dont le discours sonne – sans qu'ils s'en rendent compte, les pauvres – si creux.
Voilà pourquoi j'ai été si touché, hier, par la confession de mon ami Facebook Peter Sims, auteur de l'excellent Little Bets – How breakthrough ideas emerge from small discoveries (Free Press, 2011) et conférencier on ne peut plus prisé des grands événements hypes. Il a avoué que ses débuts d'orateur avaient été pitoyables, et en a même fourni la preuve, à savoir le feedback qu'il avait reçu de l'organisatrice du premier événement où il avait pris la parole en public (celle-ci avait adressé ses commentaires à l'agente de Peter Sims pour ses conférences, et la lettre lui a été transmise).
En voici quelques extraits :
> «Peter s'en est bien sorti globalement, mais on aurait apprécié avoir été prévenu qu'il ne s'était jamais adressé à des étudiants auparavant et n'avait jamais participé à d'autres conférences de ce type. Je pense qu'il s'intéressait plus à assurer la promotion de son nouveau livre qu'à répondre aux questions des étudiants.»
> «Je pense que le tarif demandé pour sa conférence était exagéré. J'estime que ça valait au maximum 1 500 $ [Peter Sims précise qu'il avait été payé, en fait, 7 500 $]. Nous disposons d'un budget limité, et je suis convaincue que nous aurions pu mieux le dépenser.»
> «Il semblait manquer d'énergie. Il paraît que c'était dû au fait qu'il venait de prendre une semaine de congés.»
> «Il n'a pas réussi à créer une véritable connexion avec l'audience. À chaque fois qu'il lui était demandé un exemple de ce qu'il avançait, il se contentait de citer un passage de son livre, alors qu'il aurait été plus vivant de nous raconter quelque chose tiré de son expérience de vie ou de ses recherches.»
> «Il n'était visiblement pas préparé aux interrogations des étudiants. Chaque fois qu'il semblait incapable de répondre, il se retournait vers l'audience pour demander si quelqu'un était capable de répondre à sa place.»
> «Quand une question l'embarrassait, il la reformulait à sa guise, afin de pouvoir donner une réponse visiblement préparée d'avance.»
> «Il a eu le culot de terminer par : "Bon, je crois qu'on a dépassé le temps qui m'était accordé. Salut, merci!". Et ce, alors que les étudiants avaient encore des tonnes de questions à lui poser.»
> «Nombre d'étudiants m'ont communiqué leur déception, ayant eu l'impression qu'il était juste venu pour plugger son livre, non pour s'intéresser à eux.»
Ouch! Ça fait mal…
Comment Peter Sims s'est-il remis d'un tel coup dans les gencives? Il s'est souvenu d'une anecdote quand lui-même avait été étudiant, au College Bowdoin, à Brunswick (Maine). L'ex-gouverneur de New York Mario Cuomo avait été invité à faire une conférence devant les étudiants, et lui avait été désigné comme son accompagnateur. Dans le taxi entre l'aéroport et l'université, il lui a posé une question qui le taraudait depuis longtemps : «M. Cuomo, comment êtes-vous devenu un si bon orateur?». Celui-ci a souri, puis lui a dit : «Peter, c'est une question stupide. Tu veux vraiment que j'y réponde?».
Le rouge aux joues, il a confirmé. Alors l'ex-gouverneur lui a confié qu'à ses débuts, quand il s'adressait en amphithéâtre à ses étudiants en droit, il était complètement nul. Et cela a perduré jusqu'à ce qu'il ait compris qu'il y avait deux trucs ultrasimples pour devenir un excellent orateur…
1. Ne parler que de choses qui nous passionnent.
2. Ne parler que de choses que nous maîtrisons à la perfection.
Bref, les deux mots clés sont : passion & perfection.
Maintenant, cela suffit-il? Non, bien entendu. Il convient également d'être efficace dans ses communications, et donc de maîtriser des compétences verbales et non verbales. C'est justement ce qu'explique un livre intitulé Comment tenir des réunions productives (Éditions Transcontinental, 2011) signé par Lynn Sparapany Lewis, la présidente du cabinet-conseil Learning Solutions...
«Il existe certaines règles à suivre :
1. Pour bien montrer son enthousiasme, on établira un contact visuel avec les gens et on amplifiera un peu les expressions de son visage. En règle générale, si le groupe n'est pas trop nombreux, on devrait regarder chacun des participants pendant au moins cinq ou six secondes. En plus de créer des liens, ces contacts permettent à l'orateur de sentir la réaction du groupe.
2. On utilisera des silences pour mettre l'accent sur certains éléments de la présentation. Ainsi, les points importants feront leur effet. Par ailleurs, le silence est souvent efficace pour susciter les réactions des participants : il leur donne le temps d'exprimer leurs points de vue.
3. L'inflexion de la voix est une technique très efficace pour capter et conserver l'attention d'un groupe. La façon dont on dit quelque chose est aussi importante que ce qui est dit. En variant le ton, le débit et le volume de la voix, on évite d'être monotone et d'endormir l'auditoire. Selon l'acoustique de la salle, il sera peut-être nécessaire de répéter les questions et les commentaires des participants pour s'assurer que tous les entendent et suivent les échanges.
4. On racontera des anecdotes et on donnera des exemples inspirés d'expériences vécues. C'est un élément important de la présentation, qu'il faut aussi savoir utiliser au moment propice.
5. On évitera autant que possible les tics de langage («euh», «donc», «en fait», etc.), qui servent souvent à combler le silence pendant qu'on réfléchit. Ils lassent l'auditoire, peuvent le distraire du message et attirer la moquerie.
6. On évitera aussi les tics relatifs aux gestes et à la façon de regarder l'assistance. Le langage corporel peut être un allié ou, au contraire, un ennemi. Selon certaines études, 7 à 10% de l'efficacité d'une présentation dépend des mots qui sont prononcés, et le reste, de la communication non verbale. Les gestes, les contacts visuels et les expressions du visage sont des moyens efficaces pour améliorer la communication et échanger des idées.
7. Le plus important, c'est de montrer de l'enthousiasme, voire de la passion, pour le sujet traité. C'est la meilleure façon de rendre les autres dynamiques.»
Bon, admettons que vous ayez compris, retenu et décidé d'appliquer tous ces trucs la prochaine fois que vous devrez prendre la parole devant les collègues, voire devant une large audience composée d'inconnus, pensez-vous que ça ira bien? Que tout le monde dira de vous que vous vous en êtes bien sorti? Pas sûr…
Pourquoi? Tout simplement parce que savoir ce qu'il faut faire pour réussir n'est pas suffisant pour réussir. Encore faut-il faire disparaître le sac de nœuds qui fait toujours vriller votre ventre au moment de faire quelque chose de difficile pour vous. Oui, encore faut-il savoir faire diminuer votre stress.
C'est là qu'intervient un autre ouvrage intéressant, Mieux vivre avec le stress (Éditions Transcontinental, 2011) de Dominique Chalvin, un psychologue qui a l'habitude d'accompagner, en tant que coach, des dirigeants d'entreprise et des managers. Il y est explique, entre autres, comment maîtriser son stress en… respirant mieux!
«Il est possible d'évacuer votre stress simplement en prêtant attention à votre respiration. En oxygénant mieux votre corps, vous l'aidez à récupérer de l'énergie et à se détendre, explique-t-il.
«Une respiration profonde et régulière tend à faire reculer la fébrilité et l'émotivité. Vous vous sentirez revigoré et plus serein pour affronter une éventuelle tension. Une bonne respiration permet de mieux oxygéner votre cerveau, et donc de mieux penser. Utilisez cette recette à tout moment pour vous détendre :
1. Installez-vous confortablement et fermez les yeux.
2. Respirez uniquement par le ventre. Car la respiration par le ventre, c'est-à-dire par la base des poumons, permet d'augmenter la capacité respiratoire pour bénéficier d'une plus grande réserve d'air ; en revanche, la respiration haute, au niveau de la cage thoracique, est moins bénéfique puisque plus pauvre en oxygène.
3. Observez votre respiration. Concentrez-vous uniquement sur votre inspiration et votre expiration.
4. Détendez-vous en relâchant tous les membres du corps.
5. Aidez-vous en pensant à des phrases apaisantes telles que : "Je me sens bien, je me repose, je me détends…"
6. Faites cet exercice pendant cinq minutes avant de reprendre une activité.
«La main sur le cœur est une autre technique de respiration qui favorise le calme :
1. Placez une main sur votre cœur et l'autre sur le ventre.
2. Respirez profondément et doucement sans changer de rythme.
3. Prenez peu à peu conscience de votre respiration et de l'effet de vos mains sur votre corps.
4. Restez dans cette position tout en vous concentrant sur votre souffle pendant cinq minutes. Vous voilà calme.»
Voilà. Vous êtes désormais équipés pour briller devant tout le monde, même si au départ l'exercice ne vous enchante pas.
En passant, l'écrivain français Paul Valéry aimait à dire : «Les gestes de l'orateur sont des métaphores».
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