Je m’en souviens comme si c’était hier. Même si PUR vodka passait par une période de forte croissance, nous n’avions plus d’argent. Nos prêts, nos cartes de crédit, notre «love money», mes heures supplémentaires à laver les planchers d’un hôpital, plus rien ne suffisait.
On avait beau avoir des commandes de la SAQ, des demandes de dizaines de distributeurs à travers le monde, impossible d’obtenir un prêt, du public ou du privé, pour suffire à la demande. Il était minuit moins une.
J’ai ressenti un puissant sentiment de frustration et d’incompréhension. Comment, après avoir remporté le titre de meilleure vodka du monde, après avoir mis tout ce que j’avais et même ce que je n’avais pas, dans l’entreprise, personne n’était prêt à financer notre croissance? Ça me rendait fou.
Quelques mois auparavant, nous avions engagé un conseiller très qualifié pour nous aider à développer un plan stratégique afin de nous aider à dénicher un investisseur.
Cela faisait près d’un an que nous travaillions avec lui, et il nous avait grandement aidés à passer de start-up à PME. Bien que nous avions de la difficulté à trouver le bon investisseur, nous avions confiance.
Plus le temps passait, plus je le sentais impatient. Nous avions un plan presque parfait, mais aucun investisseur ne mordait à l’hameçon. Ils étaient tous intéressés, voulaient tous investir, mais personne ne faisait d’offre intéressante.
Puis, nous avons rencontré un entrepreneur. Quelqu’un qui faisait partie d’une émission fort populaire sur l’entrepreneuriat.
Je ne le connaissais pas, mais le personnage me rendait suspicieux. Dès la première rencontre, j’étais assez réfractaire à continuer les discussions.
En même temps, notre conseiller nous mettait beaucoup de pression pour que l’on arrive rapidement à une entente. Pire, nous avions officiellement vidé nos comptes. Nous faisions des ventes record, mais étions à court de liquidités. Il nous fallait une entente et vite.
Je me souviendrai de cet appel toute ma vie. J’étais dans la voiture avec ma femme Karolyne quand notre conseiller m’appela. Il y avait une offre sur la table, une offre substantielle. Mais dans cette offre, plusieurs éléments me dérangeaient. Je n’étais pas satisfait, mais je sentais le barrage, mon opposition, craquer tout doucement.
Nous étions en route pour manger avec des amis et j’avais mis le téléphone sur le haut-parleur afin que Karolyne puisse écouter. J’expliquais à notre conseiller que l’offre, telle que proposée, ne m’intéressait pas. En moins d’une seconde, il répondit plutôt agressivement que c’était la dernière offre, et que si je la refusais, ce serait la pire erreur de ma vie.
Vous ne pouvez pas savoir à quel point je me suis mis à trembler et à avoir envie de vomir. Je ne crois pas avoir été aussi stressé de toute ma vie. Je n’en revenais pas, j’étais face au mur, et le mur s’écroulait.
Plus tard dans la soirée, j’ai décidé de refuser cette offre. Je ne pouvais pas signer sans être d’accord, sans me sentir fier.
Aujourd’hui, des années plus tard, je peux vous dire que je me souviens de cette journée, parce que j’ai pris la bonne décision pour mon entreprise et pour moi.
Comme disait René Angélil, l’important n’est pas d’être toujours bon, mais de l’être quand il le faut.