Il y a certains sujets au Québec dont on n’a tout simplement pas le droit de discuter. De la souveraineté au salaire minimum, en passant par Luc Ferrandez et les droits des cyclistes. Soit on est pour à la vie à la mort, soit on est farouchement contre, aucune nuance admise. Je nous connaissais comme un peuple sensible et très proche de ses émotions, mais ce manque de négociation sociale nous empêche-t-il de prendre de sages décisions?
Depuis quelques semaines, l’éternel sujet de la rémunération des médecins est revenu (encore) à l’avant-scène. Prime pour ne pas être en retard au travail, rattrapage salarial, versement de montants promis, pas une journée ne passe sans que l’actualité ne tourne autour du salaire de nos médecins.
Après tout, leur rémunération à elle seule représentera une dépense de près de 8 milliards en 2018.
8 milliards, c’est plus de 20% du budget total du ministère de la Santé (37 milliards). C’est aussi plus que les budgets combinés du ministère de l’Économie, de la Science et de l'Innovation (916M$), du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (877M$), du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (465M$), du ministère des Transports, de la mobilité durable et de l'électrification des transports (673M$), du ministère de la Culture et communication (705M$) et d’une panoplie d’autres ministères.
Bref, comme la rémunération des médecins représente une dépense publique aussi imposante, nous avons tous le droit de poser des questions.
Selon le Collège des médecins du Québec, il y avait au 31 décembre 2016 22961 médecins inscrits dans la province. Un simple calcul nous permet donc approximativement de déduire que le salaire moyen de ces professionnels est de 348416$, soit près de 8 fois le salaire moyen de la province.
Maintenant, imaginons que le médecin moyen pratique 35 ans son métier, et que pour simplifier le tout, on ne tient pas compte de la hausse salariale (inévitable) pour ses années de travail. Au terme de sa carrière, le médecin québécois recevra un salaire total de plus de 12M$.
Vivons-nous dans une médicocratie?
Ayant travaillé près d’une dizaine d’années dans le système hospitalier, j’ai pu voir à quel point les médecins sont intouchables et puissants. Non seulement règnent-ils dans les hôpitaux, ils le font aussi à l’Assemblée nationale où en plus du premier ministre et du ministre de la Santé, le porte-parole de l’extrême gauche, Amir Khadir, en est un.
Attention, loin de moi le fait de casser du sucre sur le dos des médecins ou de diminuer l’importance de leur rôle. Ma propre famille compte plusieurs excellents médecins. Je crois toutefois qu’il est temps d’avoir une discussion concernant leur rémunération.
Est-ce normal qu'ils gagnent des salaires de sportifs professionnels? Est-ce normal qu’ils aient le droit de s’incorporer afin de bénéficier de certains avantages fiscaux?
Ironiquement, même certains médecins trouvent leur rémunération indécente et trouvent que les multiples avantages financiers auxquels ils ont droit minent leur réputation et surtout entachent la profession.
Il revient maintenant au courage politique de se poser des questions et surtout d’agir en conséquence. Quant aux médecins, comme tout bon capitaine d’équipe, ils devraient travailler aussi fort pour améliorer le sort de leurs collègues infirmières, préposés ou autres qu’ils le font pour leur unique avantage.
Malheureusement, comme bien des domaines d’ailleurs, la médecine est devenue une business pour certains d’entre eux. À des années-lumière du serment d’Hyppocrate promettant que le bien du malade est l’ultime priorité. Leurs agissements ne font que mettre de l’huile sur le feu.
Je me permets de suggérer quelques pistes de solution afin d’alimenter le débat. Devrions-nous limiter le salaire moyen des médecins à quatre ou cinq fois le salaire moyen au Québec en revoyant les coûts associés à chaque acte médical posé? Devrions-nous faire des médecins des fonctionnaires à part entière et les rémunérer à l’heure plutôt qu’à l’acte? Devrions-nous permettre aux infirmières et pharmaciens de poser plus d’actes médicaux réservés uniquement qu’aux médecins?
Pour ma part, je souhaite simplement que l’on soit aussi proactif dans cette révision salariale que nous l’avons été il y a quelques années afin de réduire l’écart avec les médecins des autres provinces.