Voici une question qui pourrait faire l'objet d'un long débat. Lorsque l'un de nos titres s'accroit en portefeuille, est-ce que le risque augmente? Prenons un exemple concret pour illustrer notre point.
Un investisseur fait l'acquisition d'actions à 20$. Celles-ci s'apprécient à 28$, sans changement dans la valeur de l'entreprise sous-jacente. Au départ, l'investisseur visait un rendement de 100%, c'est-à-dire, un prix de 40$ l'action. Comme à 28$, il reste encore 12$ de gains potentiel, le titre sera normalement conservé. Un gain à venir de 43% demeure intéressant. Néanmoins, vous avez peut-être investi 10% de votre portefeuille dans un tel titre. Admettant que les autres positions n'ont point bougé, ce titre représenterait maintenant 13,5% du total.
Est-il logique de conserver 13,5% de son portefeuille dans un titre dont le potentiel atteint seulement 43% plutôt que 100%? Ajoutons que le risque s'est également accru. On prend davantage de risque à 28$ qu'à 20$. Donc, on se retrouve avec une plus grosse position dans un titre qui est maintenant plus risqué.
La question à se poser
La grande question qu'un investisseur pourrait avoir à l'esprit, c'est : ''Si je n'étais pas prêt à détenir plus que 10% de ce titre au départ à 20$, pourquoi serais-je soudainement prêt à en détenir 13,5% à un prix plus élevé?'' Autrement dit, pourquoi ne pas avoir investi 13,5% ou davantage dès le départ, alors que le prix s'avérait nettement plus intéressant?
Certains diront que le nouveau pourcentage obtenu découle de l'appréciation du titre. Alors, les 10% investis du départ ne sont pas plus élevés. Toutefois, on commettrait une erreur en le voyant de cette façon. Il s'agirait ici du principe de l'ancrage, qui fait en sorte que l'on compare un prix avec un autre prix passé sans lien entre les deux (voir blogue sur l'ancrage pour des précisions).
Allons plus loin. Supposons que l'on vende une partie de la position afin de fixer le pourcentage du portefeuille à 10%. Ainsi, on conserve la pondération de départ. Est-ce logique? Initialement, l'investisseur détenait 10% dans un titre dont le potentiellement atteignait 100%. Pourquoi serait-il prêt à détenir le même pourcentage alors que le gain potentiel n'est que de 43%, quand par surcroît le risque de perte à 28$ surpasse le risque à 20$? Ne devrait-il pas réduire sa position à 7% ou 8% pour tenir compte de l'attrait moins élevé du titre?
La vente systématique ne constitue pas la cléLa vente systématique ne constitue pas la clé
La solution ne réside pas dans la vente systématique du titre chaque fois qu'il s'apprécie de 10 cents! Cela serait peu pratique et en Bourse, nos calculs de valeurs d'entreprise ne sont pas précis. La valeur potentielle correspondait peut-être à 150% au lieu des 100% prévus. Cependant, on doit s'assurer d'être consistent dans son raisonnement, et d'éviter le piège de l'ancrage. Bien des investisseurs se sentiront à l'aise avec un titre qui s'est fortement apprécié en portefeuille, uniquement parce que celui-ci leur a procuré un gain. Nous préconisons plutôt une remise en question sur une base régulière, ainsi qu'une évaluation globale du portefeuille afin de s'assurer que celui-ci reste optimisé.
Si par exemple, on se sent confortable avec une position plus élevée en portefeuille suite à une certaine appréciation, on doit se demander pourquoi on détenait un pourcentage plus faible au départ. Les raisons peuvent s'avérer valables, comme par exemple, une meilleure compréhension de l'entreprise depuis la montée du titre. Il peut s'agir également d'un manque de liquidités disponibles au moment de l'achat. Une autre raison logique : on préfère cette position à l'encaisse. Donc, si vous n'avez plus d'idées d'investissement, vous pourriez préférer ce titre plutôt que de verser l'argent en encaisse et ainsi n'obtenir aucun rendement.
Pour conclure, en l'absence de motifs valables, une certaine réflexion s'impose.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com