Durant le mois de janvier dernier, le prix du gaz propane a presque triplé pour certains résidents du Colorado. Alors qu'on payait 2,30$ pour un gallon il y a environ trois semaines, il fallait débourser 6$ pour le même gallon une ou deux semaines plus tard.
La longue vague de froid qui a déferlé sur le continent nord-américain a propulsé la demande pour ce produit, favorisant une hausse des prix alors que les inventaires fondaient rapidement. Les politiciens et les autorités se questionnent donc quant à la légitimité de ces hausses, puisque de nombreux citoyens dépendent du propane pour se chauffer et cuire leurs aliments. Rappelons-nous ici au Québec la grogne que causa la hausse du prix de l'essence. Ce sujet fut débattu pendant longtemps.
Est-il moralement acceptable pour un producteur ou un détaillant de vendre un produit à un prix plus élevé lorsque la demande s'accroît soudainement?
Au premier coup d'oeil, on serait tenté de répondre par la négative. Augmenter le prix d'un bien suite à des circonstances qui sont hors de contrôle pour les utilisateurs semble extrêmement opportuniste. Pourtant, nous assistons régulièrement à ce phénomène dans différentes industries.
Les opportunités créées par les catastrophes
En 2010, suite au déversement de pétrole brut dans le golfe du Mexique par la société BP, les primes d'assurance ont augmenté de 50%. Cette hausse ne servait pas qu'à éponger les pertes des assureurs ayant déjà assumé ce risque : tout nouveau joueur dans ce segment pouvait maintenant vendre de l'assurance à un bien meilleur prix. On profitait donc d'une circonstance créée à la suite d'un incident malheureux ayant causé la mort de quelques personnes.
Après l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center, les primes ont explosé. Souvent, elles donnent naissance à de nouvelles sociétés. Allied World (AWH-N) a vu le jour suite à cet incident. Quant à Validus Holdings (VR-N), son apparition a été enclenchée par l'ouragan Katrina en 2005.
À la Bourse, un engouement soudain pour une nouvelle société propulsera le prix à des niveaux ridicules. Le petit investisseur sera lésé s'il tient absolument à participer à la nouvelle émission. Toutefois, on rétorquera que cet investisseur n'est pas dans l'obligation d'acheter des actions, contrairement au citoyen qui dépend du gaz propane pour se chauffer. Soulignons que les sociétés qui doivent s'assurer contre les catastrophes, peu importe leur taille, doivent acheter de la protection. Autrement, elles perdraient leur droit d'emprunter ou encourraient des risques financiers beaucoup trop importants.
La variation des prix s'avère chose naturelle pour la plupart des gens d'affaires et les sociétés. Pour un ménage qui compte sur un budget stable de semaine en semaine, les fluctuations constituent un vrai casse-tête et elles choquent les citoyens, qui se demandent s'ils ne sont pas victimes d'une manipulation des prix.
Voir le problème autrement
Devant un tel problème, considérons la situation vue d'un autre angle. Si les prix ne variaient jamais malgré un accroissement de la demande, qu'arriverait-il? À défaut d'assister à une augmentation, la plupart des citoyens ne porteraient pas attention à la quantité consommée. Lorsqu'une ressource devient rare, elle n'est plus disponible pour toute la population. Si chacun de nous ne s'efforce pas de diminuer sa consommation, certains citoyens deviendront victimes d'une pénurie.
Malheureusement, rien ne remplacera une hausse des prix pour exercer un puissant incitatif lorsque la situation l'exige. On peut tenter de sensibiliser la population en investissant des milliards en publicité, l'impact ne sera pas aussi significatif qu'un ajustement des prix.
En temps de crise, on peut penser qu'une intervention du gouvernement règlerait le problème. Il n'aurait qu'à contrôler la distribution de la précieuse ressource. Malheureusement, l'expérience nous dicte que trop souvent, ceux qui procèdent à la distribution se servent en premier et sans égard aux besoins des autres, puisqu'ils contrôlent tout. Puis, sans hausse des prix, aucun incitatif n'est créé pour amener les producteurs à augmenter la disponibilité de la ressource.
Pour en revenir au problème du prix du propane à divers endroits aux États-Unis, la colère des citoyens pourraient amener la création d'une entité publique qui veillerait à un certain contrôle des prix. Toutefois, en bout de ligne, le coût final risque d'être beaucoup plus élevé, sans parler du plus grand risque d'incidences de pénurie. Une surveillance accrue engendre des coûts, et ces derniers seront vraisemblablement pris en charge par les citoyens, soit par leurs impôts, soit par le biais d'une hausse du coût moyen du propane. En conclusion, on peut vouloir vivre dans un monde sans fluctuations de prix, mais si à long terme, le coût ultime est plus élevé, est-ce souhaitable?
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com