En juillet dernier, nous avons rédigé un billet traitant du retour de certains emplois aux États-Unis (cliquer ici pour le visionner), notamment dans le domaine manufacturier. Comme on le sait déjà, plusieurs métiers sont disparus lors des dernières décennies, au profit des pays en voie de développement. Comme les travailleurs étrangers exigeaient des salaires bien plus modestes, les sociétés d'ici prenaient avantage à déplacer la production de leurs biens hors du pays.
Le consommateur nord-américain a indirectement bénéficié de ce phénomène, en payant des prix moins élevés pour différents biens, comme les vêtements par exemple. Les actionnaires des sociétés concernées ont également profité de ce mouvement, car les coûts de production ont été abaissés.
Certains citoyens d'ici s'offusquaient de cette migration d'emplois vers l'étranger. En effet, des postes étaient abolis ici, pour pouvoir en créer ailleurs. Pourtant, de votre point de vue, était-ce une bonne nouvelle en Chine que d'assister à la prolifération d'emplois? Est-ce que vous vous disiez : ''La vie serait si facile en Chine. J'aurais un emploi en tout temps!''? Nous parions que la plupart des travailleurs d'ici ont toujours éprouvé peu d'envie à l'égard de la situation de leurs congénères asiatiques. Ces derniers ont débuté avec une base salariale ridicule comparativement à la nôtre. Nous assistions donc en quelque sorte à une diminution de l'écart des salaires entre les pays développés et les pays en voie de développement. Au fur et à mesure que l'emploi s'accélérait dans les pays étrangers, les salaires grimpaient, alors que les nôtres stagnaient ou diminuaient en dollars constants.
Une tendance qui change
Nous écrivions dans notre billet de juillet que le phénomène inverse semblait s'amorcer dans certains secteurs, à l'exception de nos salaires, qui ne devraient pas augmenter à long terme. Le cas de la société Keer Group de Shanghai constitue un exemple intéressant. Ils ont récemment embauché 175 travailleurs en Caroline du Sud pour leur production de fils tissés. Pour les travailleurs américains, il s'agit d'une bonne nouvelle. Personne ne s'offusquera à la création d'emplois! Or, l'ironie de la chose repose dans le fait qu'un jour, peut-être que les travailleurs étrangers se retrouveront dans nos souliers, et nous dans les leurs.
Cet article (cliquer ici) exprime bien cette tendance qui se dessine. Pendant longtemps, les sociétés américaines ont investi hors du pays. Qui récoltaient les profits? Il s'agissait bien sûr des actionnaires américains majoritairement. On profitait ainsi du labeur étranger. Or, prenons le cas de la Chine : selon un article du site CNBC paru en septembre dernier, les investissements de ce pays auraient crû de 58M$ en 2000 à 14G$ pour l'année 2013. On imagine donc facilement le résultat à long terme. De plus en plus de profits découlant de notre travail seront distribués à l'étranger. Les puissantes corporations d'ailleurs augmenteront leur pouvoir et leur influence.
L'emploi ne comble pas tout
Nous aimerions souligner que la prospérité d'un peuple ne découle pas seulement de son taux d'emploi. Même avec un taux de chômage peu élevé, une société ne peut pas s'enrichir en l'absence d'épargne et de participation aux bénéfices des entreprises. En fait, elle ne fait que survivre, et demeure ainsi vulnérable aux moindres changements économiques. En Amérique du nord, l'accessibilité aux marchés boursiers contribua à notre prospérité. Toutefois, ne nous méprenons point : un fort pourcentage des ménages affichait une attitude indifférente face à l'investissement en général. Comme les entreprises offraient de généreux fonds de pension à l'époque, cette lacune a probablement été largement comblée.
La réalité d'aujourd'hui s'avère fort différente, alors que les citoyens n'ont d'autres choix que de prendre en main eux-mêmes leurs finances personnelles. En l'absence d'un minimum d'intérêt de la part des gens pour la Bourse, que ce soit directement ou indirectement, la situation des travailleurs d'ici risque de devenir toujours de plus en plus précaire, malgré le retour de certains emplois de l'étranger.
Tout le monde dans notre société devrait détenir des actions avant de posséder une maison unifamiliale de taille moyenne ou même une voiture neuve. Pour ceux qui tolèrent très mal les fluctuations boursières, un plan d'épargne rigoureux ainsi que l'évitement total des dettes devraient figurer parmi leurs priorités.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com