Au début de cette année, un incident que nous qualifierions de ''peu ordinaire'' ici en Amérique est survenu en France, dans une usine de Goodyear Tire & Rubber Co. (GT-Q). Celle-ci, située dans le nord du pays à Amiens-Nord, fut le théâtre d'un enlèvement de deux dirigeants.
La société Goodyear souhaitait procéder à la mise à pied de 1173 employés suite à l'échec de la conclusion d'un accord avec le syndicat après cinq ans. Ayant joué toutes leurs cartes pour faire plier la direction, les employés ont tout bonnement décidé de kidnapper deux dirigeants pendant plus de 24 heures, en les retenant prisonniers dans l'usine.
Le chef du syndicat français CGT Michael Wamen déclara : ''Ils sont détenus en otage jusqu'à ce que nous ayons la garantie que de vrais négociations sur les bonus et les compensations pour tous les employés soient entamées.'' Une fois que les détenus furent relâchés, M. Wamen en rajouta en précisant que le spectacle ne faisait que commencer. Kidnapper les dirigeants semble être devenu une pratique banale en France. Par le passé, des sociétés telles que Sony, Caterpillar, La Poste et 3M ont déjà goûté à la médecine appliquée par les travailleurs et syndicats mécontents.
Un américain s'exprime sans retenue sur la question
Un acheteur américain potentiel avait démontré de l'intérêt pour l'usine, et souleva la controverse lorsqu'il exprima son opinion sur les travailleurs français. Il s'agit de Maurice Taylor, qui dirige le conseil d'administration de Titan International. Dans une lettre adressée à un politicien français, M. Taylor écrivit ceci, suite à plusieurs visites de l'usine : ''Les travailleurs français reçoivent de gros salaires, mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure de pause et de déjeuner, ils parlent pendant trois heures, et travaillent pendant trois heures.'' Au sujet de l'enlèvement, il commenta en ces termes : ''Ils prennent des otages. Aux États-Unis, ils iraient en prison. Pourquoi ne vont-ils pas voler quelques banques françaises afin qu'ils obtiennent l'argent pour acheter Goodyear? Ils sont fous!''
On pourrait affirmer que M. Taylor n'avait pas la langue dans sa poche. Toutefois, il mit en lumière un climat d'affaires qui mine à coup sûr l'emploi et l'économie française. Si une société souhaite procéder à une certaine restructuration afin d'abaisser ses coûts et de mieux affronter la concurrence, elle doit jouir de la liberté de couper des emplois, tout comme elle détient le droit d'en créer. Autrement, la création d'un emploi signifierait systématiquement un passif permanent, impossible à renverser même en temps difficiles.
Une haute cour de France aurait déjà statué sur la question, en précisant que si une compagnie génère de l'argent à l'échelle internationale dans un certain secteur, elle devrait considérer la globalité de ses profits avant de procéder à la réduction de ses activités dans un pays quelconque. Par exemple, vous possédez deux usines et vous faites de l'argent au Royaume-Uni, mais en perdez en France. L'usine anglaise devrait éternellement éponger les pertes de l'usine française, plutôt que de considérer la relocalisation de l'unité déficitaire. Voilà un excellent incitatif pour ne jamais améliorer la productivité!
Pays différents, mentalités différentes
Aux États-Unis, une mentalité différente à ce sujet contribue fortement à l'essor économique du pays. À titre d'exemple, le détaillant américain Family Dollar Stores (FDO-N) a annoncé en avril la fermeture de 370 magasins, ce qui visait probablement plus de 2000 employés. La société jugeait qu'elle n'avait pas atteint ses objectifs de rentabilité. De l'autre côté, elle compte ouvrir de 350 à 400 magasins à moyen terme. Donc, certains perdent, d'autres gagnent. Parfois, cela survient dans le pays même, alors que dans d'autres circonstances, un autre pays devient bénéficiaire de la situation comme on le voit souvent dans le domaine manufacturier. Dans tous les cas, la productivité est favorisée, et le consommateur en sort gagnant. Notons que l'action de Goodyear a très peu progressé en Bourse depuis 1972! Une meilleure rentabilité ne constituerait pas un luxe dans son cas.
À notre grande surprise, le premier ministre de la République française, François Hollande, instaura cette année une série de changements au code du travail. Même s'il est socialiste, il rendit le congédiement et la réduction de la paie plus accessibles pour les sociétés en cas de ralentissement économique. Il introduisit également de nouveaux avantages fiscaux. Peut-être qu'un début de changement de mentalité s'opère tranquillement.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com