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Les gestionnaires de compagnie qui avouent leurs erreurs ne sont pas légion. Bien qu'il s'agisse d'humains ''imparfaits'' comme vous et nous, il est tentant pour des dirigeants de camoufler leurs torts afin de laisser intacte l'image que les actionnaires et la population se sont forgée à leur endroit. Lorsque de généreux salaires sont versés, les attentes devraient s'avérer élevées en retour. Pourquoi octroyer une rémunération importante à un groupe d'individus s'ils ne sont pas plus infaillibles que l'individu moyen?
Or, la perfection relève de l'utopie, et un dirigeant qui n'avoue point ses torts devrait baisser dans l'estime d'un bon investisseur. Tout d'abord, comment croire en la transparence d'une société si elle cherche à influencer l'opinion de ses investisseurs, plutôt que de les mettre au fait de la réalité? Puis, comment peut-on s'améliorer si l'on refuse de reconnaître une mauvaise décision?
Comme le déni s'avère beaucoup plus courant que les aveux, tout investisseur devrait voir d'un bon oeil un dirigeant qui avoue ses torts. Nous avons particulièrement aimé un commentaire émis dans le rapport annuel 2008 de W.R. Berkley, une société en assurance générale. Comme bien des sociétés financières, W.R. Berkley a dû essuyer des pertes sur certains investissements pendant la correction boursière. L'un de ces investissements était constitué d'actions privilégiées de Fannie Mae et Freddie Mac. Pour vous mettre dans le contexte, ces deux institutions servaient à favoriser l'accès à la propriété aux citoyens américains, en achetant des hypothèques émises par les banques. Parfois, elles conservaient les hypothèques dans leurs bilans, alors que dans bien des cas, elles les revendaient à des investisseurs, en fournissant certaines garanties.
Comme les hypothèques ''subprimes'' ont éclaté à partir de 2007, il n'est pas étonnant que Fannie Mae et Freddie Mac soient devenus des désastres. Cependant, chez W.R. Berkley, on se croyait protégé d'une quelconque façon, car ces institutions agissaient selon les instructions du gouvernement. En achetant les actions privilégiées de ces firmes, la société d'assurance croyait bénéficier d'une certaine protection de la part du gouvernement, en ce sens que ce dernier ferait l'impossible pour assurer la bonne tenue de leurs affaires. Il s'agissait d'une attente plutôt réaliste. Un soldat qui obéit à son chef s'attendrait à être protégé par l'armée s'il était attaqué. C'est bien naturel! Si le soldat est attaqué sur le champs de bataille, ce sera parce qu'il aura obéi aux ordres.
Ce fût cependant une grande déception, et on l'explique en ces mots dans le rapport annuel de 2008 :
"Il est difficile de comprendre de quelle façon ces entreprises supervisées par le gouvernement ont pu laisser tomber les actionnaires privilégiés. Dans une nation où l'on est fier d'agir en respectant les lois, il est navrant de constater que les autorités aient décidé qu'elles ne portaient aucune responsabilité face à ce problème. Tout ceci est survenu en même temps que le Congrès exigeait que ces deux organisations produisent davantage de prêts avec moins de restrictions.''
Par ces déclarations, on tente d'expliquer qu'il existait une ''supposition'' à l'effet que le gouvernement interviendrait pour sauver les actionnaires de ces entités. Cependant, on poursuit avec la déclaration suivante :
" Mais en bout de ligne, nous savions déjà tout cela. Nous avons acheté les actions privilégiées. C'était une mauvaise décision.''
La plupart des sociétés se seraient contentées de blâmer le gouvernement. Nous pensons mêmes qu'elles auraient eu raison de réagir ainsi et de pointer du doigt le fait que la fameuse ''supposition'' n'ait jamais été démentie par le gouvernement dans le passé. Alors, on aurait pu poursuivre simplement en expliquant qu'il s'avérait impossible de deviner son comportement dans cette affaire. On aurait ainsi évité d'avouer un tort. Cependant, dans le cas de W.R. Berkley, on admet qu'on avait des doutes, et on affirme qu'il s'agissait d'une mauvaise idée d'ignorer ces doutes.
Pour l'investisseur, le message brille par sa clarté : la société a commis une erreur, et tentera de ne pas la répéter dans le futur. Il s'agit donc d'un signal positif qui augmente notre confiance envers la direction.