Nous apprécions toujours lire des commentaires négatifs à l'endroit d'une société quelconque, car l'information qu'ils nous fournissent nous aide à dresser un portrait global de la situation. Ainsi, si nous sommes quelque peu attirés par l'illusion d'aubaine chez certains titres, nous avons tout intérêt à trouver tous les éléments négatifs pouvant calmer nos expectatives.
Nous sommes par contre estomaqués par l'analyse bâclée de certains analystes, ou doit-on le dire, de certains ordinateurs, puisque la faiblesse des arguments nous amène parfois à penser qu'un certains nombres d'analyses sont concoctées par des logiciels de façon systématique. Nous détenons un bel exemple avec l'étude du titre Nordic americanTankers Limited (NAT-Q), savamment commenté par ''l'équipe'' de Street Ratings (cliquer ici pour accéder aux commentaires).
Tout d'abord, on compare la performance de cette entreprise en transport maritime avec celui du secteur des combustibles, comprenant le pétrole et le gaz naturel. Bien que la bonne tenue de cette industrie soit principalement influencée par la demande pour le pétrole, son modèle d'affaire diffère grandement d'une pétrolière!
Une analyse sommaire qui prend l'eau
On souligne la faible profitabilité de Nordic, sans tenir compte de la problématique qui frappe actuellement son industrie. À l'échelle mondiale, l'offre de transport maritime aurait atteint un niveau critique suite à la construction passée de nouveaux bateaux. Ajoutons à cela la crise financière qui contribua au ralentissement de la demande pour l'or noir, et on peut comprendre aisément pourquoi l'industrie connaît un important ralentissement.
Les commentaires mettent en lumière les faibles marges de profits, ainsi que la diminution des flux de trésorerie. Or, lorsqu'une entreprise connaît des difficultés, on ne s'étonnera point de voir les profits, les marges, le rendement sur l'équité, ou l'encaisse au bilan baisser. En tant qu'investisseur, on veut surtout savoir si la situation s'avère temporaire ou non. Le titre est passé d'un sommet de 56$ à 8$ aujourd'hui, ce qui n'étonnera personne si les profits de la société sont malmenés depuis quelques temps.
On ne mentionne point que Nordic American Tanker doit charger au moins 12 000$ par jour par bateau afin de couvrir ses frais, et ce, sans inclure la dépréciation qui représente un coût significatif. En 2008, alors que tout allait merveilleusement bien, la société percevait 67 000$ par jour. En 2013, cette moyenne a dégringolé à 11 000$ par jour.
Nordic n'est pas seule à perdre de l'argent
Dans un tel contexte, ce n'est pas une surprise si la société perd de l'argent! Il suffit de jeter un coup d'oeil aux compétiteurs pour apprécier le carnage financier qui frappe actuellement ce secteur. Cet article (cliquer ici pour visionner la source) résume bien la situation, autant sur le plan de la demande que de l'offre. On y mentionne que la société Overseas Shipholding Group (OSGIQ) s'est mise sous la protection de la loi de la faillite en 2012. Ses pertes astronomiques la rendirent dans l'incapacité de faire face à son imposante dette. Un autre compétiteur d'envergure, Frontline (FRO-N), risque de connaître un sort similaire. Son bilan démontre une faiblesse évidente, alors que son équité se noie sous l'eau. Selon la direction, nonobstant le retour à un marché normalisé d'ici 2015, elle risque de ne pas pouvoir rencontrer le remboursement d'une dette qui vient bientôt à échéance.
Dans un tel contexte, notre questionnement se situe davantage sur la viabilité de Nordic American à moyen terme. Peut-elle traverser la tempête? Les commentaires de Street Ratings n'en font nullement mention. Notons que son bilan dispose d'une certaine marge de manoeuvre. La société s'était toujours appliquée à éviter tout endettement dans le passé, ce qui lui rend grandement service aujourd'hui. Les emprunts figurant au bilan sont relativement récents et reflètent plutôt le recours à la solution ultime pour naviguer dans ces eaux particulièrement troublées.
Pour conclure, nous tenons à souligner que la disparition de concurrents ne se traduit pas nécessairement par une pression moindre sur les tarifs. Le problème réside dans le nombre de bateaux disponibles. Or, un grand nombre d'entre eux ont été commandés il y a plusieurs années, alors que le secteur était florissant. Certaines sociétés reçoivent encore de nouveaux bateaux. Lorsqu'un transporteur sombre, il peut procéder à la liquidation de sa flotte afin de repayer les créanciers, ce qui ne diminue en rien le nombre total de bateaux en mer. La quantité de bateaux mis au rancart doit augmenter avant d'assister à un fléchissement de l'offre.
Joyeuse Pâques à tous nos lecteurs.
P.S.: nous n'avons pas consulté le rapport complet de The Street Ratings, mais nous considérons que tout élément pertinent aurait dû au moins être mentionné dans le sommaire.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com