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En 1999, Warren Buffett vendit son vieux portefeuille aux enchères pour la somme de 210 000$. Précisons que ce montant a été versé à un organisme de charité, et que ce portefeuille conférait un avantage particulier à son nouveau propriétaire. En effet, une recommandation d'achat d'un titre en particulier se trouvait à l'intérieur.
L'heureux acquéreur divulgua le nom du titre en question. Il s'agissait de First Industrial Realty Trust (FR-N). Cette société est constituée en fiducie de revenu, et loue des locaux à des entreprises industrielles. À l'époque, le titre se transigeait à environ 25$, et générait un dividende annuel de 10%. Rappelons-nous qu'en 1999, nous étions en plein dans la bulle technologique. Personne ou presque ne s'intéressait aux titres reliés à l'immobilier. Le domaine de l'internet s'avérait tellement plus excitant!
John Morgan, en gagnant les enchères du portefeuille, bénéficia de la recommandation. Plus d'un investisseur pourraient s'étonner du genre de titre qui fut sélectionné par M. Buffett. En effet, First Industrial ne figurait pas parmi les titres de croissance comme Microsoft dans les années 90 ou même Google de 2004 jusqu'à maintenant. Ce titre pouvait difficilement rendre quelqu'un millionnaire. De 1999 à 2006, il a doublé et a procuré un bon rendement en dividendes, correspondant à moins de 20% par an, puisque la hausse du dividende n'a pas suivi la progression du cours du titre. Or, peut-être que plusieurs investisseurs se seraient attendus à un rendement explosif, étant donné qu'il s'agissait d'une recommandation de M. Buffett et que le portefeuille s'est vendu à 210 000$.
Nous relevons deux grandes constations à l'égard du choix d'un tel titre :
1) Il ne s'agit pas d'une société de croissance permettant de dégager des rendements spectaculaires
2) Il ne s'agit pas non plus d'un titre à détenir à très long terme
Ce deuxième point révèle que First Industrial constituait un titre sous-évalué, mais pas nécessairement le genre de titre que M. Buffett aurait acheté dans le but de ne jamais vendre. Le titre se transige aujourd'hui à moins de 12$, soit le quart de son sommet atteint en 2006. La société a dû essuyer des pertes importantes ces dernières années. Par conséquent, on pourrait affirmer que ce titre diffère des critères habituels que M. Buffett prône lorsqu'on lui demande publiquement comment dénicher les meilleurs investissements. Nous sommes loin d'une société aux attributs extraordinaires : rendement sur l'avoir élevé, croissance constante, avantage compétitif important, etc.
D'ailleurs, M. Buffett a vendu ses parts en 2004 à environ 40$, pour un gain de 60% en sus des dividendes récoltés. Mais en quoi donc cet investissement s'avérait-il si intéressant?
Après avoir bien étudié cette entreprise, M. Buffett a probablement estimé le peu de risques que représentait ce titre. Il se retrouvait donc avec une bonne marge de sécurité, et se sentait sûrement confortable à l'idée de détenir une participation importante. Nous avons discuté en décembre dernier de la concentration en portefeuille (voir blogue). Nous pensons qu'il vaut souvent mieux investir massivement dans un titre sécuritaire dont le potentiel est bon, plutôt que d'acheter une grande quantité de titres différents affichant chacun un potentiel très élevé.
En 2009, nous avions acquis des actions de Becker Milk Company, une société immobilière en Ontario. Nous estimions le potentiel de gain à 100%, et le dividende générait un rendement de 12%. Pourtant, il existait d'autres titres au potentiel bien plus élevé, dont Garda World entre autres, dont le cours s'est multiplié par 15 suite à son creux! Cependant, il subsistait des risques que nous jugions importants, et jamais nous n'aurions été confortables d'investir une somme significative dans cette société à l'époque.
Le titre de First Industrial démontre bien l'importance de la marge de sécurité, de la concentration ainsi que du moment propice pour vendre. Lorsque le titre s'est apprécié suffisamment pour ne plus offrir une marge de sécurité jugée suffisante, M. Buffett s'en est départi, et a peut-être réinvesti les profits dans des titres coréens offrant une équation risque / rendement aussi valable que celle qu'il avait obtenu en 1999 avec First Industrial (apparemment, il achetait beaucoup de titres sur la bourse de Corée à ce moment-là).
Quelle leçon faut-il retenir? Un bon investisseur ne doit pas nécessairement frapper dans le mille en acquérant le prochain ''Microsoft'' ou ''Apple'' dans son portefeuille afin de le rendre définitivement riche. S'il investit de façon concentrée (6 titres ou moins) et qu'il mise sur des titres comme First Industrial en 1999, il peut espérer d'excellents rendements!