Depuis la spectaculaire chute du cours du pétrole en automne dernier, les titres de sociétés explorant le pétrole et le gaz naturel ont été malmenés en Bourse. Par exemple, Goodrich Petroleum Corp (GDP-N) et Quicksilver Resources (KWKA-OTC) ont perdu 82% et 98% sur un an respectivement. D'autres n'ont tout simplement pas survécu, comme Southern Pacific (STP-TO), qui s'est mise sous la protection des créanciers le 21 janvier dernier.
De tels remous créent des opportunités. Nous avons donc étudié le secteur, afin de chercher à tirer profit de la tempête. Le constat que nous avons établi par rapport à celui-ci a peu changé comparativement à notre opinion initiale. Les entreprises qui explorent les ressources doivent composer avec des coûts en capital récurrents et élevés. Pour effectuer leur développement et financer les débours en capital, elles doivent recourir à la dette. Par conséquent, les bilans surendettés sont légion.
Ironiquement, les sociétés dont les sources de revenus sont diversifiées vont moins recourir à la dette. Or, nous devrions en toute logique voir le contraire. Une petite société en phase d'exploration représente un risque important. Les coûts de production atteignent la plupart du temps des niveaux élevés par rapport aux sociétés établies depuis longtemps. Donc, en y ajoutant une importante dette, on double le risque.
Peu de rachats d'actions
Nous avons constaté également que bien des sociétés ont sauté à pieds joints dans les nouveaux emprunts, afin de saisir ceux-ci à des taux ridiculement bas. Le crédit pas cher n'attire pas que les consommateurs! Malheureusement, bien que ce domaine regorge d'opportunités en termes d'achats ou de ventes stratégiques d'actifs qui devraient plaire à un investisseur valeur, les dirigeants seront rarement de bons allocateurs en capitaux. Trop souvent, nous assistons à des prises de décisions risquées, souvent motivées par la recherche de la croissance à tout prix. Cela fait contraste avec le secteur de l'assurance, où bien des dirigeants tentent de suivre les traces de Warren Buffett. C'est pourquoi nous ne verrons pas souvent de rachat d'actions. Ces derniers seront plutôt présents dans les sociétés bien établies et intégrées, comme Exxon Mobil (XOM-N) et Chevron (CVX-N), alors que les plus petits producteurs utilisent la plupart du temps toutes les ressources financières disponibles pour réinvestir dans leurs opérations.
Alors, pourquoi nous intéresser à ce secteur? Nous avions écrit un blogue sur le sujet du secteur des ressources naturelles, le 6 décembre 2014 (cliquer ici pour le visionner). Le cours du brut a depuis poursuivi sa chute, passant de 66$ à 52$, après avoir touché un creux de 43$. Il s'agit ici d'importantes variations qui secoue fortement l'industrie, et ce secteur n'est point différent des autres. Les investisseurs réagissent parfois avec excès, sans discrimination envers certaines sociétés qui sont appelées à mieux s'en sortir que d'autres. Par conséquent, si vous dénichez des compagnies dont le bilan se démarque, et dont les coûts des opérations sont bas, vous bénéficierez d'un avantage certain si le titre a été injustement puni et simplement entraîné par tout le secteur.
Quant aux prix du pétrole, nous pensons qu'ils sont appelés à augmenter avec le temps. Il ne s'agit pas d'une prédiction, mais simplement d'une constatation par rapport aux coûts actuels pour produire un baril de pétrole avec un nouveau développement, qui s'avèrent plus élevés que le prix du marché. Pendant ce temps, l'industrie s'ajuste en diminuant l'offre. Par exemple, le nombre de tours de forage en opération aux États-Unis vient d'atteindre un creux de trois ans. Beaucoup de sociétés observent le cours du pétrole actuel, et si ce dernier ne remonte pas, elles diminuent drastiquement leurs dépenses en capital.
Même les grandes entreprises emboîtent le pas. Par exemple, Royal Dutch Shell (RDS.A-N) a récemment annoncé qu'elle réduisait son programme de dépense de 15G$ sur les trois prochaines années alors que Chevron compte couper ses débours de 5G$ pour 2014. Au Canada, l'industrie dans l'ensemble se dirigerait vers une fonte des dépenses en capital de 33%. À moins que nous achetions tous des voitures électriques et que nous cessions d'utiliser le pétrole ou le gaz naturel pour nous chauffer, ces ajustements exerceront un impact sur les prix à moyen ou long terme.
Le secteur vous séduit?
En tant qu'investisseur, si le domaine vous intéresse, vous devez vous assurer de bien comprendre les entreprises dans lesquelles vous investissez. Il faut également saisir leur positionnement par rapport aux compétiteurs (type de production et marchés desservis) afin d'être certain d'obtenir une marge de sécurité appréciable. Il faut donc y mettre le temps nécessaire, et développer une certaine expertise. Aussi, on doit envisager également le pire scénario et éviter d'imiter le chef de la direction de Continental Resources (CLR-N) (cliquer pour notre blogue à ce sujet) : le cours du pétrole peut stagner longtemps ou chuter davantage.
Quant à nous, nous y consacrons le temps requis, mais nous demeurons conscients d'un point important : nous faisons face à des temps qui nous paraissent exceptionnels. Il se pourrait très bien qu'après avoir profité de la situation présente, nous ne retouchions plus au secteur pendant des années, voire des décennies! Nous avons été témoins de gestionnaires de portefeuille qui se sont amourachés de ce secteur. Le piège à éviter réside dans le faux sentiment de sécurité qu'apportent les connaissances. Ce n'est pas parce que l'on connaît bien un secteur que l'on doit s'y intéresser en tout temps!
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com