Le cours du pétrole s'est effondré de 45% depuis le sommet de cette année, atteint au mois de juin. Pour se protéger contre ce genre d'éventualité, nombre de sociétés utilisent des produits dérivés de couverture, qui permettent de garantir un prix à court et moyen terme. Ce fut le cas de la compagnie Continental Resources (CLR-N), qui détenait des contrats pour sa production de 2014, 2015 et 2016. Cependant, le 5 novembre dernier, la société annonça qu'elle avait liquidé tous ses contrats, empochant ainsi un profit de 433M$.
Le chef de la direction, Harold Hamm, justifia ce geste en ces termes : ''Nous pensons que la récente baisse du cours du pétrole n'est pas justifiée par des raisons fondamentales reliées à l'offre et la demande. Par conséquent, nous avons liquidé nos positions de couverture dans le but de participer à un rebond du prix.''
À ce moment-là, le prix du brut Brent s'établissait à environ 82$US le baril. Quelques jours plus tard, à l'annonce de leurs résultats trimestriels, M. Hamm et ses collègues affirmèrent qu'ils s'attendaient à un retour du cours vers une fourchette de 85$ à 90$US à court terme. Nous voilà un mois plus tard, avec un baril valant 62$US. Certaines personnes connaissant bien le secteur, prédisent un cours bien plus bas. Par exemple, Bill Richardson, l'ancien secrétaire de l'énergie de l'administration Clinton, entrevoit la possibilité d'un baril à 45$US.
Parier sur les cours futurs : un jeu dangereux
Bref, le baril pourrait chuter davantage, tout comme il pourrait tout aussi bien rebondir comme le pense Harold Hamm. Ces prédictions nous révèlent la futilité à tenter de déterminer le cours futur.
Certes, plus les prix s'effondrent, plus les chances de les voir remonter s'améliorent. Toutefois, la direction de Continental Resources prend un risque non négligeable, surtout lorsque l'on considère sa dette. Celle-ci a connu une progression par rapport à l'équité de la société, passant de moins de la moitié de la valeur nette en 2007 à plus de 115% aujourd'hui. Autrement dit, Continental ne bénéficie pas d'autant de flexibilité qu'auparavant, ce qui devrait inciter la direction à faire preuve de plus de prudence dans la gestion de ses couvertures. Si la compagnie détenait un bilan extraordinaire, c'est-à-dire, exempt de dettes et regorgeant de liquidités, elle pourrait se permettre ce genre de pari.
Le producteur de pétrole et gaz naturel Chesapeake Energy (CHK-N) avait tenté un pari similaire par le passé. En 2011, alors que le prix du gaz naturel chuta à 4$ le million de BTU, la direction décida d'encaisser le profit de ses couvertures en pensant que le cours allait rebondir. Or, ce dernier poursuivit sa chute pour atteindre 1,91$! Cet exemple aurait peut-être dû influencer Continental à éviter la possibilité d'un scénario similaire.
Un manque d'expérience?
Cette décision ne provient pas d'un manque d'expérience de la part du chef de la direction. M. Hamm est à la tête de la compagnie depuis 1967, année où il fonda la société. Notons qu'à l'époque, le nom était Shelly Dean Oil Company. M. Hamm est devenu multimilliardaire et il s'avère un pionnier dans le développement du pétrole dans le Montana et le Dakota du Nord. Il a également été le conseiller en énergie de Mitt Romney lors de la campagne électorale de 2012. En termes d'expérience dans le domaine, on peut difficilement demander mieux!
Bref, l'avenir nous dira si cette stratégie connaîtra une fin heureuse. Toutefois, même le cas échéant, nous pensons qu'elle comporte trop de risques par rapport à la situation financière de la société.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com