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Lorsque nous effectuons des recherches sur nos titres (un procédé qui se doit d'être continu!), nous consultons les commentaires et les analyses sur lesquels nous mettons la main. Comme vous le savez déjà probablement, tout investisseur sérieux ne devrait pas baser ses décisions d'achats ou de ventes sur les recommandations émises par une tierce partie. On doit soi-même valider les informations et former notre propre opinion. Cependant, les arguments des autres peuvent nous donner des pistes et nous amener de nouvelles informations afin de poursuivre plus loin les recherches. Dans un tel contexte, il s'avère crucial d'évaluer rapidement la pertinence des informations qui nous sont fournies.
Pour illustrer notre point, utilisons deux courtes analyses disponibles sur le net. La première constitue la ''bonne'' analyse, alors que la seconde, la ''mauvaise''. Ces deux commentaires proviennent du même site et ont été écrits récemment. Ils ont évidemment été rédigés par deux auteurs différents. Étudions d'abord la mauvaise analyse, afin de voir ensuite quel genre d'information aurait dû être communiquée à la place.
La deuxième analyse a recours à un modèle précis afin de calculer un intervalle de valeurs intrinsèques possibles. On utilise donc beaucoup de formules. Et dans bien des cas, le résultat de ces formules aboutit à des données totalement inutiles. Prenons le calcul du rendement sur le capital investi. On mentionne qu'il s'élève à 172,7%, comparativement à l'estimé du coût de son capital qui n'est que de 10,8%.
Tout d'abord, si le rendement du capital investi de la société atteint des niveaux si élevés, c'est tout simplement parce qu'on ne peut pas utiliser le bilan pour effectuer un tel calcul. Ce dernier ne tient nullement compte de la valeur ''actuelle'' des actifs qui seraient requis pour reproduire un réseau aussi solide. Ces sociétés bénéficient fortement de leur réseau actuel, pour lequel les dépenses ont été engendrées il y a fort longtemps. Une forte valeur intangible a été créée, mais n'est pas reflétée dans le bilan. Donc, dans certains domaines, comme celui de MasterCard et Visa, de tels calculs ne nous révèlent pas d'informations pertinentes. Qui plus est, sachant que la société jouit d'une position de duopole fortement ancré, nous savons d'avance que le rendement sur le capital affiche une valeur élevée. Selon nous, le fait de connaître avec précision la différence entre le rendement du capital par rapport à son coût constitue une perte de temps.
On affirme dans l'analyse que si les flux de trésorerie libres (les flux d'argent moins les dépenses en capital) représentent plus de 5% des revenus, nous nous retrouvons avec une vache à lait (une compagnie aux profits stables et très rentable). Or, ce pourcentage peut s'avérer fort trompeur. En s'y fiant, on pourrait penser que la plupart des banques surpassent de loin une société comme Alimentation Couche-Tard. Dans le domaine financier, on retrouve des marges beaucoup plus élevées, car les coûts de ventes sont absents. En revanche, Couche-Tard doit acheter les produits qu'elle vend. Ses marges sont donc plus petites, mais la rotation des actifs compense amplement en atteignent des niveaux beaucoup plus élevés. Il s'agit simplement de la nature même du domaine. Un distributeur affiche de petites marges, mais vend beaucoup. Par conséquent, on ne peut pas affirmer qu'une société qui génère 5% de marges constitue une vache à lait, sans tenir compte du domaine dans lequel elle évolue!
Finalement, comme dans toute bonne analyse du même genre, on aime les projections. On bâtit donc des états financiers pro forma, qui incorporent simplement la continuité des résultats passés, ajustés selon des estimés. Certains rapports d'analystes vont même produire des projections sur 10 ans. Pourquoi autant de projections? Nous pensons qu'elles permettent de remplir les nombreuses pages de bien des rapports qui seraient autrement vides. À partir de ces nombreuses données, on peut dessiner de beaux graphiques, riches en couleur. En utilisant des modèles similaires pour chaque titre, on peut engendrer une quantité impressionnante de tableaux sans fournir de gros efforts. Pour l'investisseur qui comprendrait plus ou moins l'entreprise visée, ces nombreuses données peuvent facilement impressionner.
La ''bonne'' analyse, quant à elle, se concentre sur des informations qui nous permettront d'évaluer si MasterCard pourra continuer de croître dans le futur. Et il s'agit d'informations que l'on ne peut pas voir en regardant simplement les états financiers. Elles se prêtent donc mal à un modèle qui pourrait être facilement engendré par un bête ordinateur.
L'article fournit des informations particulièrement utiles, comme l'influence de la nouvelle législation sur les cartes de débit. Le gouvernement a récemment imposé une limite de frais sur ces transactions. Comme MasterCard détient trois fois moins de volume que son principal compétiteur, la nouvelle législation place la société dans une position avantageuse. On mentionne quelques nouveaux clients que la société a acquis récemment, et on explique aussi pourquoi les revenus devraient croître à long terme (conversion des paiements liquides en transactions électroniques).
L'auteur répond également à une question importante que se posent bien des investisseurs, à savoir si l'avènement des paiements par cellulaire constitue une menace pour la compagnie.
Quant à l'utilisation des tableaux et graphiques, il s'agit d'outils de référence. Il s'avère pratique de pouvoir consulter le bilan dans l'article même. Cependant, on n'y voit pas de projections ou de graphiques inventés.
Pour nous, une bonne analyse nous fournit des informations nous permettant d'approfondir nos recherches sur des points pertinents. Dans le cas de MasterCard, la croissance future et la viabilité de son modèle d'affaire nous préoccupent bien plus que la différence entre son rendement et le coût de son capital! Il suffit de consulter rapidement les états financiers pour nous faire une idée de la rentabilité. Nous cherchons donc à savoir si ces profits sont appelés à croître, et aussi, s'il existe des risques importants pouvant les affecter.
Nous relevons un point négatif dans cette analyse. L'auteur mentionne que plusieurs analystes qui suivent l'entreprise sont enthousiastes par rapport au titre. Pour nous, il s'agit d'un mauvais critère. Nous préférons les sociétés qui sont ignorées ou boudées, car leur prix en bourse reflète souvent cette perception. Donc, le fait de savoir que plusieurs professionnels aiment notre titre devrait plutôt nous mettre sur nos gardes.