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Il s'avère fréquent de lire dans les médias qu'une entreprise décide de procéder à un rachat de ses actions. La plupart du temps, ces rachats ont pour objectif de maximiser l'utilisation du capital. Au lieu d'effectuer une acquisition qui pourrait aboutir à un échec, on peut décider d'investir dans sa propre entreprise, en rachetant son propre capital. Ce que l'on voit moins souvent par contre, c'est une entreprise qui émet des actions à une date donnée, et qui décide de racheter une partie de ces actions quelques mois plus tard.
Nous sommes témoins de cette manoeuvre chez Fortress Paper (FTP-TO). Cette entreprise est dirigée par Chad Wasilenkoff, et elle fabrique des billets de banque et du papier peint. Elle fabriquera bientôt de la cellulose, en convertissant une usine qu'elle a acquise au Québec.
Fortress a émis des actions en février dernier, au prix de 51,75$ afin de financer ses opérations futures. Cependant, elle a annoncé un rachat d'actions il y a quelques jours, estimant que ses actions en bourse ne reflétaient pas la valeur intrinsèque de l'entreprise. Or, le titre se transigeait à environ 30,00$.
Acheter bas et vendre haut, n'est-ce pas là ce que doit faire tout bon investisseur? Dans le cas d'une entreprise alors, on pourrait affirmer qu'elle se doit de vendre haut et de racheter bas. Ce principe ressemble étrangement à la vente à découvert, qui consiste à vendre un titre emprunté à une firme de courtage, afin de le racheter plus tard à un prix moindre (pour remettre le titre à la firme). Dans le cas d'une entreprise, les actions visées constituent ses propres actions. Par conséquent, la société n'encourt aucun risque. Qui plus est, le but visé de l'opération n'est pas non plus de vendre dans l'espoir de racheter plus bas! D'ailleurs, lorsqu'une entreprise émet du capital, elle montre un plan d'actions en utilisant des projections aux investisseurs. Dans la majorité des cas, on prévoit construire une nouvelle usine, ouvrir une nouvelle division ou même rembourser une dette. Mais vous entendrez rarement la direction dire qu'elle souhaite utiliser l'argent pour racheter ses actions...à un prix moindre plus tard!
C'est pourquoi un dirigeant pourrait se sentir mal à l'aise d'agir ainsi. Les investisseurs qui ont payé 51,75$ l'action s'attendent probablement à ce que les fonds soient utilisés pour l'expansion de l'entreprise. La société tentant de racheter le titre à 30,00$, ces investisseurs pourraient penser qu'ils ont été dupés. D'un côté, on leur miroite le fait qu'il faut du capital pour investir dans l'entreprise, de l'autre, on utilise une partie du même argent pour réduire le nombre d'actions à prix moindre. Si la société rachetait toutes les actions émises à 30,00$, elle engendrerait un profit de 21,75$, au frais des investisseurs!
Pourtant, il s'agit de la chose logique à faire. Nous approuvons ce genre de comportement, puisqu'il fait bénéficier tous les investisseurs. Tout d'abord, la direction de Fortress compte racheter, à sa discrétion, environ l'équivalent d'un cinquième de l'argent recueilli lors de l'émission de février. Il lui reste donc encore 4/5 des fonds pour exécuter son plan. Puis, cette même direction ne pouvait pas savoir que le cours de son action allait chuter de la sorte.
Tout dépendamment du prix du titre, un rachat peut s'avérer la meilleure expansion qui soit : l'expansion de la richesse des actionnaires. Elle est sans risque, et on cherche simplement à tirer profit d'un pessimisme passager chez certains actionnaires. Assurément, l'objectif d'une société autre que financière ne doit pas consister à vendre haut afin de racheter plus bas. Cependant, à notre humble avis, saisir une telle opportunité constitue un geste intelligent. De cette façon, un dirigeant peut vraiment ajouter de la valeur au titre de son entreprise à long terme.