BLOGUE.
Lorsqu'un investisseur consulte la cote de crédit d'un titre à revenus fixes, que cherche-t-il à savoir avant tout? Désire-t-il connaître la solidité de l'entreprise? Ne veut-il pas plutôt savoir si à court terme, son revenu risque d'être coupé?
Il s'agit ici de deux différences fondamentales. La première question réfère à la viabilité de l'entreprise à long terme. Ainsi, une compagnie dont le bilan regorge de liquidités et dont les flux de trésorerie s'accumulent représentera peu de risques et mériterait une bonne cote.
La deuxième question concerne plutôt le comportement des dirigeants dans leurs décisions quant aux versements des dividendes ou intérêts. Dans bien des cas, un titre à revenus fixes ne peut voir ses paiements d'intérêts ou de dividendes coupés si des dividendes sont versés aux actionnaires ordinaires. Rappelons-nous que les actionnaires ordinaires demeurent dans le bas de l'échelle en cas de liquidation de l'entreprise. Il faut d'abord payer les créanciers! Cette contrainte va de soi. Les créanciers n'ont droit qu'à leurs intérêts ou dividendes, alors que les actionnaires ordinaires raflent tous les profits lorsque la société dégage des surplus.
Donc, si l'entreprise ne produit pas assez de profits pour payer tout le monde, les créanciers demeurent la priorité. Ainsi, les actionnaires ordinaires seront les premiers à subir une coupe de dividende lorsque l'entreprise connaît des périodes tumultueuses. Voilà un détail très intéressant, car l'exemple qui suit démontre qu'il attire l'attention de Moody's au plus haut point! Cet exemple concerne un titre dont nous avons déjà discuté récemment : AEB-N (Aegon).
En 2009, la société coupa son dividende ordinaire. Or, Moody's considéra qu'un tel geste constituait un risque pour les titres à revenus fixes, dont ''AEB'', qui verse un dividende en fonction des taux d'intérêts. En effet, Moody's procéda en 2009 à l'abaissement de la cote du titre, mentionnant entre autres qu'étant donné que les dividendes aux actionnaires ont cessé, il ne subsiste plus d'incitatifs importants pour empêcher les dirigeants de couper les dividendes sur les titres à revenus fixes.
Nous savons fort bien que pour les dirigeants, annoncer la coupe d'un dividende sur les actions ordinaires s'avère fastidieux et lourd de conséquences! Dans la majorité des cas, l'action ordinaire plonge, et la valeur des généreuses options que possèdent trop souvent ces mêmes dirigeants s'effrite. Or, comme c'était déjà fait dans le cas d'Aegon, on estimait chez Moody's qu'il devenait moins gênant pour la direction de cesser les paiements sur les autres titres, même si cette éventualité demeurait peu probable aux yeux de l'agence de notation.
Nous assistons ici à une contradiction importante. Lorsqu'une société conserve davantage d'argent dans ses coffres, son risque financier diminue, et non le contraire. En effet, nous préférons personnellement les sociétés qui préservent leurs liquidités, plutôt que celles qui s'efforcent coûte que coûte de continuer à verser un dividende par crainte de la réaction des actionnaires.
Pour une agence de notation toutefois, la solidité financière d'une entreprise ne semble pas prioritaire! La question consiste plutôt à savoir si dans les prochains mois les créanciers recevront leur chèque, plutôt que de s'assurer que la société détiendra les moyens financiers de les payer!
On se rappellera la folie furieuse qui fut créée lorsque Standard & Poor annonça la décote des États-Unis cet été. Quelle était la raison de cette décote? La faillite du pays, ou plutôt la suspension temporaire des paiements?
Il s'agissait effectivement de la suspension des paiements, qui aurait pu être causée par la bagarre que se livraient les deux partis au pouvoir, étant incapables de s'entendre sur les limites à imposer à la dette.
Il devient évident dans des cas comme celui-ci que le paiement à court terme des revenus prime sur la santé financière du pays ou de l'entreprise. On peut donc facilement comprendre pourquoi les agences ont attendu si longtemps avant d'abaisser les cotes des pays d'Europe, qui pourtant, étaient trop endettés depuis fort longtemps.
En conclusion, un investisseur ne doit jamais se fier aux cotes de crédit pour évaluer les risques.