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Feriez-vous facilement confiance à un individu qui essaie de vous vendre une herbe miracle à consommer, sachant qu'il toucherait une généreuse commission? Chez le concessionnaire, croyez-vous systématiquement le représentant lorsqu'il vous dit que la voiture qu'il vous propose constitue le meilleur véhicule pour vous? Bien sûr que non! Dans le domaine de la vente, nous connaissons très bien le pouvoir des incitatifs. On demande de l'information aux vendeurs ou aux représentants, tout en étant conscient qu'ils peuvent s'avérer un peu trop positifs sur les vertus des biens ou des services que vous désirez acquérir. C'est humain et normal, puisqu'on ne s'attend pas à ce que les gens agissent contre leurs propres intérêts.
Or, il peut s'avérer très hasardeux de ne pas reconnaître les situations où certaines personnes ont tout avantage à ce qu'un produit ou un service soit acheté, ou à ce qu'un événement se produise. Dans le cas d'un vendeur, on connaît d'avance ses motivations. C'est légitime. Mais dans tous les cas où une personne est supposée agir de façon objective, un conflit d'intérêts potentiel existe. Dans le domaine médical, ces conflits sont fréquents. On peut penser aux nombreux experts qui se sont prononcés sur la nécessité d'acheter le fameux médicament Tamiflu pour anéantir le virus H1N1. Les médias ont récemment laissé sous-entendre que beaucoup de médecins ou chercheurs qui en ont fait la recommandation avaient des liens directs ou indirects avec la compagnie qui fabriquait ce remède.
La vidéo qui suit dure environ 1 heure 45 minutes et met en lumière la problématique qui entoure les antidépresseurs, notamment aux États-Unis. Nous vous invitons à visionner cette vidéo dans le but de découvrir les nombreuses facettes des conflits d'intérêts. On peut constater à quel point ces conflits créent du tort à la société. Le piège évident dans ce genre de situation consiste à ne pas reconnaître le manque de neutralité chez un expert ou un organisme à grande réputation. Or, les conflits d'intérêts existent dans tous les domaines. Plus on les détecte facilement, mieux sera notre jugement.
En politique, point besoin de chercher loin pour trouver les conflits d'intérêts. En fait, ils sont tellement nombreux qu'on peut rarement discuter d'objectivité dès qu'on effleure le sujet. Lorsqu'un gouvernement octroie un contrat à une firme, notre premier réflexe devrait être de vérifier en quoi les politiciens impliqués sont avantagés par ce choix. Ont-ils fait plaisir à des amis? Touchent-ils une quelconque rémunération ou jouissent-ils d'un avantage, légal ou illicite? On ne doit pas non plus penser que toutes les transactions sont nécessairement suspectes, mais tout bon citoyen doit comprendre que tel un aimant attirant le métal, on peut difficilement éviter les conflits d'intérêts.
Pour les investisseurs, une foule de situations se prêtent bien à ces conflits. Lorsqu'un dirigeant d'entreprise publique engage un consultant en rémunération, il sait que les recommandations qui seront formulées devraient être à son avantage. Un chef d'entreprise déploie une forte influence sur le conseil d'administration, et si le consultant ne fait pas plaisir aux dirigeants, il y a peu d'espoir qu'il soit engagé à nouveau l'année suivante. Quant au conseil d'administration, il doit supposément veiller aux intérêts des actionnaires. Trop souvent cependant, les membres sont choisis en fonction de leurs affinités avec le président. Il existe certes des règles mises en place pour tenter d'éviter les conflits d'intérêts, comme la loi de Sarbanes-Oxley, mais il s'avère facile de les respecter sans changer le résultat final.
Lorsqu'une entreprise procède à une acquisition, le dirigeant jubile souvent. Il sera à la tête d'une entreprise plus grande. Cela signifie donc plus de pouvoir et une meilleure rémunération. Pas étonnant que tant d'acquisitions ne soient pas bénéfiques pour les actionnaires! Comme l'a déjà suggéré Warren Buffett dans une de ses lettres, toutes les acquisitions devraient être sujettes à l'embauche de deux partis. Le premier aura pour fonction de relever les avantages de procéder à l'acquisition. Le deuxième devra quant à lui trouver tous les désavantages. Bien sûr, le deuxième parti devrait être rémunéré ''uniquement'' si l'acquisition n'a pas lieu!
Dans le domaine de la justice, la notion de conflits d'intérêts prend une importance capitale, puisque la liberté d'un individu est en jeu. Ainsi, on prévoit deux partis : un avocat (ou procureur) du côté de la poursuite, et un avocat pour la défense. On s'assure ainsi de maximiser l'information afin d'établir un jugement qui sera le plus équitable possible. Malheureusement, la plupart des autres domaines ne jouissent pas de cet avantage. Nous devons donc être très vigilant, et devenir des professionnels de la détection des conflits d'intérêts! Développer cette habileté nous apparaît si importante que l'on devrait prévoir un cours sur le sujet dans nos écoles. Nous aurions donc des citoyens mieux informés et mieux outillés. Par ricochet, les investisseurs développeraient plus de scepticisme à l'égard des dirigeants d'entreprises publiques. À n'en point douter, leurs rendements s'amélioreraient.