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Quand on analyse des sociétés à la bourse, il peut s'avérer tentant de tirer des conclusions hâtives sur les effets d'une tendance. Par exemple, suite à la crise, il est naturel de s'attendre à ce que les banques américaines performent mieux, au fur et à mesure que les prêts en situation de défaut s'estompent. Toutefois, certains segments d'une industrie quelconque vont plutôt bénéficier de la tendance inverse, ou simplement ne pas être avantagés par elle.
Le site suivant (cliquer ici) nous fournit un bel exemple. L'auteur du commentaire souhaite investir dans une société qui bénéficierait d'un taux de défaut plus bas chez les consommateurs. C'est pourquoi il songeait à Portfolio Recovery Associates (PRAA) et à Encore Capital Group (ECPG). Ces deux sociétés achètent des portefeuilles de prêts en situation de défaut. Lorsqu'une institution financière est aux prises avec un ensemble de prêts pour lesquels elle n'est pas remboursée, elle se tourne vers une société qui est disposée à payer un certain montant pour acquérir cet ensemble de prêts. Cette société tentera ensuite de collecter le capital de chaque client un par un.
Les sociétés spécialisées dans la collecte de ce genre de prêts disposent des ressources nécessaires pour persuader les emprunteurs de procéder au remboursement, soit par de fréquentes communications avec ceux-ci, soit par la voie légale.
Afin de s'assurer de dégager un profit intéressant avec ces portefeuilles, les sociétés spécialisées s'assurent de payer un prix suffisamment bas pour tenir compte du risque d'échec ainsi que toutes les dépenses qui seront encourues pour effectuer le recouvrement.
Or, l'auteur du commentaire provenant du site cité en exemple suggère que si les gens souhaitent davantage rembourser leurs dettes pour devenir moins endettés, ces sociétés feront des affaires d'or. Il se trouve que la réalité n'est pas aussi simple qu'elle ne le paraît. Quand on jette un coup d'œil à ces entreprises, on réalise rapidement que la crise de 2008 n'a pas été une catastrophe pour eux, contrairement à bien des banques.
Pour dégager un profit, ces sociétés doivent payer un certain prix pour ensuite récupérer le maximum d'argent des portefeuilles acquis. Une fois l'argent collecté, que faut-il faire? Elles doivent trouver d'autres portefeuilles à acquérir, en espérant dénicher des opportunités aussi intéressantes. Plus les consommateurs sont désireux de bien rembourser leurs prêts, plus les portefeuilles en situation de défaut seront difficiles à trouver. En effet, les prêts en défaut constituent la matière première de ces entreprises. Sans eux, elles ne pourraient plus justifier leur propre existence. Dans ces conditions, il n'est pas nécessairement souhaitable à long terme que les consommateurs deviennent tous de bons payeurs.
Le cas de Nicholas Financial (NICK-Q) témoigne de la situation. Cette société achète des prêts auprès des concessionnaires automobiles. En 2009, alors que les mauvais comptes enregistraient des hauts taux de défaut, Nicholas Financial pouvait acquérir ces prêts à un taux d'escompte plus intéressant. Ainsi, la société s'emparait de ces prêts à un montant moindre que leur valeur nominale de départ, afin de tenir compte du risque de crédit.
Alors que la crise se résorbe, et que les emprunteurs disposent de meilleurs moyens financiers pour effectuer leurs paiements, l'escompte à l'achat a diminué lors des quelques dernières années. Plusieurs nouveaux compétiteurs sont apparus, et la société doit donc se contenter de rendements moindres. Autrement dit, l'amélioration de l'économie ne constitue pas nécessairement un point positif pour ce genre de société, même si les débiteurs jouissent d'une meilleure capacité à rencontrer leurs engagements.
Dans le cas des sociétés d'assurance, on pourrait penser qu'une hausse des taux d'intérêts leur serait néfaste puisqu'elles investissent dans des instruments à rendements fixes à long terme. Or, la plupart des dirigeants de ces sociétés vous diront qu'ils bénéficieraient grandement d'une augmentation des taux. Toutefois, une hausse trop sévère sur une courte période de temps serait nuisible dans la majorité des cas. Lorsque l'on étudie le moindrement la question, on comprend mieux les enjeux, et on évite de tirer des conclusions trop rapides qui brouilleraient notre jugement.
Les investisseurs ont donc intérêt à ne pas sélectionner leurs titres en fonction des différentes tendances, et chercher à bien comprendre les forces dynamiques et leur impact sur les sociétés convoitées.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com