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Voici l'histoire fictive d'un type d'investisseurs que nous rencontrons fréquemment. Elle dresse bien le portrait d'une contradiction étonnante. Il s'agit d'un entrepreneur en immobilier très prospère. Il pouvait discuter longuement de toutes les stratégies possibles pour s'enrichir dans ce milieu. Il connaissait de nombreuses astuces pour maximiser la recherche de bons locataires. Son réservoir de connaissance au sujet de la Régie du logement avait de quoi impressionner. Il pouvait également énumérer par coeur le coût de chaque type de rénovation, ainsi que la façon idéale de les minimiser. Il savait quels étaient les fournisseurs de chacun des matériaux nécessaires, ainsi que les forces et les faiblesses de chacun.
Si vous souhaitiez découvrir toutes les économies possibles réalisées en acquérant un immeuble de 100 logements, plutôt que 16 immeubles de 6 logements, il s'avérait la personne idéale à questionner. Bref, cet entrepreneur était prospère et connaissait bien son domaine. Devrait-on s'étonner d'un tel fait? Plus on connaît quelque chose, plus on met les chances de notre côté.
Ce qui nous semblait étonnant, c'était l'approche qu'il utilisait en bourse. Le moindre que l'on pouvait dire, c'est que son approche ne ressemblait en rien à celle utilisée dans son domaine. Notre entrepreneur détenait, entre autres, des actions de PotashCorp (POT-T) dans son portefeuille. Il avait lui-même sélectionné ses titres, et estimait qu'il savait quand les acheter ainsi que quand les vendre. Il affirmait qu'il savait reconnaitre une bonne entreprise.
Nous nous rappelions bien de l'un de ses conseils en immobilier : pour réussir, il faut savoir ce que l'on fait. Notre entrepreneur avait bien insisté pour faire comprendre que les désastres en immobilier sont souvent causés par la négligence en matière de calculs financiers et de recherches sur les baux ou la bâtisse. En d'autres termes, il faut faire ses devoirs!
Voyons quels étaient les devoirs de l'entrepreneur lorsqu'il fit l'acquisition du titre de Potash.
- M. l'entrepreneur, pourquoi aimez-vous ce titre?
- Eh bien, les fertilisants seront en grande demande dans le monde, notamment grâce à la Chine
- Que pensez-vous du bilan de Potash?
- Euh, c'est une bonne entreprise.
- Quel pourcentage du marché l'entreprise détient-elle?
- Ce doit être gros.
- Avez-vous payé les actions à un bon prix?
- Bien sûr, j'ai attendu que les actions baissent avant de les acheter!
Que nous révèle cette édifiante conversation? Notre entrepreneur pourrait nous parler d'immobilier pendant des semaines, mais ne peut combler une minute entière lorsqu'il s'agit d'un domaine comme les matières premières pour fabriquer les engrais. Il ne connaissait pas la situation financière de l'entreprise (aucune idée du bilan), et ne savait pas non plus quel était le principal compétiteur. Quant au prix payé, il n'en avait aucune idée.
Pourtant, en immobilier, il utilise régulièrement le ratio des revenus sur les loyers. Par exemple, il sait que payer 6 fois les revenus s'avère une bonne affaire, comparativement aux multiples de 10 ou 12 auxquels on assiste présentement dans le marché actuel. En ce qui concerne Potash, il a recours tout simplement à l'ancrage. Il observe le titre pendant un moment, et s'il baisse, il en conclut que le prix doit être intéressant puisqu'il est moins cher qu'avant.
Si l'entrepreneur utilisait les mêmes techniques qu'à la bourse pour évaluer un immeuble, on pourrait affirmer qu'il se contenterait de l'observer de l'extérieur. Il ne chercherait pas à savoir quels sont les loyers, l'état de l'immeuble ou la qualité des locataires. Or, il serait d'accord pour dire qu'agir ainsi mènerait tôt ou tard à la catastrophe.
Nous sommes souvent estomaqués de constater que des gens très intelligents et compétents n'arrivent pas à faire le rapprochement entre la bourse et leur propre domaine. Il semble que la bourse brouille les cartes. Nous savons bien que l'entrepreneur en question ne ferait jamais l'acquisition d'une entreprise privée dans le domaine des fertilisants. Devant une telle opportunité, il s'exclamerait sans hésiter que ce n'est pas son domaine!
À la bourse, tout comme dans l'univers des entreprises privées, on se doit de respecter son cercle de compétence. Si un investisseur ne connait pratiquement rien dans le domaine des ressources naturelles, il devrait s'abstenir d'y investir. Trop souvent, on pense que nos investissements doivent être diversifiés et ainsi couvrir la plupart des secteurs. Nous pensons plutôt que l'on doit rechercher les secteurs que l'on connait le mieux. Tout comme pour l'entrepreneur en immobilier, c'est en possédant davantage de connaissances que les autres sur un ou quelques domaines que l'on peut réussir à tirer son épingle du jeu.