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Pour un investisseur qui croit en l'analyse fondamentale, il existe deux grandes raisons pour justifier l'achat d'un titre. La première réfère au potentiel de l'entreprise. En anticipant une croissance des profits, on prévoit que le titre s'appréciera plus ou moins au même rythme. La deuxième raison concerne l'évaluation. Dans certaines circonstances, un titre se transige à un prix bien inférieur à sa valeur intrinsèque. Parfois, on peut justifier facilement l'escompte du titre par des développements peu favorables au sein de l'entreprise. Par exemple, une entreprise qui perd des parts de marchés est appelée à voir ses profits fondre. Si les investisseurs anticipent ces baisses, ils paieront un prix moindre afin de tenir compte de ce fait. Dans d'autres occasions, un titre se transigera à un bas prix simplement parce qu'il est ignoré ou que l'entreprise sous-jacente est mal comprise.
Pour ce deuxième cas, que faire avec un titre acheté à bon prix, mais qui ne s'apprécie jamais? Combien de temps faut-il attendre? Allons-y d'un exemple pertinent : Becker Milk Company, qui se transige à la bourse de Toronto par le biais du symbole ''BEK.B''.
Cette entreprise oeuvre dans le secteur de l'immobilier en Ontario. Son principal client est l'entreprise Les Alimentations Couche-Tard, qui procure 86% des revenus. Ce qui donne un ton particulier à cette société, c'est qu'elle n'utilise aucune dette. Or, vous trouverez rarement ce genre de situation chez une société immobilière. Le fait de ne pas recourir à l'emprunt pour détenir des immeubles diminue considérablement le rendement net que l'on peut dégager avec de tels investissements. Cependant, le risque est également amoindri. Par conséquent, le titre affiche un faible risque, puisqu'en cas de besoin, la société pourrait emprunter de l'argent facilement. Qui plus est, elle dispose d'une généreuse encaisse de 2,7M$, ce qui correspond à 14% de sa valeur boursière.
Les revenus de Becker Milk ne croissent pas. Par conséquent, on peut difficilement compter sur une hausse des profits à long terme pour forcer le titre à s'apprécier. Cependant, ce dernier peut être acheté à fort escompte par rapport à sa valeur nette au bilan. Qui plus est, la valeur de ses immeubles a été récemment établie par les nouvelles normes comptables internationales. En vertu de ces normes, la société a choisi d'inscrire la valeur marchande et de procéder à des ajustements à tous les trimestres. Nous obtenons donc d'extrêmes variations, car un simple changement du taux de capitalisation peut produire une grande différence. Néanmoins, nous avons pu confirmer notre estimé que nous avions calculé auparavant. Étonnamment, même si le bilan s'est fortement apprécié suite à ces nouvelles normes comptables, le titre n'a pas réagi. Malgré sa valeur nette de 17$ par action, il demeure disponible à 11$ l'action, ce qui correspond à un escompte de 35%.
Un tel escompte procurera un rendement de 55% si le titre atteint la valeur qui figure au bilan. Cependant, il s'avère souvent nécessaire d'avoir un élément déclencheur pour espérer un certain rapprochement entre la valeur intrinsèque et la valeur en bourse. Auparavant, la direction de Becker Milk comptait vendre l'entreprise. Lorsque la crise a éclaté, ils ont écarté ce plan. Aujourd'hui, cette intention n'a pas encore été réitérée. Par conséquent, l'investisseur ne peut savoir combien de temps il devra attendre. Sa seule consolation réside dans le taux de dividende, qui s'élève à 6,4%.
Durant la crise, le titre s'est transigé à 5,00$. À ce prix, le dividende générait 12% de rendement. Ce dernier à lui seul constituait un élément déclencheur, car aussitôt que la panique s'est estompée, les investisseurs ont vite réalisé l'attrait d'un tel dividende. Certes, à 6,4% de rendement, on peut espérer que le titre sera plus prisé à moyen terme, mais ce n'est rien de certain. Alors, pour savoir s'il est avantageux de vendre ou de conserver un tel titre, on doit étudier le coût d'opportunité.
Le coût d'opportunité correspond au rendement sacrifié en procédant à un certain choix. Si on estime pouvoir générer raisonnablement un rendement de 20% annuellement avec un autre titre, on doit alors s'attendre à ce que Becker atteigne 17$ en moins de 3 ans. En effet, un rendement composé de 20% procure un total de 73% en trois ans. Avec les dividendes, Becker générerait près d'un tel rendement sur la même période.
Par conséquent, tout dépend de ses estimés par rapport aux autres titres. Si vous trouvez le titre du siècle (peu de risques, beaucoup de rendements), vous n'hésiterez pas à vendre un tel titre pour le remplacer. Dans un marché où les aubaines sont rares, on devrait plutôt conserver le titre.
On doit donc éviter de se fixer des objectifs comme ''dans 1 an, s'il n'a pas bougé, je vends'', ou encore ''dès qu'il prend 10%, je passe à autre chose''. Ces objectifs ne tiennent nullement compte du coût d'opportunité. Or, pour obtenir les meilleurs rendements, on doit sélectionner les meilleurs titres. Alors, on ne peut pas ignorer l'influence qu'exercent les autres titres sur un titre en particulier.
Si vous détenez un titre qui ne s'apprécie pas depuis longtemps et qui vous exaspère, demandez-vous s'il n'existe pas une meilleure opportunité, tout en prenant soin de toujours évaluer les risques. Vendre un titre ''exaspérant'' pour un titre plus risqué s'avèrera rarement une bonne stratégie.