BLOGUE.
Lorsque le marché connaît un repli tel que celui que nous vivons en ce moment, les investisseurs cherchent à trouver des outils leur permettant d'éviter de subir les humeurs du marché. Ne serait-il pas merveilleux de profiter des hausses du marché, tout en conservant ses gains lorsque la bourse s'effondre?
Peut-on cristalliser les gains sur nos titres boursiers? À priori, il semble que la fameuse fonction ''stop loss'' offerte par les firmes de courtages constitue une option intéressante. On pourrait probablement traduire ce nom en français en disant ''ordre de vente à déclenchement''. Cette fonction permet d'activer un ordre de vente de façon systématique dès qu'un certain prix est atteint par un titre quelconque.
Par exemple, vous achetez le titre X à 10$. Il explose à 20$. Vous aimeriez le vendre et empocher le beau profit, mais vous pensez qu'il existe encore un potentiel d'appréciation important. Vous conservez le titre et instaurez la fonction ''stop loss'' à 19$. Ainsi, du moment que le titre se transige à 19$ et moins, vous êtes assuré d'envoyer un ordre de vente au marché afin de conserver précieusement une bonne partie de vos gains.
Ce n'est pas la première fois que nous discutons de cette fonction, et notre opinion sur la question est demeurée inchangée. Nous désapprouvons ce type d'outil puisqu'il ne suit pas un processus que nous qualifierions de ''rationnel''. Nous comprenons certes l'attrait de cette fonction : elle crée l'illusion de protection en cas d'effondrement des marchés tout en faisant miroiter une participation aux hausses des marchés boursiers. Or, en réalité, elle expose l'investisseur à un mécanisme qui s'avère illogique en soi.
Pour mieux comprendre notre point de vue, voici nos deux arguments :
Tout d'abord, si on aime encore le titre X à 20$, comment peut-on imaginer qu'on ne l'aime plus à 19$? Si un acheteur de maisons vous aborde en vous offrant un prix reflétant la valeur marchande de celle-ci, allez-vous lui rétorquer que vous refusez de la céder sous prétexte que vous comptez la vendre dès que sa valeur se sera effondrée de 15 000$ ou de 30 000$?
Un investisseur rationnel qui aime un titre à 20$ devrait l'aimer davantage à 19$. S'il craint que ce dernier ne retourne à 10$, il n'a qu'à le vendre immédiatement à 20$. On doit garder à l'esprit qu'un titre qui passe de 20$ à 19$ représente le genre de fluctuation à laquelle nous assistons souvent. Si vous aimez un titre à 20$, il serait regrettable de le vendre à 19$ pour le voir ensuite s'apprécier à 25$. Et si le ''stop loss'' est fixé à un prix beaucoup plus bas, soit 15$, ne vaudrait-il pas mieux racheter ce titre plutôt que de vendre la position existante le cas échéant?
Deuxièmement, une telle fonction n'offre aucune garantie en cas d'un effondrement boursier majeur et rapide. Vous vous rappelez du 6 mai 2010? Certains investisseurs ont perdu des sommes colossales. Si votre titre passe de 20$ à 10$, vous n'obtiendrez pas 19$. Pour toutes les ventes, il faut des acheteurs. S'il n'y a pas d'acheteurs, c'est la catastrophe. On peut donc se retrouver à vendre un titre à un prix presque nul! Nous soupçonnons fortement d'ailleurs que la baisse vertigineuse du 6 mai 2010 a été amplifiée par les fameuses fonctions ''stop loss'' qui ont dû se déclencher toutes en même temps! (Voir blogue à ce sujet.) On pourrait rétorquer : ''Oui, mais ce genre d'effondrement ne survient que très rarement!''. Ce à quoi nous répliquerions : ''Pourquoi se prémunir d'une telle fonction alors?''
Si un titre chute lentement, vous disposerez de tout le temps nécessaire pour le réévaluer. Dans bien des cas, vous pourriez plutôt souhaiter en acquérir davantage plutôt que de le vendre. Dans le cas contraire, vous réaliserez peut-être que vous auriez dû le vendre lorsqu'il se transigeait à son sommet.
Par conséquent, la meilleure stratégie existante pour protéger ses gains réside dans la vente pure et simple du titre. Il n'y a pas de recette magique. Et nous ajouterions que l'expression ''protéger ses gains'' ne devrait point faire partie du vocabulaire des investisseurs. Avez-vous reconnu ici le principe du piège de l'ancrage? Dans la négative, nous vous invitons à consulter notre blogue sur le sujet.