BLOGUE. «Ne vous lancez pas en finances!» Voilà une déclaration (voir l'article) qui nous provient de Nassim Taleb, le célèbre auteur des ouvrages intitulés ''The Black Swan'' et ''Fooled by Randomness''. M. Taleb cherche à démontrer que la chance peut s'avérer un facteur important dans le succès d'une personne, particulièrement dans le monde des finances, même sur une longue période de temps.
Selon M. Taleb, on doit éviter de se frotter aux colosses du monde de la finance, dont les réussites découlent purement de la chance. L'histoire se déroule ainsi : plusieurs années de rendements chanceux amènent certains individus au rang des rois de la finance. Comme leurs performances sont grandement publicisées, les épargnants leur confient toujours davantage d'argent. Ils se retrouvent donc avec d'énormes sommes à gérer, sans avoir rien fait d'extraordinaire.
M. Taleb voit juste pour bien des cas. Il arrive fréquemment que des stars de la finance se soient vues hissées au sommet alors que les astres étaient simplement bien alignés pour elles. Toutefois, il nous est difficile de ne pas apercevoir une pointe de jalousie dans certains de ses propos. Nous pensons qu'il s'avère injuste de prétendre que ceux qui réussissent ont bénéficié de la chance jusqu'à preuve du contraire. L'exemple de Warren Buffett est éloquent.
Cet article propose l'idée que Warren Buffett a probablement été chanceux en produisant des rendements aussi élevés sur une très longue période de temps. M. Taleb établit une comparaison entre George Soros et M. Buffett, et indique que les évidences que M. Soros ait ''réellement'' performé grâce à ses bonnes décisions surpassent celles de l'oracle d'Omaha par un facteur de deux millions de fois. Bien sûr, M. Taleb se garde de déclarer publiquement que M. Buffett a été chanceux. Il préfère insister sur le fait qu'aucune indication probante ne permet d'écarter cette possibilité.
Nous avons lu notre lot de littérature sur Warren Buffett et sa méthodologie pour sélectionner ses titres, et nous pouvons affirmer sans l'ombre d'un doute qu'à long terme, sa façon d'investir produit des résultats à la hauteur de ses performances passées. M. Buffett connait très bien les probabilités, et nous l'espérons, M. Taleb également. Pourtant, ce dernier ne semble point comprendre qu'en sélectionnant des titres ou des investissements dont la plupart des critères placent toutes les chances de notre côté, on finit par obtenir d'excellents résultats.
Mais notre sceptique ne s'arrête pas là. Il conseille aux gens de ne pas se lancer dans le domaine de la finance, car un individu travaillant et talentueux devra se frotter à des magnats de la finance qui ont réussi grâce aux fruits du hasard et qui sont devenus trop puissants. Or, nous avons personnellement constaté que tous ceux qui jouissent principalement de la chance aboutissent tôt ou tard à l'échec. La bonne fortune peut nous accompagner pendant quelques années, mais pas pendant des décennies! Beaucoup d'investisseurs et de gestionnaires ont connu leurs heures de gloire, pour finalement s'éteindre. M. Buffett compile publiquement ses résultats depuis la formation de sa société, Berkshire Hathaway. Avant cette dernière, nous avons eu treize années de bons rendements avec ses partnerships. En tout, nous obtenons 56 ans d'historique. Combien d'années faudrait-il pour satisfaire M. Taleb? Mille ans ne suffiraient probablement pas!
Contrairement à M. Taleb, nous pensons qu'un individu motivé et talentueux possède toutes les chances de concurrencer les grands ''requins'' du monde de la finance, aussi bien en tant qu'investisseur pour son propre compte qu'en tant que professionnel. Warren Buffett déjà déclaré qu'il pouvait produire un minimum de 50% de rendements annuels dans un petit portefeuille d'un million de dollars ou moins. Il semble qu'un portefeuille de taille modeste attire davantage de ''chance'' qu'un gros portefeuille, puisque les rendements sont plus élevés sur les plus petites sommes. Par conséquent, en étudiant comment Warren a réussi à être aussi ''chanceux'', un jeune investisseur sérieux peut espérer s'approprier une part de cette extraordinaire ''chance'' et ainsi battre la plupart des gestionnaires de fonds mutuels.
P.S.: Donnons crédit à M. Taleb. Ses livres constituent des ouvrages intéressants et aident à développer de nouvelles perspectives face au risque. Nous en recommandons la lecture.