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Certaines personnes bien connues exercent une influence notable sur la population, lorsqu'elles expriment leurs opinions. C'est le cas notamment de Michael Moore, qui produit plusieurs films, dont Fahrenheit 9/11 et Bowling for Columbine. Cette entrevue attira particulièrement notre attention. À 7 minutes 35 secondes, Carl Quintanilla demande à M. Moore s'il détient des actions, et en particulier, des actions d'institutions financières. Sa réponse fût catégorique : il ne possède pas d'actions et n'en a jamais possédé dans le passé. Il n'investit pas à la bourse, et il souligne qu'il ne désire point soutenir un tel système.
Sur le site de Michael Moore, on prodigue des conseils aux gens qui désirent produire des changements dans leur société. L'une de ces recommandations se lit ainsi : ''N'investissez pas dans le marché boursier. Si vous avez un surplus d'argent, conservez-le dans un compte d'épargne, ou si vous le pouvez, payez votre hypothèque afin de posséder votre maison le plus vite que possible. Vous pouvez aussi acheter des bons du trésor américain sécuritaires. Ou vous pouvez simplement acheter des fleurs à votre mère.''
Nous sommes convaincus que beaucoup de gens prennent ce genre de conseil au sérieux. C'est particulièrement le cas pour les gens qui ont peu d'argent, et qui ont le plus besoin de s'enrichir afin d'améliorer leur niveau de vie. Or, hormis le fait de rembourser son hypothèque, le message de M. Moore semble comporter plusieurs effets contradictoires, et ne fait qu'alimenter le dégoût que ressentent certaines personnes envers la bourse en général.
Tout d'abord, on doit noter qu'il s'avère fort difficile de réussir en bourse. Pour bien des gens qui n'ont jamais tenté leur chance, on peut facilement s'imaginer que les personnes qui y ont réussi n'ont eu qu'à crier ''Bingo!'' pour que les titres s'apprécient ou pour recevoir de juteux dividendes. On va jusqu'à imaginer qu'il suffit d'acheter et d'attendre paisiblement et confortablement assis dans un sofa. Et tout à coup, la richesse abonde!
Bien des gens qui débutent à la bourse commencent d'abord par perdre de l'argent, faute de connaissances et de sagesse. Et même les investisseurs les plus expérimentés vivent des moments très difficiles parfois. Réussir en bourse exige beaucoup de temps à lire et chercher à comprendre le fonctionnement des sociétés. On doit également arriver à dompter ses émotions. Et pour vraiment bien prendre conscience de ces difficultés, on doit investir et expérimenter par soi-même.
Voyons maintenant en 4 points pourquoi nous pensons que le conseil de M. Moore risque de produire l'effet opposé de ce qui est recherché.
1) Les personnes riches s'enrichissent toujours de plus en plus, car elles participent aux profits des entreprises qui oeuvrent dans notre société. Donc, les gens les mieux nantis détiennent beaucoup d'argent, et cet argent est détenu soit dans des sociétés privées, soit dans des sociétés publiques. Comme la plupart des sociétés privées se lancent en bourse après avoir atteint une certaine taille, il n'est pas étonnant que tant de personnes riches y investissent. Or, lorsque l'on investit de façon consciencieuse et avec patience, on aboutit avec toujours plus d'argent. Comment peut-on espérer améliorer son sort si l'on cherche à faire le contraire des gens les mieux nantis? On peut débuter avec seulement 1000$, et espérer réussir à accumuler beaucoup d'argent au bout de 20 ou 30 ans, si on épargne régulièrement et que l'on investit dans des bonnes sociétés. Refuser d'investir, c'est un peu comme crier haut et fort que l'on souhaite laisser les profits d'entreprises aux autres. Est-ce vraiment ce que M. Moore désire?
2) Non seulement M. Moore recommande d'éviter la bourse, mais il recommande les bons du trésor américain. Voilà une belle recette pour l'appauvrissement. Avec les risques d'inflation actuels, les bons du trésor à long terme pourrait s'avérer une catastrophe pour ceux qui les détiennent. Quant aux bons à court terme, ils ne versent pas assez d'intérêts pour contrer l'inflation courante. Dans les deux cas, nous ne voyons pas comment leurs détenteurs réussiront à améliorer leur sort financier.
3) M. Moore laisse sous-entendre qu'il évite la bourse parce qu'il ne supporte pas un tel système. Quelle erreur! On confond ici ''consommation'' et ''actionnariat''. À la bourse, tout boycott produit l'effet contraire dans le cas des sociétés qui n'émettent pas de nouvelles actions. Par exemple, si on déteste la pétrolière Exxon Mobil, on pourrait penser qu'en convainquant les gens de vendre leurs actions, on créera du tort à la compagnie. Il n'y a rien de plus faux! Tout d'abord, le nombre d'action a diminué de 27% en 10 ans. Si le titre s'était transigé à un prix 50% plus bas, Exxon aurait pu racheter 54% des actions au lieu de 27%. Résultat? Les actionnaires restants s'en trouveraient beaucoup plus riches. Et si la majorité des actionnaires qui restent décidaient de vendre, le prix pourrait atteindre un niveau si bas que quelques individus pourraient racheter la société en entier et la rendre privée. Ainsi, les 38G$ de profits que la société génère serait attribués à une poignée d'investisseurs, au lieu d'un grand nombre d'actionnaires. Voilà le problème! En refusant d'acheter un titre, on ne diminue point les profits de l'entreprise, On ne fait que laisser ces profits à d'autres personnes.
La seule façon de réussir à décourager certaines industries, c'est en évitant de consommer leurs produits. Il ne faut pas les acheter, car il s'agit de la source véritable de leurs profits. M. Moore déconseille d'acheter des actions, mais il utilise une grande quantité de leurs produits dans son quotidien. Ainsi, il s'assure d'enrichir les actionnaires avec sa propre argent. M. Moore achète les produits des sociétés publiques, mais il n'en récolte jamais les profits.
4) La bourse permet d'améliorer grandement nos connaissances sur le monde des affaires! Si toutes les compagnies restaient privées, il s'avèrerait très difficile pour un petit épargnant de connaître le fonctionnement d'une foule d'industries. Or, grâce à la bourse, on peut découvrir quelles sont les marges d'opérations, qui détient les différentes parts de marchés, les stratégies des compagnies pour croître, etc. Prenons deux industries plutôt complexes : les banques et les compagnies d'assurance. En épluchant un grand nombre de rapports financiers, on peut se familiariser avec les ratios de capital, les taux de prêts délinquants, les ratios combinés en assurance, la volatilité des profits selon les cycles qui sont différents dans le domaine de l'assurance par rapport au secteur bancaire. Si un individu prend le temps de lire ce genre de documentation dans ses temps libres, il acquerra des connaissances gratuitement, et il se développera en lui l'envie d'investir. Sans la bourse, tout serait caché, et le monde des affaires deviendrait beaucoup moins transparent.
Définitivement, nous pensons que M. Moore devrait investir à la bourse pour réaliser qu'elle ne crée pas que des inconvénients. Quant à sa suggestion d'acheter des fleurs pour sa mère, c'est toujours une bonne idée!