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La semaine dernière, de chaudes discussions à propos de la société Herbalife (HLF-N) ont été tenues dans les médias, particulièrement à la chaîne boursière CNBC. Elles ont donné lieu à une confrontation entre deux titans de la finance.
Bill Ackman, le fondateur de Pershing Square Management, avait révélé en décembre dernier qu'il avait vendu à découvert plus de 20 millions d'actions du titre Herbalife. M. Ackman gère un fonds de couverture de 12 milliards de dollars. Engendrer des profits sur des titres qui s'effondrent fait partie de sa stratégie. Pour Herbalife, il croit que la société ne fait que s'adonner à de la vente pyramidale. Il estime que le titre devrait se transiger à 0$. Pour démontrer ses convictions, il a déclaré publiquement qu'il verserait tous les gains personnels issus de cette vente à découvert à des oeuvres de charité.
Carl Icahn, un autre milliardaire qui agit souvent à titre d'activiste, pense que M. Ackman a tort. En fait, il est convaincu que les actions d'Herbalife constituent une aubaine et il en a acquis pour plusieurs centaines de millions de dollars tout récemment. Depuis, nous assistons à un tout un débat.
Ces deux individus se seraient déjà confrontés à quelques reprises ces dix dernières années. On ne doit donc pas s'étonner d'être témoin d'un duel dans lequel les deux participants démontrent peu de respect entre eux. Toutefois, nous nous intéressons davantage à l'effet créé par cette dispute publique. Il ne fait nul doute que la société Herbalife emprunte un modèle d'affaire qui a fait souvent l'objet de critiques. Pour arriver à atteindre ses objectifs de ventes, elle a recours à un système de recrutement intensif de distributeurs. Ainsi, pour stimuler les ventes, on doit constamment convaincre des gens à chercher d'autres personnes, qui elles seront également amenées à recruter d'autres individus.
M. Ackman tente de mettre cette réalité au grand jour en attirant l'attention des investisseurs et des autorités. Au préalable, il a vendu à découvert des actions. Par conséquent, si son jugement s'avère exact, il pourrait gagner une somme substantielle. Voilà un énorme incitatif à dépister les situations frauduleuses!
La vente à découvert incite certains investisseurs influents à dénicher des sociétés aux pratiques douteuses, pour ensuite décrier la situation publiquement. En termes de coûts à la société, il s'agit d'un avantage indéniable. Ils aident les autorités à déceler les anomalies, et ils sont rémunérés par le marché boursier et uniquement lorsqu'ils ont raison. Rappelons-nous le cas de Sino-Forest, cette société canadienne qui prétendait posséder de vastes forêts en Chine. Carson Block, le fondateur de Muddy Waters, avait réussi à faire éclater le scandale de Sino-Forest en procédant d'une façon similaire à celle de M. Ackman.
Cependant, agir ainsi n'est pas de tout repos. Suite à l'effondrement de la Sino-Forest, M. Block a reçu au moins cinq menaces de mort ou de blessures à son endroit ainsi que vis-à-vis certains membres de sa famille. En outre, la société le poursuit pour 4 milliards de dollars! Pourtant, la Commission des Valeurs Mobilières de l'Ontario a formellement porté des accusations contre la firme en mai 2012.
Nous pouvons constater à quel point il peut devenir risqué pour un vendeur à découvert de tirer profit de la dénonciation de situations frauduleuses. Toutefois, leur travail rend service aux investisseurs. Par exemple, si une société aux pratiques douteuses amasse des capitaux sur une base régulière, la perte potentielle prendra de l'ampleur avec le temps. Pour minimiser les dommages de telles fraudes, on doit les contrer le plus tôt possible.
Le cas de Herbalife diffère de celui de Sino-Forest sur plusieurs points. La société verse un dividende, et elle rachète son titre. Le nombre d'actions est passé de 149M en 2006 à 108M au 30 septembre 2012. Les commentaires négatifs de M. Ackman à l'endroit de la société ont évidemment fait fondre la valeur des actions. Or, la société peut maintenant racheter son titre à meilleur prix. Toutefois, comme son succès dépend fortement des nouveaux individus recrutés, la mauvaise publicité pourrait nuire sérieusement à sa réputation. Ses profits pourraient donc être affectés.
Nous avons donc d'un côté M. Ackman qui discrédite la société, et de l'autre, M. Icahn qui la supporte. Nous assistons à un débat intéressant. Certes, il s'avère possible que M. Ackman ait poussé son jugement trop loin. Le temps nous le dira. Nous pensons néanmoins que le travail des investisseurs à découverts agissant en tant qu'activistes doit être valorisé. Il favorise une plus grande transparence dans le monde de la finance.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com