Vous arrive-t-il d'investir dans un titre, de perdre au moins 30% et plus, et de vous vous demandez maintenant si vous devez vendre ou plutôt racheter?
Cette situation particulière survient principalement dans les cas où le modèle d’affaires de la société est instable ou lorsque le bilan est particulièrement endetté. Nous nous attarderons sur le deuxième élément, puisqu’il peut souvent être évité simplement en consultant les états financiers de la société.
En tant qu’investisseur, on sait que pour évaluer un titre, on doit actualiser le flux de trésorerie à recevoir à travers le temps. Une façon rapide et efficace de procéder à cette évaluation consiste à calculer le ratio cours/bénéfices. Par «bénéfices», nous sous-entendons les profits ajustés. Ces ajustements comportent normalement des gains ou des pertes non récurrents, ainsi que des amortissements et dépenses en capital reliés aux actifs. De cette façon, on obtient un portrait plus juste des profits pour procéder au calcul.
Or, un autre facteur doit être considéré: le bilan. Une société qui affiche une généreuse encaisse mérite une meilleure évaluation qu’une autre qui croule sous les dettes. C’est pourquoi nous utilisons parfois la «valeur d’entreprise», qui inclut un ajustement selon l’encaisse ou la dette d’une société.
Lorsqu’un titre plonge de 30%, est-ce qu’il se négocie soudainement à 70% de sa valeur précédente? Prenons l’exemple de la société ABC, dont le prix de l’action s’élève à 10$. Elle est grevée d’une dette équivalente à 8$ par action. Son titre dégringole à 7$. Qu’en est-il de la valeur de l'entreprise?
Avant la chute, celle-ci se calculait comme suit: 10$ + 8$. Nous prenons la valeur boursière à laquelle nous rajoutons la dette. En effet, si un compétiteur désirait avaler cette société, il aura à payer les créanciers en plus des actionnaires. Nous obtenons donc une valeur totale de 18$.
Le titre chute à 7$, perdant 3$ par action. La valeur d’entreprise subit le même sort, puisque le montant de la dette demeure inchangé. Ainsi, au lieu des 18$ calculés précédemment, elle se retrouve à 15$. Or, 3$ sur 18$ représente un rabais de seulement 17%, et non 30% comme c’était le cas pour la valeur des actions prise isolément.
Allons plus loin. Le titre chute maintenant à 1$. Vous vous dites peut-être: «Quelle aubaine! Je peux rafler ce titre à 90% de moins qu’avant!». Pourtant, la valeur d’entreprise est passée de 18$ à 9$, ce qui crée un escompte de seulement 50%. Toutefois, le problème ne s’arrête pas là. Lorsqu’une société subit une telle raclée, c’est logiquement parce qu’elle se trouve en pleine tourmente. Comme la dette pèse lourd au bilan, elle fait face au risque de défaut. Nous aboutissons donc à une situation de «tout ou rien», qui ne constitue pas forcément une aubaine. On peut le constater en portant davantage attention à la valeur d’entreprise.
Deux réactions possibles
Dans un tel scénario, soit vous regrettez votre investissement, et souhaitez vendre et accepter la perte afin d’éviter de tout perdre; soit vous avez envie d’augmenter votre position et espérer bénéficier d’un rebond substantiel. Vous savez toutefois que vous pourriez perdre la totalité de votre mise, puisque la société risque la faillite. Le temps joue contre elle. Peut-être était-elle assurée de survivre avec un meilleur bilan. Ce n’est malheureusement pas le cas.
Souvent, vous hésiterez entre les deux. Vous aimeriez profiter du rebond possible, et ainsi acheter, mais vous êtes conscient du haut degré de risque. Celui-ci vous rend inconfortable.
La morale de l’histoire : éviter simplement les sociétés trop endettées. On minimise ainsi les chances de se retrouver dans ces pénibles situations de «tout ou rien».