Si vous épluchez les documents de la SEC (Securities and Exchange Commission) exposant la rémunération des dirigeants, vous remarquerez que les membres du conseil d'administration sont souvent bien rémunérés chez les grandes corporations. Rappelons-nous que ces individus ne sont pas employés par la firme où ils siègent en tant que directeurs. Ils participent aux réunions et représentent les actionnaires.
Les grandes décisions sont votées par le conseil, et parmi les enjeux discutés se retrouvent évidemment la question de la rémunération de la haute direction. Or, si comme bien des gens, vous estimez que les salaires des chefs de direction versent dans l'extrême, vous devez vous poser la question à savoir d'où provient le problème.
Nous considérons qu'il existe deux facteurs majeurs :
- l'élection de dirigeants d'autres sociétés sur le conseil;
- la rémunération des membres du conseil.
Un service en attire un autre
Le premier élément ne surprendra personne : quoi de mieux que d'élire un haut dirigeant grassement payé chez la société ''X'' afin de décider s'il est raisonnable de payer aussi grassement le dirigeant de la société ''Y''? On connaît bien l'expression anglaise ''you scratch my back and I will scratch yours''. Les dirigeants ne peuvent pas voter pour leur propre rémunération, mais en siégeant sur le conseil de l'un et de l'autre, ils finissent par aboutir à leurs fins.
Quelle coïncidence! Les consultants d'entreprises qui suggèrent la récompense appropriée aux comités de rémunération se basent sur la paie en vigueur d'autres sociétés ''comparables''. Ainsi, la société ''X'' observe la paie des hauts dirigeants de la société ''Y'', alors que cette dernière observe celle de ''X''.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que la société Berkshire Hathaway n'est jamais citée ou presque. Warren Buffett se verse un salaire de 100 000$. Veut-on vraiment se comparer à un niveau aussi modeste?
Pourtant, le choix des sociétés nous paraît bien clair. Par exemple, la société AIG a sélectionné les sociétés suivantes, entre autres : Allstate, Travelers, Progressive, Hartford, Chubb, Ace et CNA. Ces six entreprises sont inclues dans la liste des 14 plus importantes sociétés d'assurances générales aux États-Unis en 2012, selon la NAIC (National Association of Insurance Commissioners). D'après AIG, ses choix sont ciblés en fonction du domaine et de la taille des revenus en assurance. Berkshire Hathaway ne figure pas dans la liste, même si selon la NAIC, Berkshire Hathaway devance quatre des sociétés citées plus hauts en ordre d'importance des primes.
Un deuxième élément non négligeable
Il existe un deuxième facteur qui incite les directeurs de conseil à acquiescer aux désirs du chef de la direction. Il s'agit de la paie des membres du conseil elle-même! Warren Buffett a exposé ce problème en entrevue au mois de mai dernier (cliquer ici pour lire l'entrevue). Il déclara que si un directeur s'opposait aux recommandations, les perspectives de sa carrière de ''membre du conseil'' s'assombriraient.
M. Buffett décrivit la situation. Par exemple, un haut dirigeant approche un de ses homologues et lui dit : ''J'ai entendu parler de l'une de vos directrices sur votre conseil. Nous avons besoin d'une femme sur le nôtre et apparemment elle se comporte bien...'' Voilà! Elle vient de décrocher un autre emploi de 300 000$ par an. ''C'est la réalité de notre monde'' expliqua M. Buffett.
On fait face à un gros dilemme. Le directeur qui acquiesce aux plans de rémunération sans objections empoche 200 000$ ou 300 000$ par an simplement en assistant à plusieurs réunions annuelles. Va-t-il vraiment écouter sa conscience et faire opposition, alors qu'il risque de perdre son poste ou de ne plus en obtenir d'autres ailleurs?
Donc, dans le cas d'un haut dirigeant, nous assistons à un beau mouvement d'entraide entre eux. Dans le cas des personnes qui n'ont jamais accédé à des postes aussi rémunérateurs, nous nous retrouvons avec un incitatif tout aussi redoutable : comment dire ''non'' à 300 000$ en restant simplement consentant dans les réunions lorsque l'on ne gagne pas des millions de dollars par an?
Il n'existe qu'une solution. Les actionnaires doivent exiger plus que jamais d'avoir leur mot à dire sur la rémunération des dirigeants et des membres du conseil.
P.S.: Vous vous demandez peut-être combien les membres du conseil sont payés chez Berkshire Hathaway? Entre 2000$ et 6000$ par an!
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com